HARRIS, SAMUEL, capitaine de pêche et homme d’affaires, né le 2 juillet 1850 à Grand Banc, Terre-Neuve, fils aîné de Thomas Harris, pêcheur, et d’Eleanor Ann Foote, née Hickman ; le 6 décembre 1875, il épousa dans cette localité Mary (Polly) Forsey (décédée en 1913), et ils eurent quatre fils et six filles (un de leurs fils et trois de leurs filles moururent en bas âge), puis le 20 septembre 1915, au même endroit, Harriet Marion Harding, et aucun enfant ne naquit de ce second mariage ; décédé le 20 avril 1926 à Grand Banc.

Samuel Harris ne reçut que des rudiments d’instruction avant de partir en mer, ce qui était un phénomène courant parmi les garçons de son âge et de sa classe sociale à Terre-Neuve au xixe siècle. À 10 ans, il s’embarqua sur un caboteur qui pêchait la morue, le Billow, propriété de son demi-frère Morgan Foote. Dès l’âge de 22 ans, il était capitaine d’un autre bateau de Foote, le Jennie S. Foote ; il le resterait durant la plus grande partie des années 1870.

En 1881, Harris avait ses propres goélettes de pêche : le Kitchener et le George C. Harris. C’est à bord de ce dernier qu’il partit cette année-là pour les bancs du large, où des flottes étrangères étaient en activité depuis quelque temps. Ainsi, dit-on, il inaugura la pêche telle qu’elle se pratiquerait à l’époque moderne par les Terre-Neuviens. L’expérience se révéla lucrative et, bientôt, d’autres propriétaires de bateaux de Grand Banc et de localités situées le long du littoral sud de Terre-Neuve fréquentèrent cette pêcherie.

En 1895, après avoir tenu pendant dix ans un magasin de détail avec son beau-frère George Abraham Buffett, Harris fonda une société d’exportation de poisson et de commerce général, la Samuel Harris Limited. Il continua de naviguer jusqu’en 1898, après quoi il se contenta de diriger son exploitation en restant à terre. Son entreprise prospéra : dans les 20 premières années du nouveau siècle, elle ouvrit des succursales dans deux localités voisines, Garnish et Lamaline, et elle fonda ou acheta des exploitations indépendantes à Marystown, à Change Islands et à Hermitage.

En agrandissant sa flotte, Harris fut en mesure d’augmenter fortement la quantité de morue qu’il pouvait pêcher, saler et exporter. En outre, il put damer le pion aux marchands de Saint-Jean – qui, en général, achetaient le poisson pris par les pêcheurs des petits villages. Ses bateaux revenaient d’Europe et des Antilles les cales pleines de sel pour la saison suivante, ce qui lui permettait en plus de grossir sa marge bénéficiaire et de réduire ses frais. Bon nombre de ces bateaux étaient des goélettes à trois mâts construites à Grand Banc expressément pour la pêche hauturière. Dans la période qui s’échelonna de 1881 à 1926, Harris eut et exploita plus de 60 bateaux. Pour bien faire voir sa ferveur patriotique, il donna à 14 d’entre eux le nom de héros militaires de la Première Guerre mondiale.

En 1915, Harris confia une bonne partie de la gestion courante de son entreprise à son fils aîné, George. La compagnie, d’une valeur estimée à 2 millions de dollars, était alors la plus imposante et la plus prospère des entreprises de pêche de la côte Sud. Dès 1919, grâce à l’accroissement de la demande dont la morue salée avait fait l’objet sur les marchés de l’Europe et des Caraïbes pendant la guerre, son actif se chiffrait à 4 millions de dollars.

La fin des hostilités provoqua une baisse sur les marchés européens. Pour cette raison, et à cause d’une expansion excessive pendant les années de guerre, d’une diminution des recettes (conséquence directe, selon Harris, des nouveaux règlements de pêche institués en 1920 par William Ford Coaker*, ministre terre-neuvien de la Marine et des Pêcheries) et de la perte d’au moins huit goélettes entre 1919 et 1922, la compagnie vit ses biens mis sous séquestre en 1922 et déclara faillite en 1923. Un consortium de créanciers dirigé par la Banque de la Nouvelle-Écosse la reprit et la restructura sous le nom de Samuel Harris Export Company Limited. La présidence fut confiée à Harris ; son gendre Percy Lee Carr fut nommé administrateur délégué.

Personnage respecté et influent à Grand Banc, Harris appartint durant de nombreuses années au bureau des Travaux publics de la localité, qui avait été créé en 1879 pour superviser des aménagements dans le port. Il donnait généreusement temps et argent à l’église méthodiste ; par exemple, il fit cadeau d’une grosse horloge pour le clocher. Fervent partisan de l’instruction, il veilla sans relâche à ce que l’école locale ne manque pas d’instituteurs. Grâce aux efforts de sa première femme, Mary Forsey – qui, semble-t-il, était à l’origine de cette idée –, il fournit une bonne part des fonds nécessaires à la construction du premier hôpital de Grand Banc en 1900.

Samuel Harris fut à la fois un leader et un bienfaiteur dans son milieu. C’était aussi un homme d’affaires perspicace et un champion du travail acharné. Partout dans l’île, il était réputé pour sa compétence, son zèle et son sens de l’équité. On lui reconnaît le mérite d’avoir inauguré la pêche moderne sur les bancs terre-neuviens, principale source de subsistance de bon nombre de villages de pêcheurs de l’île dans la première moitié du xxe siècle.

Bertram Riggs

PANL, Parish records coll., Grand Bank Methodist Church (Grand Bank, T. N.), RBMS (photocopies).— A. F. Buffett, « Grand Bank », Daily News (St John’s), 23 juin 1941.— Evening Telegram (St John’s), 22 avril 1926.— Bert Riggs, « Bound down from Grand Bank : Samuel Harris earned his nickname as the Father of the Bank Fishery », Telegram (St John’s), 20 avril 1999 : 9.— J. A. H. Carr, « Genealogical histories : the Samuel Harris family and the Percy Lee Carr family of Grand Bank, Newfoundland » (texte dactylographié, 1996 ; copie en possession de l’auteur).— Garfield Fizzard, Unto the sea : a history of Grand Bank ([Grand Bank], 1989).— Charles Lench, « Grand Bank : an interesting outport », Newfoundland Quarterly (St John’s), 12 (1912–1913), nº 3 : 13–15.— [R. C. Parsons], « Prominent figures from our recent past : Samuel Harris », Newfoundland Quarterly, 89 (1994–1995), nº 1 : 34s.

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Bertram Riggs, « HARRIS, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/harris_samuel_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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