HOUDIN, JEAN-MICHEL, récollet (connu sous le nom de père Potentien) et, par la suite, pasteur de l’Église d’Angleterre, né en France en janvier 1706, décédé à New Rochelle, New York, vers 1766.
Nous savons peu de chose sur la jeunesse de Jean-Michel Houdin, si ce n’est qu’à l’âge de 19 ans et 4 mois, le 25 mai 1725, il fait profession chez les récollets sous le nom de frère Potentien. Le 4 mars 1730, il est ordonné à Trèves (Trier, République féderale d’Allemagne) ; peu de temps après, il est envoyé au Canada et nous le retrouvons à Québec en 1734. Neuf ans plus tard il est nommé supérieur et curé de Trois-Rivières et il se rend au couvent de Montréal en 1744. C’est durant cette année que Houdin abandonne la bure et s’enfuit, accompagné de Catherine Thunay, dit Dufresne, veuve de François Demers Monfort, chez les huguenots de la Nouvelle-Angleterre. Les potins colportés par Mme Bégon [Rocbert] dans une lettre à son gendre Honoré Michel de Villebois de La Rouvillière, datée du 17 mai 1749, nous apprennent l’existence d’une missive envoyée par « ce vaurien de Potenssien » au supérieur des récollets, Valérien Gaufin. Houdin accuse ce dernier d’avoir volé environ 500# pour les « donner à des gueuse dans leur faubour, avec lesquelles il ce divertissés ». Au dire de l’épistolière, Houdin affirme qu’il n’a que faire du pardon du pape et « qu’il n’a pas plus de foy au relique du St-Père que ceux avec qui il vie ; qu’au surplus, le Pape a assez d’affaire à distribué les grâces et les indulgences aux Espagnols ». Enfin Houdin se dit « content de son étate et qu’il est persuadé que Dieu le bénit puisqu’il luy donne une jolie famille ; qu’il croirest faire beaucoup plus de mal en la [sa famille] laissant qu’il n’an faite en restant dans l’estate où il est et milles autres chose aussy extravagante et qui font horeure » ; Mme Bégon d’ajouter : « Ce qu’il y a de beaux, c’es qu’il ne parle point de ces amis de débauche. »
Le 29 juin 1744, on le retrouve à New York, où le conseil provincial l’autorise à demeurer à Jamaica (ville de New York), jusqu’en août. Par la suite, l’ancien récollet semble être revenu à New York ; en 1749, le dimanche de Pâques, il est reçu membre de l’Église d’Angleterre et, quelque temps plus tard, il est accepté comme ministre. En 1753, le nouveau pasteur est missionnaire à Trenton, New Jersey, et, le 29 août 1757, on le nomme aumônier militaire du 48e régiment. Il participe ainsi à la prise de Québec et à la bataille de Sainte-Foy qui conduiront les armées britanniques à la conquête militaire de la Nouvelle-France.
Houdin a-t-il eu quelque responsabilité dans la prise de Québec ? Sans doute que le général James Wolfe, aurait pu utiliser ses connaissances des lieux puisque l’ancien récollet avait vécu dans cette ville quelques années auparavant. A-t-il vraiment indiqué le chemin du Foulon ou ne fut-il qu’un interprète ? Quoi qu’il en soit, Houdin réclama plus tard, après la mort de Wolfe, la récompense promise par le général pour ses services et son travail.
Houdin passe l’hiver de 1759–1760 à Québec où il exerce son ministère auprès des huguenots, et au printemps il est remplacé comme missionnaire par le pasteur John Brooke*. Houdin se rend à New Rochelle la même année et revient à Montréal au début de 1761 pour plaider au nom de sa femme. Durant ce séjour de quelques mois, le pasteur Houdin semble avoir été accueilli froidement par ses anciens compatriotes. Le scandale provoqué par sa présence oblige le grand vicaire, Étienne Montgolfier*, à intervenir. En février, le sulpicien lui écrit en l’invitant à quitter sa femme, à faire pénitence et à réintégrer les rangs de l’Église romaine. L’ancien récollet s’empresse de remettre cette lettre à James Murray* qui s’en servira en 1763 pour déprécier le grand vicaire de Montréal aux yeux de lord Shelburne et diminuer les chances du sulpicien de succéder à Mgr de Pontbriand [Dubreil] au siège épiscopal de Québec.
Un témoignage de l’annaliste de l’Hôtel-Dieu de Montréal ne laisse pas de nous éclairer sur une attitude peut-être générale des habitants de la Nouvelle-France d’alors envers un personnage comme Houdin : elle décrit le passage dans les salles de l’hôpital d’un malheureux moine apostat qui avait déjà célébré la messe dans leur église quelques années auparavant ; les circonstances portent à croire qu’il s’agit bien de l’ancien récollet Houdin. La présence des soldats anglais et protestants et la vue de ce moine « devenu le ministre de ces sectaires » remplissent d’amertume l’âme de l’hospitalière. « Sous couleur de zèle, écrit-elle, il restait constament dans les salles pour y blasphémer contre la religion et tourner en ridicule nos plus augustes mystères et sacrements ; muni d’une potée de graisse dégoûtante, il visitait l’un après l’autre les malades hérétiques pour leur donner, disait-il, l’Extrême-Onction. » Et l’annaliste d’ajouter : « à tous ces discours, il n’était pas permis de répondre ».
Jean-Michel Houdin quitta le Canada en 1761, étant remplacé par Richard Griffith au poste d’aumônier militaire du 48e régiment. Par suite de ce départ, les huguenots, installés en Nouvelle-France – ils y furent tolérés durant les dernières décennies du régime français – se retrouvaient sans pasteur francophone. En effet, John Brooke, qui remplaçait Houdin à Québec depuis 1760, ne parlait ni ne comprenait la langue française ; il faudra attendre l’arrivée de David Chabran* de Lille, en 1766, pour que les protestants français jouissent de nouveau d’un service religieux régulier en langue française.
Par la suite, le pasteur Houdin s’établit définitivement à New Rochelle avec sa famille. Il semble bien qu’il avait épousé Catherine Thunay, dit Dufresne peu après sa fuite de Montréal en 1744. Une pétition de la communauté française de New Rochelle, signée le I`` février 1762, nous permet d’affirmer que l’ancien récollet et sa femme eurent au moins trois enfants : John, Kitty et Elizabeth.
Le cas de Jean-Michel Houdin ressemble un peu à celui de Pierre-Joseph-Antoine Roubaud* et à celui d’Emmanuel Veyssière*. Cependant, le jésuite Roubaud sera un intrigant et quittera son Église avec fracas, tandis que le récollet Veyssière se séparera de la communauté catholique de Québec sans heurt ni tracasserie. Quant à Jean-Michel Houdin, il quitta son ordre et son Église à la sauvette, et il montra, semble-t-il, beaucoup d’amertume dans ses relations avec ses anciens compatriotes.
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Michel Paquin, « HOUDIN, JEAN-MICHEL (père Potentien) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/houdin_jean_michel_3F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |