HAMON, ÉDOUARD (baptisé Édouard-Jean-Marie), prêtre, jésuite et auteur, né le 8 novembre 1841 à Vitré, France, fils de Julien-François Hamon, sabotier, et de Perrinne-Gillonne Guillet ; décédé le 11 juin 1904 à Leeds, Québec.

Édouard Hamon fait ses études classiques à Saint-Méen-le-Grand, en France, jusqu’à la rhétorique inclusivement. Il entre dans la Compagnie de Jésus à Angers, le 20 avril 1860. Après avoir enseigné les éléments latins et la philosophie à Vaugirard (Paris) et à Laval, on le retrouve à Fordham (New York) en 1868 et à Montréal l’année suivante, au collège Sainte-Marie, où il exerce la charge de préfet des élèves. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1872 à Woodstock, au Maryland, parfait ses études de théologie à Montréal, où il enseigne la littérature au collège Sainte-Marie et prononce ses derniers vœux le 15 août 1878 à l’âge de 36 ans.

L’éloquence, la piété, le dévouement et le zèle infatigable de Hamon le destinent à la prédication et au ministère des âmes. Ses supérieurs lui confient cette fonction dans les maisons de Québec et de Montréal de 1877 à 1885. Il est en particulier prédicateur de l’église du Gesù de Montréal, d’où il se déplace pour aller « missionner » dans les paroisses des environs. Selon le père Louis Lalande, Hamon devient vite bon Canadien : « Nul étranger [...] ne nous a mieux connus et plus aimés. » Il se mêle à tous les mouvements religieux et participe à tous les grands débats. À Québec, le 24 juin 1878, à l’occasion des festivités de la Saint-Jean-Baptiste, il prononce un discours très remarqué sur l’Église et l’État, qui sera publié la même année ; il s’y révèle un ultramontain orthodoxe et intransigeant. Dieu et sa loi, affirme-t-il, sont les vraies bases de l’État social, la source de toute autorité dont sont revêtus les chefs des nations. « Quand l’État veut se passer de Jésus et de sa doctrine, le peuple s’installe à l’Hôtel de ville, il se proclame le maître et tyrannise. » Certes, le Canada n’en est pas là, mais il y a du malaise dans la société canadienne. Les libéraux, les francs-maçons sont à l’œuvre et défendent l’idée que l’État est indépendant de l’Église, que la religion n’a rien à voir avec la politique. Selon lui, rien n’est plus faux : la société ne peut prospérer que s’il y a « union intime des chefs du peuple avec les représentants de l’autorité divine » et subordination du politique au religieux. Il appartient donc aux catholiques d’être vigilants et de combattre ces ennemis par tous les moyens en leur pouvoir.

L’exode vers les États-Unis qui, après quelques années d’accalmie, atteint un sommet sans précédent entre 1879 et 1882, semble à Hamon une menace plus grande pour les campagnes québécoises que le libéralisme. À l’instar des élites de la province de Québec, il combat le mouvement avec acharnement. Dans ses conférences et sermons, comme dans sa pièce de théâtre, Exil et Patrie, publiée en 1882, il flétrit le rôle des émigrés qui, de passage au pays natal, encouragent par leurs vantardises l’exode de leurs compatriotes. Il dépeint la réalité de l’exil sous les jours les plus sombres : beaucoup d’émigrés connaissent la misère, le chômage ; plusieurs s’anglicisent, apostasient. « Tas d’innocents que vous êtes », s’écrie un des personnages de sa pièce, plagiant le curé François-Xavier-Antoine Labelle*. « Partez donc pour l’Ottawa et le Saguenay ! Notre avenir à nous, Canadiens, est là, au Nord. »

En 1885, Hamon est nommé missionnaire excurens. Pendant plusieurs années, il prêchera des retraites dans les paroisses du Québec et aux Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre. Dans un style simple, direct, et puisant dans un abondant répertoire d’anecdotes et de mises en scène appropriées, il met l’accent sur les problèmes de la famille, les fréquentations, dénonce l’impureté, le blasphème et l’ivrognerie. Il reprend ces thèmes dans plusieurs brochures, dont les Misères humaines, causeries familières sur quelques défauts et vices des familles, et le Roi du jour : l’alcool, publiées toutes deux à Paris en 1903 et qui connaîtront un vif succès.

Pour prolonger les effets de sa prédication, Hamon s’efforce de regrouper les hommes et les jeunes gens au-dessus de 16 ans dans la Ligue du Sacré-Cœur, qu’il a fondée à Montréal en 1883. Il y voit « un arsenal où l’on trouve les meilleurs moyens de salut ». Par la dévotion au Sacré-Cœur et la communion au moins quatre fois l’an, les ligueurs s’engagent à maintenir l’esprit catholique dans leur famille, et à combattre le blasphème et l’intempérance. Leur ferveur est entretenue par le mensuel le Messager canadien du Sacré-Cœur de Jésus, lancé par le père Jean-Baptiste Nolin en 1892, et le Messager de la Ligue des hommes, que publie Hamon à compter de 1884, livret annuel d’une soixantaine de pages conçu sur le modèle des almanachs si populaires alors. Sous l’impulsion de Hamon, l’œuvre progresse rapidement. En 1890, on dénombre 103 ligues avec 36 275 membres dont près de la moitié aux États-Unis. C’est que les prédications du jésuite l’ont conduit dans la plupart des diocèses du nord-est des États-Unis ; il séjournera même un an à Worcester, au Massachusetts, en 1887.

Au cours de ses pérégrinations, Hamon acquiert une connaissance approfondie de la situation des émigrés canadiens-français. En 1891, il publie une étude. remarquable sur les Canadiens-Français de la Nouvelle-Angleterre. Comme ses contemporains, il déplore qu’un exode massif affaiblisse la collectivité canadienne-française. Il reconnaît toutefois que les émigrés ont amélioré leurs conditions de vie et qu’ils sont satisfaits de leur sort. Il ne cache pas son admiration pour la ténacité, le courage de ces gens qui « ont bâti, en vingt ans, 120 églises ou chapelles desservies par des prêtres canadiens, 50 grands couvents, où des religieuses venues du Canada donnent une éducation catholique et française à plus de 30,000 enfants ». C’est avec sympathie qu’il décrit comment, au xixe siècle, l’église, l’école paroissiale, la presse, les sociétés mutuelles ont permis à ces exilés de conserver en terre étrangère leur langue, leur religion et leurs coutumes. Il croit à leur survivance. Il y voit le signe que la Providence leur a confié la mission de gagner à l’Église les régions américaines du Nord-Est. Comme bien d’autres, il soutient qu’un jour les Canadiens français du Québec et de la Nouvelle-Angleterre en viendront à former un seul peuple.

De 1897 à 1900, Édouard Hamon est supérieur de la résidence des jésuites à Québec ; de 1900 à 1904, il est attaché à la paroisse de l’Immaculée-Conception, à Montréal. Aux deux endroits, il écrit, donne des sermons remarquables et prêche de nombreuses retraites. Au cours de l’une d’elles, à Leeds, dans le comté de Mégantic, il meurt d’une attaque de paralysie, le 11 juin 1904. Il aurait dit à son confesseur : « J’ai toujours demandé au bon Dieu de mourir pendant une mission, les armes à la main. Je crois bien qu’il va m’exaucer. »

Yves Roby

Les ASJCF possèdent plusieurs documents concernant Édouard Hamon, notamment de la correspondance, des copies de sermons et de discours qu’il a prononcés, des exemplaires de brochures, de pièces de théâtre et de livres qu’il a écrits. Les œuvres les plus importantes de Hamon sont : l’Église et l’État : discours prononcé à l’église St. Jean-Baptiste de Québec le 24 juin 1878, à l’occasion de la fête patronale de la Société St. Jean-Baptiste (Québec, 1878) ; Exil et Patrie : drame en 5 actes ([Montréal], 1882) ; les Canadiens-Français de la Nouvelle-Angleterre (Québec, 1891) ; et sous le pseudonyme de Jean d’Erbrée, la Franc-Maçonnerie dans la province de Québec en 1883 (s.l., [1883 ?]) ; la Maçonnerie canadienne française (s.l., [1884 ?]).

Arch. départementales, Ille-et-Vilaine (Rennes, France), État civil, Vitré, 10 nov. 1841.— L’Événement, 17 juin 1904.— DOLQ, 1 : 81s., 237s., 465s.— Yves Roby, les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre (1776–1930) (Sillery, Québec, 1990).— Gérard Tremblay, « le Père Édouard Hamon, s.j., fondateur des ligues du Sacré-Cœur, 18411904 », le Messager canadien du Sacré-Cœur (Montréal), 67 (1958) : 340–348.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Yves Roby, « HAMON, ÉDOUARD (baptisé Édouard-Jean-Marie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hamon_edouard_13F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:

Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/hamon_edouard_13F.html
Auteur de l'article:    Yves Roby
Titre de l'article:    HAMON, ÉDOUARD (baptisé Édouard-Jean-Marie)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    28 novembre 2024