HARPER, JOHN MURDOCH (il utilisait à l’occasion le pseudonyme de J. Murdoch Henderson), enseignant, administrateur scolaire, fonctionnaire et auteur, né le 10 février 1845 à Johnstone, Renfrewshire, Écosse, deuxième des six enfants de Robert Montgomery Harper et de Marion Henderson ; probablement le 24 août 1866, il épousa à Straiton, Ayrshire, Agnes Kirkwood (décédée en 1883), de Paisley, Écosse, puis le 11 octobre 1887, à Québec, Elizabeth Hastings, de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick ; il eut cinq filles et deux fils ; décédé le 28 février 1919 à Québec et inhumé au cimetière Mount Hermon, Sillery, Québec.
Fils d’un libraire, imprimeur et éditeur de journaux de Johnstone, John Murdoch Harper fit ses études dans des écoles paroissiales et reçut sa formation professionnelle au Free Church Training College de Glasgow. Il enseigna un moment en Écosse, puis, en 1867, après la mort de sa mère et le remariage de son père, il immigra au Nouveau-Brunswick pour occuper le poste de directeur de la Harkins Academy à Newcastle. La direction de la Provincial Model School de Truro, en Nouvelle-Écosse, fut son affectation suivante. Il enseigna ensuite à Saint-Jean, où il fut nommé en septembre 1873 directeur de la Girls’ High School. En 1876, cette école fut transférée à la nouvelle Victoria School ; Harper dirigea les deux établissements jusqu’au grand incendie de juin 1877, qui détruisit l’édifice. Pendant qu’on construisait une nouvelle école, il s’installa à Charlottetown, où il fut surintendant des écoles publiques de la ville et principal de l’école normale. Il choisit de demeurer à l’île-du-Prince-Édouard et démissionna officiellement de son poste à Saint-Jean en août 1878. Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, il joua un rôle primordial dans la mise en œuvre de programmes adaptés à l’âge des élèves et dans la création d’un lieu de travail propice aux enseignants brevetés. Son premier ouvrage historique, The history of the Maritime provinces, avait paru à Saint-Jean en 1876, et toutes les provinces de l’Atlantique en avaient autorisé l’utilisation comme manuel scolaire.
En 1880, Harper s’établit à Québec afin d’assumer la direction d’une grammar school privée pour garçons, la High School of Quebec. L’année suivante, il fut nommé fellow de l’Educational Institute of Scotland et, en 1882, le Queen’s College de Kingston lui décerna une licence ès arts. En 1883, il obtint un doctorat en philosophie de l’Illinois Wesleyan University. Inscrit à la Société littéraire et historique de Québec, il présenta des communications à ses réunions et parla de son histoire devant la Société royale du Canada en 1885. Membre de la St Andrews Society, il en fut président de 1885 à 1887.
Harper réorganisa la High School of Quebec en fonction de l’âge des élèves. En 1886, il encouragea le Bureau des commissaires des écoles protestantes de la cité de Québec à signer une convention de dix ans sur la gestion de l’école et quitta la direction de celle-ci pour devenir secrétaire-trésorier du bureau. La même année, le comité protestant du Conseil de l’instruction publique le nomma inspecteur des écoles supérieures. À ce titre, il devait évaluer chaque année les écoles secondaires privées et écoles modèles protestantes de toute la province, afin de déterminer la portion du fonds de l’enseignement supérieur qui revenait aux protestants. Avec le secrétaire du comité protestant, Elson Irving Rexford*, il modifia les règlements du comité pour assujettir le versement des subventions aux écoles supérieures à deux conditions : ces écoles devaient engager des enseignants ayant reçu une formation professionnelle et mettre en œuvre des programmes adaptés à l’âge des élèves. Ces modifications acquirent force de loi en 1888.
Harper poursuivit aussi ses objectifs par d’autres voies. De 1887 à 1895, il fut rédacteur en chef du périodique du comité, l’Educational Record of the Province of Quebec, qui paraissait à Québec. Il organisa des stages de formation pour enseignants. Il occupa la présidence de la Québec Protestant Teachers Association en 1890–1891 et celle de la Provincial Association of Protestant Teachers en 1895–1896. Il participa en 1892 à la fondation de la Dominion Educational Association, dont il se servit pour promouvoir l’instauration d’un système fédéral d’enseignement public respectant des critères d’âge. En 1897, il accéda au Bureau central des examinateurs protestants. À ce moment-là, il avait à son actif plusieurs ouvrages de poésie, d’histoire et de fiction.
Au moment où Harper exerçait le plus d’influence, son système de classement des écoles supérieures avait créé une situation critique dans l’ensemble des municipalités rurales protestantes. Regrouper les élèves selon leur âge dans la cinquantaine d’écoles secondaires privées et d’écoles modèles placées sous sa supervision s’était révélé impossible sans résistance de la part des enseignants et des élèves et sans traficotage des résultats d’examen et des subventions. Le St Francis College de Richmond était l’une des principales cibles du projet de standardisation de Harper : cet établissement avait les mêmes privilèges que la McGill University, mais Harper entendait bien le ramener au rang d’école secondaire privée. Cette rétrogradation était chose faite dès 1900, mais le directeur du St Francis College, John Alexander Dresser, déposa une plainte au comité protestant. À la fin de l’été de 1902, il y eut enquête sur l’inspectorat de Harper dans dix municipalités protestantes, dont Richmond, mais aucune accusation précise ne fut retenue contre lui.
Entre-temps, sir William Christopher Macdonald, magnat du tabac et bienfaiteur de la McGill University, avait chargé John Adams, éducateur écossais et promoteur de la réforme de l’éducation, d’enquêter sur l’enseignement protestant dans la province. Adams ne fit qu’allusion à Harper dans son ouvrage paru à Montréal en 1902, Protestant school system in the province of Quebec. En outre, il déclara que le comité n’était pour rien dans la piètre situation des écoles protestantes et appuya les propositions de Macdonald en faveur du regroupement des écoles rurales. Néanmoins, une poignée de députés anglo-protestants dirigés par William Alexander Weir et représentant des circonscriptions rurales dans le gouvernement libéral provincial de Simon-Napoléon Parent réclamèrent la démission de Harper. Cette démission fut présentée et acceptée le 9 mai 1903.
En 1901, Harper avait publié un manuel inspiré des dix commandements, Moral drill for the school room [...]. Par la suite, il fit paraître des poèmes épiques où il présentait une version romancée de certains épisodes de l’histoire du Canada et de Québec, dont The Montgomery siege, paru à Québec probablement en 1908, et The annals of the war [...], publié à Toronto en 1913. Fervent impérialiste, il préférait décrire les relations entre anglophones et francophones comme une continuation du « régime de courtoisie » en vigueur dans le passé au lieu d’admettre la montée du nationalisme canadien-français. Il se sentait probablement plus à l’aise dans cette vision romantique du passé. En cette période où l’activité d’historien était en train de se professionnaliser, un homme au style aussi exubérant et fleuri n’avait plus guère sa place. En 1916, il contribua à The naval and military mail bag (Montréal), livret-souvenir conçu pour un ralliement au bénéfice des familles de soldats. Il mourut à l’âge de 74 ans, victime d’une fracture du crâne au cours d’un accident de la circulation.
Dès son arrivée au Canada, Harper avait joué un rôle central dans la création des réseaux provinciaux d’écoles élémentaires et secondaires. Son apport consista à classer les élèves selon leur âge et leur aptitude à maîtriser des manuels conçus d’après l’âge ainsi qu’à obliger les écoles secondaires à respecter ce classement pour avoir droit à des subventions. Il réussit à faire adopter ses innovations parce qu’il sut toujours obtenir et occuper de multiples fonctions dans le système public d’enseignement. Sa chute s’explique en partie par la vulnérabilité où il se trouvait en tant que collègue de Rexford. En effet, celui-ci fit carrière en privant les écoles protestantes de leur autonomie locale, notamment en retirant aux écoles secondaires privées et aux écoles modèles le droit d’engager des professeurs détenant des maîtrises ou des doctorats mais non un brevet d’école normale.
Malgré son attachement à l’Empire britannique et son désir de voir advenir un réseau pancanadien d’écoles publiques, John Murdoch Harper semble avoir eu l’estime des catholiques francophones de Québec. Par rapport aux protestants anglophones, qu’il tenait davantage à impressionner, il paraît être resté plutôt en marge, quoique ses publications aient eu droit à des recensions et qu’il ait reçu maints témoignages de soutien au moment de sa démission forcée. Cependant, il ne fait nul doute que bon nombre de ses idées et principes finirent par se concrétiser dans la réforme de l’éducation.
John Murdoch Harper a présenté plusieurs communications qui ont été publiées dans Literary and Hist. Soc. of Quebec, Trans., nouv. sér., 16 (1881–1882)–27 (1906–1907) ; il en a présenté une sur cette société, « The annals of an old society », à la Société royale du Canada, qui a été reproduite dans les Mémoires, 1re sér., 3 (1885), sect. ii : 55–65. Deux articles rédigés par Harper ont paru dans le Queen’s Quarterly (Kingston, Ontario) : « The « regime de courtoisie » in Quebec », 15 (1907–1908) : 48–53 et « The renaissance of the communal conscience », 23 (1915–1916) : 396–409. Le reste de sa production littéraire, dont des manuels, des poèmes épiques, des brochures d’histoire et des nouvelles, a été publiée à compter des années 1870 jusqu’à sa mort. Une liste partielle d’ouvrages parus jusqu’en 1900 figure dans le Répertoire de l’ICMH ; on trouve une liste plus longue mais incomplète, dans le National union catalog.
Arch. privées, Anne Drummond (Montréal), Anne Drummond, « Rural depopulation, teacher certification, and the course of study in Quebec Protestant superior schools, 1885–1915 » (texte d’une conférence présentée à l’Assoc. canadienne d’histoire de l’Éducation, Toronto, févr. 1982) ; Renseignements généalogiques concernant la famille Harper.— Literary and Hist. Soc. Arch. (Québec), A3 (High School of Quebec)/A, 1 : 228, 232.— Examiner (Charlottetown), 28 déc. 1877.— Montreal Daily Star, 13 mai 1903.— Patriot (Charlottetown), 16 août, 1er sept., 21 déc. 1877, 8 juin 1878.— Sherbrooke Daily Record (Sherbrooke, Québec), 6 sept. 1902, 9 mai 1903.— Le Soleil, 1er mars 1919.— Board of School Trustees of the City of Saint John, Report (Saint-Jean, N.-B.), 1873, 1877.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 3.— Educational Record of the Prov. of Quebec (Québec ; Montréal), 2 (1882) : 322 ; 10 (1890)–19 (1899).— G. E. Flower, « A study of the contributions of Dr. E. I. Rexford to education in the province of Quebec » (mémoire de m.a., McGill Univ., Montréal, 1949).— Québec, Assemblée législative, Débats, 1903 ; Parl., Doc. de la session, 1893–1904, rapports du surintendant de l’Instruction publique, 1892–1903.
Anne Drummond, « HARPER, JOHN MURDOCH (J. Murdoch Henderson) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/harper_john_murdoch_14F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
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