HYMAN, WILLIAM, marchand exportateur et homme politique, né en Russie en 1807 ; il épousa Amelia Hart, et ils eurent cinq filles et trois fils ; décédé à Montréal le 8 décembre 1882.

Au début du xixe siècle, les parents de William Hyman, de religion juive, quittent la Russie afin d’échapper à l’oppression des tsars. Ils se réfugient à Lódź, en Pologne, mais leur situation ne s’améliore pas et ils périssent tous les deux. En 1835, Hyman réussit à sortir de Pologne avec sa jeune épouse Amelia Hart et, attiré par la présence d’une communauté juive, trouve refuge dans la ville de Norwich en Angleterre. Il entre au service d’un bijoutier nommé Hart qui l’envoie à New York en 1840 pour y représenter sa maison.

Son séjour aux États-Unis est de courte durée puisque, dès 1843, Hyman réside à Gaspé, Bas-Canada, où il s’intéresse déjà au commerce de la morue. Ce n’est cependant qu’en 1845 qu’il acquiert du capitaine guernesiais Francis Ahier un premier établissement de pêche à Grande-Grève. Son voisin immédiat est alors Frederick Janvrin, qui possède la plus grande grave de la baie de Gaspé de même que plusieurs postes sur la côte nord de la Gaspésie. En 1855, cette entreprise passe aux mains de la firme jersiaise William Fruing and Company, principal concurrent de Hyman jusqu’à la fin de sa vie.

Contrairement aux grandes compagnies jersiaises qui délèguent des agents à Gaspé, Hyman dirige lui-même ses affaires sur place. Ce n’est qu’en 1875 qu’il confie officiellement à son fils aîné, Isaac Elias, le soin de gérer ses établissements, sous la raison sociale William Hyman and Sons, tout en se réservant jusqu’à sa mort la direction de certaines opérations financières. Depuis sa fondation au cours des années 1840, l’entreprise de Hyman connaît une croissance constante et relativement rapide, compte tenu du faible capital investi au départ (£220). Au fur et à mesure que s’élargit la clientèle de producteurs de morue séchée, par le biais d’un système de crédit, il acquiert des établissements de pêche, des postes de collecte et des magasins dans les principales localités de la presqu’île de Forillon et, plus loin, sur la côte nord de la Gaspésie. S’élevant à plus de 2 000 quintaux en 1855, sa production de morue, exportée à partir du port de Gaspé, atteindra 11 000 quintaux en 1880. Pour l’ensemble des exportations du port de Gaspé dans la seconde moitié du xixe siècle, l’entreprise de Hyman occupe le quatrième rang en importance, avec près de 10 p. cent des expéditions, soit la moitié de celles de son principal concurrent, la William Fruing and Company, qui dispose de capitaux considérables. À sa mort, Hyman lègue à ses héritiers deux établissements de pêche à Grande-Grève, un à Cap-des-Rosiers, deux à Rivière-au-Renard, un à l’anse du cap à l’Ours, un quai, des entrepôts et un magasin à Gaspé, de même qu’un hôtel et plusieurs propriétés et hypothèques dans la région de la presqu’île de Forillon. Il a également accumulé plusieurs titres dans des banques de Québec et de Montréal, et possède une résidence à Montréal qu’il habitait l’hiver depuis 1874.

Les grands commerçants exportateurs de la Gaspésie à l’époque sont presque tous des Jersiais. Dans la structure du commerce de la morue séchée, ils occupent partout la plus grande place. En effet, ils sont tout à la fois financiers, courtiers, exportateurs, armateurs et acheteurs de fournitures dans la région méditerranéenne. Pour la bonne marche de son entreprise, Hyman dépend donc des Jersiais tant du point de vue du financement de ses cargaisons et de l’approvisionnement en marchandises que de celui de l’écoulement de son produit. Il tentera à quelques reprises, mais en vain, de contourner le réseau jersiais, pour l’expédition et la vente de sa morue, en passant par l’intermédiaire d’agents à Halifax ou à Liverpool, Angleterre. Cependant, le dépôt de son capital dans les banques canadiennes plutôt qu’européennes lui aura sans doute permis de sortir sain et sauf de la crise financière qui affecte durement les compagnies jersiaises à partir de 1873. La William Fruing and Company ne pourra s’en sortir, et ses propriétés seront finalement acquises par la William Hyman and Sons en 1918 et 1925.

Tout comme pour les firmes jersiaises, le fondement du pouvoir et de la richesse de la compagnie Hyman résidait dans un système d’avances et de crédit consentis aux pêcheurs. Elle n’exportait pas seulement de la morue mais elle importait en même temps les marchandises essentielles aux pêcheurs pour leur travail et leur subsistance. La mise en place d’un système de crédit généralisé était favorisée au départ par le rendement insuffisant d’une courte saison de pêche et, surtout, par le caractère spécialisé de la production de morue séchée qui renvoyait constamment le pêcheur à la compagnie pour s’approvisionner en sel, en agrès de pêche et en vivres. Ainsi, l’endettement faisait partie intégrante du mode de vie des pêcheurs gaspésiens. Le caractère « obligé » de leur production assurait à une compagnie, comme celle de William Hyman, un approvisionnement régulier en morue séchée de la part des communautés qui dépendaient d’elle.

Mis en évidence par cette insertion sociale, Hyman s’est vu attribuer des fonctions politiques et juridiques. Il siégea en effet comme maire de la municipalité du canton de Cap-des-Rosiers depuis sa fondation en 1858 jusqu’en 1882, devenant ainsi le premier Juif au Canada à occuper un tel poste. À ce titre, il favorisa l’établissement du télégraphe, puis la construction du phare du cap Gaspé, lequel sera achevé en 1871. Il devint également membre du conseil de comté, établi en 1869, juge de paix et capitaine de milice.

La mort de William Hyman coïncida avec la fin de la période jersiaise d’exploitation des pêcheries en Gaspésie. Quatre ans plus tard, en 1886, la très puissante Charles Robin and Company de Paspébiac connaîtra de sérieuses difficultés financières, et le tournant du siècle verra disparaître le flux de capitaux jersiais en Gaspésie. L’entreprise de William Hyman put s’ajuster aux nouvelles conditions du xxe siècle grâce à Isaac Elias, son fils aîné, qui la prit en charge, et à Percy, son petit-fils, lequel en assura la continuité jusqu’en 1967.

Michel Le Moignan et Roch Samson

APC, RG 16, A2, 476.— Arch. de la Soc. hist. de la Gaspésie (Gaspé, Québec), Livre des minutes de la municipalité de Cap-des-Rosiers, 1858–1882.— Arch. privées, David Hyman (Lahr, République fédérale d’Allemagne), Isaac Elias Hyman, Private letterbook, 1882–1884 ; William Hyman, Letterbooks, 1864–1866, 1874–1877.— BE, Gaspé (Percé), Reg. B, 1, n252 ; 2, n159.— Canadian Jewish reference book and directory, 1963, Eli Gottesman, compil. (Ottawa, 1963), 309.— Sack, Hist. of the Jews in Canada (1945), 146.— E. C. Woodley, « The Hymans of Gaspé », Rev. d’hist. de la Gaspésie (Gaspé), 11 (1973) : 74–78.

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Michel Le Moignan et Roch Samson, « HYMAN, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hyman_william_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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