HUMBERT, STEPHEN, boulanger, marchand, homme politique, officier de milice, fonctionnaire, chef laïque méthodiste, professeur de chant, auteur et musicien, né en 1766 ou 1767 dans le New Jersey, fils de Stephen Humbert et d’une prénommée Elizabeth ; il épousa une prénommée Martha, et ils eurent au moins deux fils et trois filles, puis le 25 octobre 1818, à Boston, Mary Adams, née Wyer, et de ce mariage naquirent au moins trois filles, dont l’une mourut en bas âge ; décédé le 16 janvier 1849 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick.
Durant la Révolution américaine, Stephen Humbert travailla à New York avec son père, boulanger de son métier ; en 1783, sa famille, qui était loyaliste, immigra à Parrtown (Saint-Jean). Il continua à pratiquer le métier de son père mais ne tarda pas à diversifier ses intérêts commerciaux et personnels. Il se lança dans le transport maritime et le commerce général et ouvrit au rez-de-chaussée de sa maison, située South Market Wharf à Saint-Jean, une librairie et un magasin de musique.
Humbert siégea à titre d’échevin au conseil municipal de Saint-Jean pendant quelques années entre 1812 et 1822. Il fut député de la ville de Saint-Jean à l’Assemblée du Nouveau-Brunswick de 1809 à 1820, année où il fut battu par Hugh Johnston. Cette même année, on le chargea, en qualité d’agent des douanes, de mettre fin au trafic illégal de plâtre de Paris entre la province et les États-Unis ; son fils John était son adjoint. Peut-être Stephen était-il préparé à ce poste dangereux en raison de ses états de service dans la milice. En effet, après qu’on l’eut nommé capitaine dans le régiment du comté de Saint-Jean en 1805, il avait servi tout au long de la guerre de 1812 et au delà. Défait lorsqu’il sollicita un nouveau mandat de député en 1827, il protesta auprès de la chambre d’Assemblée en alléguant que l’élection avait été injuste, mais retira ensuite sa plainte contre le vainqueur, Robert Parker*. Il redevint député du comté et de la ville de Saint-Jean au scrutin général de 1830 puis perdit son siège en 1834. Son fils John siégea à l’Assemblée de 1827 à 1834 à titre de représentant de la circonscription de Kings.
Par ailleurs, Humbert prit une part active à l’organisation de la première congrégation méthodiste de Saint-Jean, fondée en 1791. Selon son propre témoignage, il fut prédicateur laïque pendant plusieurs années au temple de Saint-Jean et dirigea périodiquement la congrégation en l’absence d’un ministre ordonné. Il collabora étroitement avec le chef laïque néo-écossais William Black*, avec Abraham John Bishop, premier prédicateur méthodiste affecté à Saint-Jean, et avec James Man*, qui servit quelque temps dans la circonscription ecclésiastique de Saint-Jean. Dans The rise and progress of Methodism, in the province of New Brunswick [...], imprimé en 1836 par la Lewis W. Durant and Company de Saint-Jean, il a raconté comment, de 1791 à 1805, les méthodistes s’étaient installés dans la colonie et de quelle manière les autorités méthodistes de Grande-Bretagne avaient, non sans provoquer des tensions, évincé celles de l’Amérique du Nord. Humbert lui-même eut l’amère surprise de perdre son autorité sur la congrégation de Saint-Jean aux mains de Joshua Marsden, missionnaire envoyé dans les Maritimes par la Conférence wesleyenne britannique en 1800. Il prêcha quelque temps dans une localité voisine, Carleton, puis vers 1805, à la demande des fidèles, il recommença à prêcher au temple de Saint-Jean pendant les absences du successeur de Marsden, William Bennett*, méthodiste venu lui aussi de Grande-Bretagne. Toutefois, comme ses différends avec les méthodistes britanniques étaient insurmontables, il finit par quitter le temple principal pour prêcher dans une salle qu’on lui avait offerte. Apparemment, après l’échec de la médiation de Black, il coupa tout lien avec le temple de Saint-Jean.
Peut-être Humbert doit-il principalement sa renommée au fait qu’il fut professeur de chant, compositeur et compilateur du premier recueil de chants en langue anglaise publié au Canada. En octobre 1796, il annonçait l’ouverture d’une école de chant dans une grande salle située à l’étage d’un immeuble de la rue King. Il y enseignait les techniques vocales et les rudiments de la théorie musicale, surtout à l’aide d’un répertoire de chant sacré puisé dans des recueils parus en Nouvelle-Angleterre. Les classes de chant, lieux de loisir aussi bien que d’instruction, étaient populaires dans les colonies américaines depuis les années 1720. Souvent tenues par des maîtres itinérants, elles duraient d’un mois et demi à deux mois, à raison de trois soirs par semaine, et se terminaient par un concert en bonne et due forme où les élèves pouvaient faire entendre ce qu’ils avaient appris. C’était donc une chance pour Saint-Jean que d’avoir un professeur de chant à demeure.
Pour les besoins de son enseignement, Humbert composa son propre recueil, qu’il fit imprimer en Nouvelle-Angleterre en 1801. Union harmony ; or British America’s sacred vocal music [...], annonçait-il en novembre, était en vente à Saint-Jean, à Fredericton, à Annapolis Royal et à Halifax (où Thomas Daniel Cowdell* lui servait d’agent). L’ouvrage comprenait une introduction sur les principes de la musique vocale ainsi qu’une série d’hymnes, de cantiques et de textes choisis par Humbert dans les recueils de la Nouvelle-Angleterre qu’il avait pu consulter. Selon ses réclames, l’édition de 1801 contenait un certain nombre de mélodies de sa composition. La deuxième édition, imprimée à la fin de 1816 ou au début de 1817 par la C. Norris and Company d’Exeter, dans le New Hampshire, avait été « amplement revue et augmentée ». On y trouvait une longue « Introduction to the Grounds of Musick », des exercices vocaux empruntés à l’édition de 1817 d’un populaire recueil de chants du New Hampshire, imprimé par le même éditeur, The village harmony, or youth’s assistant to sacred musick [...], ainsi que de nombreux airs et hymnes britanniques et quelques musiques originales. Certaines œuvres de Humbert portaient des titres évocateurs : St. John, Gagetown, Sussex Vale, Halifax, Carleton Side et Frederickton. Les textes comprenaient trois ou quatre parties et l’air était écrit pour une voix de ténor, selon la coutume de l’époque. Union harmony devait servir avant tout de manuel à des classes de chant, mais Humbert ambitionnait de le voir utilisé aussi comme recueil d’hymnes et de cantiques. En fait, peut-être avait-il mis davantage d’airs britanniques dans sa deuxième édition pour qu’elle convienne mieux aux offices religieux des méthodistes britanniques et des anglicans. L’ouvrage parut de nouveau en 1831 et en 1840 avec des ajouts. Humbert continua, semble-t-il, à donner périodiquement des cours de chant à Saint-Jean au moins jusqu’en 1840, année où il fonda une société de musique sacrée.
La chanson que Stephen Humbert a intitulée Singing School rend bien l’atmosphère d’une classe de chant de l’époque. Il s’agit d’une fugue, forme populaire auprès des compositeurs nord-américains du xviiie siècle ; chantée en canon, elle permettait à chacune des sections vocales de la nouvelle chorale de faire valoir ses talents :
Qu’il est doux pour moi d’évoquer
Ces heures où, réunis,
Nous travaillions à exercer
Nos voix à l’harmonie.
Souvent, loin du froid maléfique,
Des sombres soirs d’hiver,
Nous avons goûté la musique
Et chanté des prières.
Aucun exemplaire de la première édition du recueil de Stephen Humbert n’a été retrouvé. La deuxième édition porte le titre d’Union harmony : or British America’s sacred vocal musick, from the most approved English and American composers, with some original musick on special occasions, to which is prefixed a concise introduction (Saint-Jean, N.-B., 1816). Nous avons puisé les renseignements sur le contenu de cet ouvrage dans Nicholas Temperley, « Stephen Humbert’s Union harmony, 1816 », « Sing out the Glad News » : hymn tunes in Canada, John Beckwith, édit. (Toronto, 1987), et dans la documentation amassée par Temperley dans le cadre de son projet sur l’indexation des hymnes (Univ. of Ill., Urbana-Champaign). Pour une histoire de la publication Union harmony, incluant la localisation des exemplaires, voir Barclay McMillan, « Tune-book imprints in Canada to 1867 : a descriptive bibliography », Biblio. Soc. of Canada, Papers (Toronto), 16 (1977) : 31–57. Le titre complet de l’ouvrage de Humbert sur l’histoire du méthodisme à Saint-Jean est The rise and progress of Methodism, in the province of New Brunswick, from its commencement until about the year 1805 (Saint-Jean, 1836).
APNB, MC 1156, VII (copie au Musée du N.-B.).— Musée des Beaux-Arts du Canada (Ottawa), J. R. Harper papers, J. R. Harper, « Spring tide : an enquiry into the lives, labours, loves and manners of early New Brunswickers ».— Saint John Regional Library, « Biographical data relating to New Brunswick families, especially of loyalist descent », D. R. Jack, compil. (4 vol., copie dactylographiée), 2 : 129.— New-Brunswick Courier, 20 janv. 1849.— New-Brunswick Royal Gazette (Saint-Jean ; Fredericton), 1er sept., 3 nov. 1801, 12 oct. 1816.— St. John Gazette, and Weekly Advertiser (Saint-Jean), 4 nov. 1796.— APNB, « A new calendar of the papers of the House of Assembly of New Brunswick », R. P. Nason et al., compil. (3 vol., copie dactylographiée, Fredericton, 1975–1977).— Encyclopedia Canadiana.— Encyclopedia of music in Canada, Helmut Kallmann et al., édit. (Toronto, 1981), 438, 837–838.— W. G. MacFarlane, New Brunswick bibliography : the books and writers of the province (Saint-Jean, 1895).— N.B. vital statistics [1754–1852] (Johnson et al.).— Clifford Ford, Canada’s music : an historical survey (Agincourt [Toronto], 1982), 29–30.— Helmut Kallmann, A history of music in Canada, 1534–1914 (Toronto et Londres, 1960).— MacNutt, New Brunswick.
Margaret Filshie Leask, « HUMBERT, STEPHEN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/humbert_stephen_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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