Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3192589
HUTTON, SAMUEL, pêcheur, constructeur de bateaux, rameur, fonctionnaire et yachtman, né le 10 juillet 1845 à Coleraine (Irlande du Nord) ; il épousa une dénommée Belyea, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 21 août 1894 près de l’île Manawagonish, Nouveau-Brunswick.
Samuel Hutton était encore petit quand ses parents immigrèrent à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, pour fuir la famine qui sévissait en Irlande. Il devint pêcheur et constructeur de bateaux dans sa jeunesse, et son amour de l’eau l’amena à faire de l’aviron. C’est dans le port de Saint-Jean qu’il livra sa première course et, avec trois amis, remporta sa première victoire contre quatre jeunes hommes de l’endroit pour un enjeu de « 25 cents par rameur ». Au début des années 1860, on le vit bien des fois dans des équipes de quatre rameurs aux alentours de Saint-Jean.
En 1867, des régates devaient avoir lieu dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris. Le Nouveau-Brunswick avait décidé de ne présenter à l’exposition même « ni œuvre d’art bien léchée, ni pièce d’artisanat ingénieux », et avait plutôt opté pour « faire montre de l’énergie, de la hardiesse et du courage » des habitants de la province en envoyant aux régates trois pêcheurs et un gardien de phare (Hutton, George Price, Robert Fulton et Elijah Ross) ; pour ce faire, le gouvernement provincial avait versé 2 000 $ et les citoyens de Saint-Jean avaient recueilli 4 000 $. Hutton et Ross étaient placés entre le vigoureux Fulton, le chef de nage, et Price, qu’on avait choisi comme rameur d’avant en raison de son expérience. Pendant l’entraînement en France, l’équipe nord-américaine fut regardée comme une curiosité. Ramant sans barreur, dans un style saccadé dépourvu d’élégance, les « quatre robustes Nouveaux-Brunswickois », qui portaient « tricot couleur chair, pantalon de drap sombre, bretelles de cuir et bonnet rose vif », remontaient et descendaient la Seine dans deux lourds canots de fabrication artisanale. À la fin de la course le 8 juillet, ils avaient néanmoins défait les meilleures équipes anglaise, française et allemande et remporté tant le quatre avec gréement intérieur que le quatre avec portants. La nouvelle de la victoire se répandit rapidement dans tout le nouveau dominion du Canada, jusqu’à la côte du Pacifique. À leur retour à Saint-Jean le 6 août, une foule nombreuse et enthousiaste accueillit les désormais célèbres « Quatre de Paris ». On n’avait rien oublié : rues pavoisées, salves d’artillerie, fanfare, parade et, après les acclamations au théâtre le soir même, feux de joie et tir de fusées.
Tout de suite après la victoire de Paris, les célèbres frères Ward, de Cornwall dans l’état de New York, allaient mettre Hutton et ses coéquipiers au défi de leur disputer le championnat du monde. L’épreuve, dont l’enjeu était de 1 500 $ par camp, eut finalement lieu le 21 octobre 1868 à Springfield, au Massachusetts. Après que les parieurs de Saint-Jean eurent accepté les mises de tous les partisans de l’équipe américaine, les héros de Paris servirent aux Ward « une cuisante défaite ». Une fois de plus, les quatre jeunes hommes furent fêtés en grande pompe à leur retour à Saint-Jean. L’année suivante, une tournée les amena à Montréal, à Toronto et à Niagara (Niagara-on-the-Lake), où non seulement ils firent la démonstration de leurs talents mais entrecoupèrent leurs succès de dîners copieusement arrosés. À un moment donné en 1869, Hutton livra la seule course à un rameur à laquelle il ait apparemment participé et défit Fulton et Price pour 50 $ par camp dans le port de Saint-Jean.
Son défi suivant, l’équipe de Paris allait le relever le 15 septembre 1870 à Lachine, au Québec, contre l’équipe de la Tyne, équipe d’Angleterre dirigée par le grand James Renforth, qui n’avait jamais perdu une course. On avait fixé à 2 500 $ par camp l’enjeu de cette épreuve de six milles, et de gros parieurs avaient misé sur les « hommes en rose ». Le jour prévu, malgré le mauvais temps, la course eut finalement lieu après plusieurs ajournements. L’embarcation de l’équipe anglaise était beaucoup mieux construite pour les eaux agitées et l’équipe de Paris essuya sa première défaite. Un citoyen de Saint-Jean affirma : « Saint-Jean est mort. La course fera sortir près de 100 000 $ de la ville. Beaucoup de gens ont tout perdu. À l’exception des Fils de la tempérance, tout le monde ici semble ivre. » Penauds, les quatre hommes rentrèrent le 20 septembre à Saint-Jean, où, à leur grande surprise, on leur fit de nouveau un accueil des plus spectaculaires.
Les circonstances de la défaite exigeaient une revanche, que l’on fixa au 23 août 1871, sur la rivière Kennebecasis, au Nouveau-Brunswick, avec un enjeu de £500 par camp. Le matin de la course, quelque 20 000 spectateurs s’entassaient le long du parcours de six milles, dans l’attente d’une formidable bataille. Mais avant d’avoir franchi un mille, Renforth laissa tomber son aviron et s’écroula à la renverse dans son embarcation, visiblement en détresse. Pendant que les partisans de l’équipe de la Tyne criaient à l’escroquerie, les quatre de Saint-Jean couraient vers une victoire facile, que vint gâcher l’annonce de la mort de Renforth, environ une heure plus tard. Après ce tragique événement, l’équipe de Paris prit une semi-retraite. Au moment de leur dernière apparition en public, à l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876, une équipe de Halifax leur infligea une écrasante défaite dans « une course très lente ».
Hutton continua à travailler comme pêcheur jusqu’à sa nomination au poste de passeur pour le département des Douanes, à Saint-Jean, en 1881. Il se désintéressa de l’aviron et consacra son énergie à la navigation de plaisance. Le 21 août 1894, il prenait part à la course de la Corporation Cup quand un grain coula son yacht, le Primrose, juste à la sortie du port de Saint-Jean. Hutton et sept membres de son équipage furent tués. On ordonna la tenue d’une enquête et, bien que l’un de ses concurrents – Elijah Ross, qui avait fait partie de l’équipe de Paris avec lui – eût déclaré que Hutton avait « dépassé la mesure et pris des risques qu’il n’aurait pas dû prendre », le jury conclut à un accident.
Au moment de sa mort, Samuel Hutton, homme sympathique et populaire, était décrit comme « le même grand homme qu’il y a 25 ans, que rien n’a[vait] corrompu ». Vigoureux et robuste, il était néanmoins un piètre nageur, et il aurait dit à son équipage du Primrose qu’il « ne ferait jamais d’autre course, car il avait toujours de la malchance ». Il mourut deux jours seulement avant le vingt-troisième anniversaire de la dernière grande victoire des « Quatre de Paris », où Renforth avait trouvé la mort.
New Brunswick Sports Hall of Fame (Fredericton), File information concerning Samuel Hutton and the Paris crew.— British Columbian, 20 juill. 1867.— Colonial Farmer (Fredericton), 10 août 1867.— Daily Telegraph (Saint-Jean, N.-B.), 19 août 1876.— Evening Times (Saint-Jean), 3 mars 1906.— Morning Freeman (Saint-Jean), 30 juill, 6, 8 août 1867.— Morning News (Saint-Jean), 19, 29, 31 juill., 7, 9 août 1867.— Ottawa Citizen, 26 juill. 1867.— St. John Daily Sun, 22 août–1er sept. 1894.— S. F. Wise et Douglas Fisher, Canada’s sporting heroes (Don Mills [Toronto], 1974).— Brian Flood, Saint John : a sporting tradition, 1785–1985 ([Saint-Jean], 1985).— R. S. Hunter, Rowing in Canada since 1848 [...] (Hamilton, Ontario, 1933).— Mac Trueman, « The great race of 1871 : thousands thronged to watch epic rowing contest », Telegraph-Journal (Saint-Jean), 11 août 1984 : 13.
Charles Dougall, « HUTTON, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hutton_samuel_12F.html.
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Auteur de l'article: | Charles Dougall |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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