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HEISE, CHARLOTTE (baptisée Johanne Louise Charlotte) (Führer), sage-femme et auteure, née en 1834 dans le Hanovre (Allemagne) ; en 1853, elle épousa Ferdinand Adolph Führer, et ils eurent six enfants ; décédée le 5 novembre 1907 à Montréal.
Le père de Charlotte Heise, qui était, dit-on, officier dans l’armée du Hanovre, mourut quand elle était adolescente. Elle se fit donc gouvernante dès l’âge de 17 ans. Après leur mariage, elle-même et son mari immigrèrent à New York, mais ils retournèrent en Allemagne après que l’entreprise de Ferdinand Adolph Führer eut fait faillite. Prenant en main la subsistance de sa famille, Charlotte décida de devenir sage-femme. Les Führer espéraient traverser de nouveau l’Atlantique, et elle se disait que les Nord-Américaines, qui recouraient de plus en plus aux médecins en cas de grossesse, préféreraient ne pas sacrifier leur modestie si elles pouvaient faire appel à une sage-femme d’expérience. Elle prétendait avoir obtenu un diplôme de l’université de Hambourg après deux ans d’études, mais la seule chose qui soit certaine, c’est qu’elle reçut une formation dans une maternité de cette ville auprès d’un médecin spécialisé en obstétrique. Une fois ses études terminées, les Führer immigrèrent de nouveau ; ils arrivèrent à Montréal pendant l’été de 1859.
Charlotte Heise Führer débuta comme sage-femme à Montréal vers 1859 et ne cessa son activité que peu de temps avant sa mort. Ce fut une période charnière dans l’histoire montréalaise de l’obstétrique. Peu à peu, l’accouchement cessa d’être un événement naturel auquel assistait la sage-femme et devint un événement médical qui exigeait une formation et une expérience adéquates. Les autorités médicales de la ville prirent des mesures pour soustraire aux sages-femmes même les grossesses sans risques. Charlotte Führer affirmait être en bons termes avec l’ensemble des médecins de Montréal – laissant ainsi entendre qu’ils l’acceptaient et reconnaissaient sa profession – mais des indices révèlent au moins une note discordante. En 1881, la faculté de médecine du McGill College eut vent d’une annonce dans laquelle elle se disait titulaire d’une licence de cet établissement, et le registraire reçut l’ordre de lui demander de rayer cette affirmation de son annonce.
Il semble que Charlotte Führer avait une pratique florissante. Non seulement assistait-elle des femmes qui accouchaient à la maison, mais elle tenait une résidence où les femmes pouvaient passer les dernières semaines de leur grossesse et accoucher. D’après son propre témoignage, sa clientèle comprenait des femmes de la classe laborieuse et de la classe moyenne, mariées ou célibataires. Quand l’enfant était illégitime, c’était parfois à elle qu’il revenait de le donner en adoption ou de le placer dans un orphelinat.
Jusqu’au début des années 1880, et même plus tard, Charlotte Führer joua, semble-t-il, un double rôle. Outre qu’elle était sage-femme, elle recevait les aveux et confidences de femmes qui se trouvaient dans une situation compromettante, soit parce qu’elles étaient mères célibataires, soit parce qu’elles étaient enceintes d’un autre homme que leur mari. C’était un rôle que les sages-femmes remplissaient couramment, et Charlotte Führer l’exerçait conformément à la morale sexuelle de l’époque victorienne. Dans au moins une maternité montréalaise, la fonction de sage-femme comportait un engagement non équivoque à ramener les pécheresses sur le chemin de la vertu.
Charlotte Führer jugeait ce devoir suffisamment important pour écrire un livre qui soulignait les conséquences néfastes de l’immoralité. Publié à compte d’auteur à Montréal en 1881, The mysteries of Montreal rapportait, disait-elle, les antécédents de patientes confiés à ses soins. L’un des objectifs avoués du livre était de prévenir les écarts de conduite ; les lectrices se rendraient compte de l’angoisse qui guettait celles qui transgressaient la morale. Cependant, le ton sensationnel du livre et le recours à la licence poétique suggèrent que Mysteries pouvait bien avoir été conçu autant pour divertir ses lecteurs que pour illustrer les dangers de la transgression.
Bien que l’on sache assez peu de choses sur Charlotte Heise Führer, sa vie lève le voile sur l’histoire sociale, culturelle et médicale de Montréal au xixe siècle et en éclaire un aspect aussi important que rarement exposé.
Charlotte [Heise] Führer est l’auteure de : The mysteries of Montreal ; being recollections of a female physician (Montréal, 1881) qui fut réimprimé sous le titre de The mysteries of Montreal ; memoirs of a midwife, avec introd. de W. P. Ward (Vancouver, 1984).
AC, Montréal, État civil, Anglicans, St Phillip’s (Montréal), 6 nov. 1907.— MUA, RG 38, c.1, 20 sept. 1881.— R. R. Kenneally, « The Montreal Maternity, 1843–1926 : evolution of a hospital » (thèse de m.a., McGill Univ., Montréal, 1983).— C. G. Roland, « Men and books ; mysterious Montrealer : Charlotte Führer », Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), 96 (1967) : 1589–1591.
Rhona Richman Kenneally, « HEISE, CHARLOTTE (baptisée Johanne Louise Charlotte) (Führer) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/heise_charlotte_13F.html.
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Auteur de l'article: | Rhona Richman Kenneally |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |