HERBERT, SARAH, auteure, éditrice et éducatrice, née en octobre 1824 en Irlande, fille de Nicholas Michael Herbert et d’Ann Bates ; décédée le 22 décembre 1846 à Halifax.

Il semble que Sarah Herbert arriva en Nouvelle-Écosse dans des circonstances plutôt dramatiques : elle était probablement l’un des deux « petits enfants » qu’on rescapa, avec ses parents et d’autres proches, du Nassau lorsque ce navire à passagers, parti d’Irlande pour Québec, se brisa le 13 mai 1826 au large de l’île de Sable. Sa mère, âgée de 23 ans, mourut peu après du typhus à Halifax, comme plusieurs autres membres de la famille, mais dès 1827 son père semblait suffisamment remis de l’épreuve pour s’établir à titre de cordonnier dans la ville. Il y épousa Catherine Eagan le 3 septembre 1828, et leur fille Mary Eliza* naquit l’année suivante.

Tout au long de leur vie, les sœurs Herbert allaient être connues en qualité d’écrivaines et de collaboratrices littéraires. Au fil des ans, leur père passa de l’état de simple cordonnier et artisan du cuir à celui de fabricant de cirage et de corselets, ce qui améliora sa situation. Par ailleurs, une notice nécrologique de 1871 le présentait comme le fils du révérend Nicholas M. Herbert, de Tipperary, en Irlande, donc comme un proche du comte de Dysart et d’autres membres de la gentry irlandaise. Ce lien avec une famille distinguée peut expliquer en partie l’intérêt que Sarah et Mary Eliza portaient aux héroïnes à la sensibilité raffinée, bien que toutes deux aient manifestement écrit dans le but de satisfaire le goût de la société pour le roman populaire. Les convictions de leur père, ardent wesleyen et champion de la tempérance, allaient aussi se refléter dans leurs romans et poèmes, et davantage chez Sarah que chez Mary Eliza. Dès la fin de son adolescence, Sarah présentait de la poésie et de la prose religieuse à des périodiques des Maritimes tels que l’Olive Branch, le Morning Herald, and Commercial Advertiser et le Novascotian, tous de Halifax, ainsi que l’Amaranth et le British North American Wesleyan Methodist Magazine, de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick.

En septembre 1843, le feuilleton de Sarah, Agnes Maitland, remporta un concours d’ouvrages d’imagination organisé par l’Olive Branch. Tout comme un autre de ses écrits, The history of a Halifax belle, publié dans le même périodique, Agnes Maitland était une nouvelle sentimentale dépourvue de tension dramatique et qui préconisait la tempérance et le respect des principes moraux et religieux. Ce fut en partie grâce à cette œuvre, parue ultérieurement sous forme de brochure, que Sarah réussit à se tailler une place importante à l’Olive Branch. Dès le 19 avril 1844, elle était l’unique rédactrice et propriétaire de cette publication, dont elle accentua la vocation littéraire et antialcoolique en faisant paraître, en plus de ses propres textes, des écrits des Américaines Harriet Elizabeth Beecher Stowe et Catherine Maria Sedgwick et d’auteurs de la région, dont John McPherson. Contre toute attente cependant, le journal tomba en juillet 1845. La santé déclinante de sa rédactrice en fut peut-être la cause ; quoi qu’il en soit, son poème Presentiments, composé le jour de l’An 1846, indique qu’à ce moment elle se savait condamnée. À la fin de cette année, le 21 décembre 1846, elle mourait de tuberculose pulmonaire.

Écrivaine et éditrice, Sarah Herbert se mêla aussi à la vie éducative et religieuse de Halifax. Au début des années 1840, elle tint une école qui visait avant tout à favoriser la « culture morale » et l’« avancement intellectuel » des élèves ; elle promettait, dans son enseignement, « d’illustrer constamment la théorie en se reportant à des exemples et à l’expérience ». Ses activités d’institutrice à l’école du dimanche, de distributrice de tracts et de secrétaire de la Halifax Female Temperance Society furent citées dans son éloge funèbre, « On the death of the much lamented Sarah Herbert », prononcé en janvier 1847 au temple méthodiste wesleyen et publié dans le Halifax Morning Post. Dans ce texte, comme dans les récits subséquents de sa vie, apparaît l’aura romantique dont sa vertu et sa mort précoce l’avaient entourée. Deux essais publiés en 1852 dans le Provincial : or Halifax Monthly Magazine soulignaient sa piété et sa sensibilité poétique. Même en 1876, Andrew Shiels*, dans The preface ; a poem of the period, rendait longuement hommage à ses talents :

Dans ses pages agréables et polies,
Elle s’émerveille et les multitudes sont ravies
………………………………………………………….
Tandis qu’elle – ah oui ! la primevère se fane une fois [éclose
Sur la tombe où Sarah Herbert repose.

En dépit de l’attachement que suscita Sarah Herbert, il est évident qu’elle n’eut pas la chance de déployer ses talents, contrairement à sa sœur. Les romans de Mary Eliza révèlent une écrivaine qui savait créer des situations comiques et discernait ce que la société du xixe siècle attendait des femmes. Sarah, par contre, dépasse rarement le sentimentalisme et le moralisme que lui avait légués une éducation axée sur la religion et la tempérance. Toutefois, en étant l’une des premières rédactrices et éditrices de l’Amérique du Nord britannique et en encourageant dès les années 1840 les gens de lettres néo-écossais, elle contribua modestement à la croissance de la culture littéraire dans la province.

Gwendolyn Davies

L’auteure tient à remercier Terrence M. Punch qui lui a permis de découvrir la notice nécrologique du révérend Nicholas M. Herbert dans l’Acadian Recorder du 5 déc. 1871. [g. d.]

La nouvelle de Sarah Herbert, Agnes Maitland parut d’abord dans l’Olive Branch (Halifax) du 13 oct. au 17 nov. 1843, puis sous forme de brochure, dont aucune n’a été localisée, intitulée Agnes Maitland, a temperance tale (Halifax, s.d.). The history of a Halifax belle parut aussi en feuilleton dans l’Olive Branch du 5 janv. au 2 févr. 1844. Une collection des poèmes de Sarah a été publiée après sa mort avec ceux de Mary Eliza dans The Æolian harp ; or, miscellaneous poems (Halifax, 1857).

APC, MG 24, C4.— PANS, Churches, Brunswick Street United (Halifax), Methodist reg. of baptisms, nos 21, 133, 263, 358, 569 ; reg. of marriages, 1828–1829, n° 14 (mfm) ; MG 5, Halifax County, Camp Hill Cemetery, Halifax, reg. of burials, 1844–1869 (mfm).— Acadian Recorder, 15 juill. 1826.— Free Press (Halifax), 1er août 1826.— Halifax Morning Post & Parliamentary Reporter, 5 janv. 1847.— Novascotian, 13 juill., 3 août 1826, 28 déc. 1846.— Nova-Scotia Royal Gazette, 31 mai, 14 juin 1826.— Olive Branch, 7 janv. 1843–4 juill. 1845 (particulièrement 16 juin, 8 sept. 1843, 19 avril 1844–4 juill. 1845).— Burke’s landed gentry (1875), 1 : 615–616.— R. J. Long, Nova Scotia authors and their work : a bibliography of the province (East Orange, N.J., 1918).— H. J. Morgan, Bibliotheca Canadensis.— The Oxford companion to Canadian literature, William Toye, édit. (Toronto, 1983).— Tratt, Survey of N.S. newspapers.— Albyn [Andrew Shiels], The preface ; a poem of the period (Halifax, 1876).— Gwendolyn Davies, « A literary study of selected periodicals from Maritime Canada, 1789–1872 » (thèse de ph.d., York Univ., Toronto, 1980).— J. S. Thompson, « Introductory memoir », John McPherson, Poems, descriptive and moral [...] (Halifax, 1862), ix-xix.— Acadian Recorder, 17 juill. 1872.— « Half hours with our poets [...] », Provincial : or Halifax Monthly Magazine, 1 (1852) : 273–276.— D. C. Harvey, « Newspapers of Nova Scotia, 1840–1867 », CHR, 26 (1945) : 294.— M. E. Herbert, « More of Sarah Herbert », Provincial : or Halifax Monthly Magazine, 1 : 347–352.

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Gwendolyn Davies, « HERBERT, SARAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/herbert_sarah_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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