HACHÉ, JUSTE, instituteur, fonctionnaire, officier de milice, juge de paix et homme politique, né le 13 août 1823 à Caraquet, Nouveau-Brunswick, fils de François Haché, dit Gallant, et de Nathalie Thibodeau ; en 1848, il épousa, probablement à Caraquet, Vénérande Pinet, et ils eurent deux fils, puis le 23 novembre 1863, au même endroit, Suzanne Cormier, et de ce mariage naquirent dix enfants, dont deux au moins moururent en bas âge ; décédé le 4 juillet 1895 dans sa ville natale.
Juste Haché était le treizième enfant d’un maître charpentier qui n’avait aucune terre à lui donner mais pouvait néanmoins l’envoyer à l’école. Après avoir reçu une bonne instruction de base, il obtint en 1841 l’autorisation d’enseigner dans le comté de Gloucester. Durant la plus grande partie de sa vie, il enseignerait la lecture, l’écriture, l’orthographe et l’arithmétique, en français, aux enfants de Caraquet. Ce métier ne lui rapporterait pas beaucoup. En 1853, il demanda une terre de la couronne, qu’il comptait payer en travaillant à la construction des routes, mais il ne finit jamais de la payer. La fonction publique locale lui permit de gagner un revenu supplémentaire non négligeable ; après qu’on l’eut élu cotiseur municipal à Caraquet en 1855, Haché occupa des postes de ce genre presque toute sa vie, sans pour autant être à l’abri de la pauvreté.
Ses états de service montrent que Haché était un fonctionnaire consciencieux et efficace, désireux d’aider les gens de Caraquet. En janvier 1855, il regroupa les pêcheurs de la localité pour qu’ils demandent à la chambre d’Assemblée l’argent qu’on leur avait promis pour leur participation à un sauvetage. Ils estimaient que l’important magistrat stipendiaire anglophone John Doran tardait à le leur remettre. C’était là un geste courageux de la part d’un instituteur qui avait peine à joindre les deux bouts, car l’avancement aux postes plus lucratifs de l’administration du comté dépendait de la faveur des magistrats stipendiaires et des représentants locaux à l’Assemblée, qui étaient eux aussi des magistrats stipendiaires.
Plus tard en 1855, Haché joua un rôle encore plus important dans la cause des Acadiens : il devint professeur à la première académie à offrir un enseignement secondaire en français au Nouveau-Brunswick, le séminaire Saint-Thomas, à Memramcook. C’est l’abbé François-Xavier-Stanislas Lafrance*, dont le frère Charles-Édouard-François s’était lié d’amitié avec Haché à l’époque où ils enseignaient tous deux à Caraquet, qui avait fondé cet établissement l’année précédente. Comme il avait perdu son épouse en 1852, Haché laissa ses fils chez des parents et alla vivre environ trois ans à Memramcook. L’enthousiasme que les gens de cet endroit manifestaient à l’égard de l’éducation contrastait de manière encourageante avec l’indifférence de bien des parents de Caraquet.
C’est probablement son propre enthousiasme pour l’étude, que ses contemporains ont noté, et l’avenir incertain de l’académie qui incitèrent Haché à accepter l’invitation de l’évêque de Saint-Jean, Thomas Louis Connolly*, de servir en qualité de sacristain à sa cathédrale et d’y étudier la philosophie et la théologie. Toutefois, des problèmes de santé, qu’il croyait liés à l’épilepsie qui avait affligé l’abbé Lafrance, l’obligèrent à retourner à Caraquet dès janvier 1859.
La population de Caraquet lui refit bon accueil et l’élut tout de suite à la charge municipale de commissaire des routes. À la demande de l’abbé Joseph-Marie Paquet*, Haché devint aussi maître de chapelle et autorité reconnue en matière de rituel à l’église paroissiale. Il remit bientôt sur pied son école, mais comme celle-ci devait partager avec quatre écoles de Caraquet la subvention provinciale de £44 10s 8d et la contribution locale – toute théorique – de £64 10s, il ne touchait qu’un maigre salaire. Au recensement de 1861, il vivait toujours sans ses deux fils chez des parents d’élèves. Il se remaria en 1863 et sa famille, de plus en plus nombreuse, augmenta ses obligations financières. Il dut faire appel à la bienveillance des magistrats stipendiaires et des députés anglophones pour obtenir des emplois mieux payés.
Haché eut un certain succès, puisqu’en 1861 il remplit les fonctions d’agent recenseur à Caraquet et, trois ans plus tard, il devint le premier maître de poste acadien du village. Sa nomination comme lieutenant dans le 2nd Battalion of Gloucester County Militia, en 1864, consolida ses relations avec les magistrats stipendiaires ; elle révélait aussi qu’il bénéficiait de faveurs particulières, puisque le bataillon ne comptait que deux autres officiers acadiens. Néanmoins, quand James Gordon Canning Blackhall, qui était plus influent, se porta candidat à la fonction de maître de poste en 1867, Haché perdit son emploi. Sa situation financière ne s’améliora vraisemblablement pas car, en 1871, il vivait en pension avec sa famille.
Le Common Schools Act de 1871, qui assurait le financement des écoles non confessionnelles avec l’argent perçu par une taxe générale, vint ajouter aux problèmes financiers de Haché. À l’instigation de l’un de leurs députés, Théotime Blanchard*, la plupart des catholiques de Caraquet refusèrent de payer la taxe, et on dut fermer toutes les écoles locales avant la fin de 1872. Haché signa la pétition de l’abbé Joseph Pelletier, qui demandait la reconnaissance des droits des écoles catholiques mais, comme le gouvernement ne réagissait pas, il dut chercher une autre source de revenu.
Nommé commissaire de Paquetville et de Millville (Burnsville) en 1873, deux villages fondés en vertu du Free Grants Act de 1872, Haché allait ainsi régler ses problèmes d’argent. Ce poste lui assurait un revenu régulier trois ou quatre fois plus élevé que celui d’instituteur. À un certain moment avant les assises trimestrielles de 1874, on le nomma également juge de paix. Quand on demanda aux assises de voter pour choisir entre la liste des fonctionnaires municipaux élus par ceux qui n’avaient pas payé les taxes scolaires, présentée par Blanchard, et celle des fonctionnaires choisis par le juge de paix presbytérien Robert Young* – liste sur laquelle Haché et ses frères occupaient une place importante –, Haché vota contre Blanchard. Sa position en faveur des écoles non confessionnelles financées par une taxe est compréhensible. On peut supposer que Haché était en quelque sorte le protégé de Young, qui était député au moment des premières nominations de Haché à des postes provinciaux dans les années 1860, ainsi que de Samuel Hawkins Napier, autre presbytérien nouvellement élu. Ainsi Haché se trouva-t-il allié aux protestants contre beaucoup de ses coparoissiens dans les désordres qui suivirent à Caraquet en janvier 1875 [V. Samuel Robert Thomson*].
Si la population de Caraquet en voulut à Haché, elle l’oublia rapidement. Devenu greffier municipal et inspecteur des pêches, il continua à administrer les nouveaux villages de Paquetville et de Millville sans s’attirer de graves critiques. On l’élut également plusieurs fois au conseil municipal de Caraquet. Le compromis de 1875, qui permettait l’enseignement religieux après la fermeture des classes, avait rendu la loi scolaire acceptable pour les catholiques, et Haché recommença à enseigner en 1878 au moment où les nouveaux villages, qui exigeaient moins d’attention, lui procurèrent un revenu moins élevé. Il continuerait à enseigner jusqu’à ce qu’une paralysie partielle l’en empêche en 1893. Propriétaire d’une terre à Paquetville depuis 1881, il était en mesure de donner des terrains aux fils qu’il avait eus de son premier mariage, et d’envoyer son troisième fils au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, dans la province de Québec. En 1881 également, il avait fait valoir le droit des Acadiens à une meilleure représentation dans l’administration locale.
Rien dans les notices nécrologiques ne laisse entendre que la population considéra Juste Haché comme un traître. Même en admettant les exagérations que contient fréquemment ce genre d’écrit, on peut croire qu’il fut un homme agréable et travailleur, sincèrement préoccupé du bien-être de ceux qui l’entouraient.
Un portrait de Juste Haché, qui se trouve dans une collection privée, est reproduit avec sa biographie dans Dictionnaire biographique du nord-est du Nouveau-Brunswick (4 cahiers parus, [Bertrand ; Shippegan, N.-B.], 1983– ), 1 :46–47.
AN, RG 31, C1, 1861, 1871, 1881, Gloucester County (mfm aux APNB). — APNB, RG 4, RS24, S70, P73 ; S92, pétition de Joseph Pelletier ; RG 18, RS149, A3–4. — Arch. paroissiales, Saint-Pierre-aux-Liens (Caraquet, N.-B.), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures (mfm aux APNB). — CEA, 510-1-1 (Haché à McManus, 14 mars 1881). — « Documents inédits », Rev. de la Soc. hist. Nicolas Denys (Caraquet), 1 (1971–1972) : 88–93. — N.-B., House of Assembly, Journal, 1850–1892 ; Legislative Assembly, Journal, 1893–1895. — Courrier des Provinces maritimes (Bathurst, N.-B.), 18 juill., 26 sept. 1895. — L’Évangéline (Weymouth Bridge, N.-É.), 19 sept. 1895. — Gleaner (Chatham, N.-B.), 18 juill. 1853. — Voix d’Évangéline (Moncton), 4 juin 1936, 29 juin 1939 (lettres d’Augustin Haché).
Sheila Andrew, « HACHÉ, JUSTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hache_juste_12F.html.
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Auteur de l'article: | Sheila Andrew |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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