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IVES, WILLIAM BULLOCK, avocat, homme d’affaires et homme politique, né le 17 novembre 1841 dans le canton de Compton, Bas-Canada, fils d’Eli Ives et d’Artemissa Bullock, des loyalistes venus du Connecticut ; décédé le 15 juillet 1899 à Ottawa.
Après des études à l’école du village de Compton, le jeune William Bullock Ives fréquenta l’académie de Compton pendant quatre ans, puis il poursuivit sa formation par ses propres moyens avant de s’engager dans l’apprentissage du droit à Sherbrooke. Reçu avocat le 18 juin 1867, il exerça sa profession principalement à Sherbrooke, entre autres au bureau de Henry B. Brown et de C. A. French. On le nommerait conseiller de la reine en 1880.
Le 20 novembre 1869, Ives épousa à Cookshire Elizabeth Emma Pope, fille unique de John Henry Pope*. et le couple n’eut pas d’enfants. Ce mariage avec la fille d’un des piliers du parti conservateur dans les Cantons-de-l’Est, qui allait devenir ministre dans le gouvernement de sir John Alexander Macdonald et qui était par surcroît l’un des hommes d’affaires les plus riches et les plus influents de la région, serait déterminant pour l’évolution de la carrière et de la fortune d’Ives. Son itinéraire politique commença au niveau municipal quand il se fit élire conseiller pour le quartier Est de la ville de Sherbrooke en janvier 1875. Il conserva ce poste pendant quatre ans et fut choisi maire pour l’année 1878, année où les électeurs de la circonscription de Richmond et Wolfe le désignèrent comme député à la chambre des Communes. Il continua de représenter cette circonscription jusqu’en 1891, en se faisant réélire aux élections de 1882 et de 1887. À partir de 1891, il se présenta dans Sherbrooke où il remporta la victoire en 1891 et 1896 ainsi qu’à une élection partielle en 1892.
Ardent conservateur, Ives apporta en chambre une compétence respectée dans les questions qui touchaient le droit des affaires et le commerce extérieur. Son premier discours, en faveur d’un tarif protecteur pour les produits manufacturés, révèle une connaissance avisée des phénomènes économiques ainsi qu’une ardente adhésion à la Politique nationale de son parti. Il fut, à l’instar de son beau-père qui était devenu en 1885 ministre des Chemins de fer et Canaux, un défenseur opiniâtre de l’aide gouvernementale à la construction du chemin de fer canadien du Pacifique. Sans doute, ces qualités lui doivent d’avoir été élevé au Conseil privé et nommé président de cet organisme, le 7 décembre 1892, ce qui lui conférait le rang de ministre dans le nouveau cabinet conservateur de sir John Sparrow David Thompson. Il devint ministre du Commerce dans le gouvernement de Mackenzie Bowell* le 21 décembre 1894 et à ce titre participa aux laborieuses discussions qui déchirèrent le gouvernement fédéral sur la pertinence de proposer un projet de loi réparatrice dans la question des écoles séparées du Manitoba. Il fut l’un des sept ministres protestants qui démissionnèrent le 5 janvier 1896 dans une tentative de forcer Bowell à se retirer. Réintégré au cabinet quelques jours plus tard, il resta ministre jusqu’à la défaite du cabinet de sir Charles Tupper* en juillet suivant.
Parallèlement à sa carrière politique, Ives fit une ascension marquée dans le monde des affaires. Son mariage lui permit de se faire une réputation dans les secteurs où son beau-père était solidement implanté, à savoir l’industrie du sciage, l’élevage de bétail et la construction ferroviaire, particulièrement dans la région qui s’étend à l’est de Sherbrooke.
Ainsi, en 1882, Ives racheta-t-il avec trois associés une scierie à Cookshire pour former la Cookshire Mill Company. La nouvelle firme s’assura rapidement des réserves de bois de 46 000 acres et agrandit la scierie pour en faire une entreprise d’importance, dont la production était presque entièrement dirigée vers le marché sud-américain. Ives et son beau-frère Rufus Henry Pope* en deviendraient bientôt les seuls actionnaires. Peu après, Ives fonda la Scotstown Lumber Company, firme dont il devint président et dont la scierie principale, à Scotstown, traitait le bois de la région du mont Mégantic. Il avait de ce fait la haute main sur la plus grande partie du bois de sciage produit dans le secteur est de la région des Cantons-de-l’Est. Cherchant à diversifier ses marchés, il s’intéressa bientôt au bois à pâte que ses deux firmes de sciage commencèrent à exporter aux États-Unis. L’étape suivante était logiquement celle de la fabrication sur place de pâte à papier. Ives, appuyé par des associés locaux et montréalais, mit ainsi sur pied en 1884 une usine de pâte à papier à Scotstown (avec la Salmon River Pulp Company) puis racheta en 1891 l’usine de pâte d’East Angus. Il devint président de la Royal Pulp and Paper Company qui établit dans cette même ville une usine de papier. En 1893, une restructuration de la compagnie, connue dès lors sous la raison sociale de Royal Paper Mills Company, fit passer Ives au rang d’actionnaire minoritaire. Après la défaite du gouvernement conservateur en 1897, il devint directeur des usines d’East Angus et prit une part active à la préparation d’une nouvelle usine de pâte au bisulfite.
Ces activités dans les secteurs du bois de sciage et du papier rendirent Ives sensible à l’amélioration des transports entre la région de Cookshire et les États-Unis. Aussi devait-il promouvoir en 1887 la construction du chemin de fer de Hereford, destiné à relier le nord du New Hampshire à Cookshire. Devenu l’âme dirigeante du projet, il réussit à y intéresser un syndicat d’hommes d’affaires des États-Unis. Construite en moins de deux ans, la ligne fut louée en 1890 au chemin de fer Maine Central. Ives demeura administrateur du chemin de fer de Hereford, voie ferrée par laquelle il exportait du bois et de la pâte à papier mais également de la chaux et du ciment. Avec ses associés américains, il avait en effet prolongé la ligne ferroviaire de Cookshire à Lime Ridge, où se trouvaient les fours à chaux de la Dominion Lime Company, dont il était vice-président.
Le portefeuille d’Ives reflète des intérêts fort divers pour des activités parfois éloignées sectoriellement ou géographiquement de ses entreprises industrielles ou ferroviaires. Il était en effet actionnaire d’une compagnie de textile, la Compagnie manufacturière Paton de Sherbrooke [V. Andrew Paton], d’une entreprise de services, la Sherbrooke Gas and Water, de la Saskatchewan and Peace River Railway Company, et d’une affaire d’élevage de bétail, la Dominion Cattle, qui possédait des ranchs au Texas. Vers 1895, il commença à prendre une part active au développement minier de la région de Rossland, en Colombie-Britannique. Il revenait justement par le chemin de fer canadien du Pacifique d’une tournée là-bas quand il fut frappé d’une paralysie qui devait être fatale. On ramena son corps d’Ottawa à Sherbrooke où il fut enterré au cimetière Elmwood.
Homme entreprenant, affable et estimé, William Bullock Ives était un juriste respecté et un homme d’affaires avisé. Membre de la bourgeoisie anglophone des Cantons-de-l’Est, il est un parfait exemple à la fois des relations convergentes entre la famille, les affaires et la politique, typiques de sa classe sociale au xixe siècle, et du passage d’une bourgeoisie régionale à la bourgeoisie nationale canadienne.
ANQ-E, CE1-39, 20 nov. 1869.— Canada, chambre des Communes, Débats, 1879 : 707 ; 1880–1881 : 190 ; 1885 : 2711 ; 1890 : 1439 ; 1891 : 2413 ; 1892 : 1262.— Le Pionnier, 21 juill. 1899.— Le Progrès de l’Est (Sherbrooke, Québec), 14, 18 juill. 1899.— Sherbrooke Daily Record, 13, 15, 17, 19 juill., 1er août 1899.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Eastern Townships directory, 1867 : 69.— Répertoire des ministères canadiens.— L. S. Channell, History of Compton County and sketches of the Eastern Townships, district of St. Francis, and Sherbrooke County (Cookshire, Québec, 1896 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1975), 45–46, 62–64, 131–133, 230.) 1.
Jean-Pierre Kesteman, « IVES, WILLIAM BULLOCK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ives_william_bullock_12F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |