GUITTÉ (Guité), PIERRE-JOSEPH, imprimeur et éditeur de journaux, originaire de France, circa 1846–1867.
C’est en 1846, à titre d’imprimeur de l’Écho des campagnes, journal « d’information populaire au service des cultivateurs » de Berthier-en-Haut (Berthierville), qu’apparaît pour la première fois P.-J. Guitté dans l’histoire du Canada. En 1850, l’organe officiel des « rouges », l’Avenir, mentionne son nom dans la liste de ses représentants pour cette région. Le 24 février 1853, Guitté fonde avec Alexandre Grandpré le Courrier de Saint-Hyacinthe. Les propriétaires engagent Louis Delorme, avocat de Saint-Hyacinthe, et lui confient l’orientation politique du nouveau journal. Libéral et modéré, le Courrier de Saint-Hyacinthe se déclare favorable au ministère de Francis Hincks* et d’Augustin-Norbert Morin. Toutefois, il s’éloigne rapidement de cette position car, un an plus tard, le journal affirme que le parti libéral de Morin devrait rougir de ses chefs. Du 21 août 1854 au 14 septembre 1860, Guitté est l’unique « éditeur-propriétaire » du Courrier. Durant cette période, il s’assure successivement les services de trois journalistes débutants, comme assistants à la rédaction : un jeune Français, Claude Petit, Médéric Lanctot* et Raphaël-Ernest Fontaine. Dès lors, le journal prend nettement position pour les rouges et le Pays de Montréal, particulièrement au sujet de l’éducation et de l’influence du clergé en politique, et s’attire parle fait même les censures du séminaire et de l’évêché de Saint-Hyacinthe.
Après sept ans de travail au Courrier, Guitté vend le journal en septembre 1860. Un incident provoqué par la visite à Saint-Hyacinthe du prince de Galles, héritier de la couronne d’Angleterre, est peut-être la cause de cette décision. À cette occasion, on avait pu lire dans le journal : « Le Prince n’est pas, tant s’en faut, joli garçon dans l’acception ordinaire du mot. Un nez trop long, légèrement courbé, des yeux d’un bleu pâle sans éclats, une apparence tout à fait juvénile, lui donne un caractère d’insignifiance assez prononcée. [...] Somme toute, nous nous attendions à quelque chose de mieux. » L’article avait provoqué un certain étonnement dans la population locale et plusieurs personnes avaient jugé ces propos déplacés. Le Courrier consentit alors à publier une rétractation de « l’article écrit à la hâte », mais maintint que, malgré le charme personnel de Son Altesse, la visite avait été « la chose la moins instructive et la plus frivole ».
Après le départ de Guitté, le Courrier, dirigé par Delorme, se transforme rapidement en journal opposé aux rouges. Soulignant que « depuis plus de six mois la population libérale du District de Saint-Hyacinthe n’a plus d’organe dans la presse du pays », Guitté fonde le Journal de Saint-Hyacinthe en septembre 1861. Avec Guitté et Fontaine, le journal renoue en fait avec la tradition du Courrier des années 1854–1860. La Minerve estime qu’il n’est qu’une « queue du Pays ». Guitté demeure deux ans propriétaire du Journal qu’il cède ensuite à Ed. Lecours et Compagnie.
En novembre 1866, Guitté s’associe à Wilfrid Laurier* comme propriétaires du Défricheur, journal publié depuis 1862 à L’Avenir par Jean-Baptiste-Éric Dorion. À la mort de ce dernier, le 1er novembre 1866, un créancier, l’homme d’affaires Louis-Adélard Sénécal*, et les rouges s’inquiètent de la succession au journal. C’est alors que Guitté et Laurier prennent en charge le journal, le premier à titre d’imprimeur, le second comme rédacteur. On continue quelque temps à le publier à L’Avenir mais, dès le 20 décembre 1866, un avis aux lecteurs annonce qu’« au premier janvier prochain les Bureaux et l’Imprimerie du Défricheur seront transportés au village de Victoriaville, Station d’Arthabaska ». Le Défricheur de Laurier et de Guitté déclare vouloir continuer l’œuvre de Dorion en défendant les rouges et les adversaires de la Confédération qui gravitent autour de l’Union nationale de Montréal. Il croise le fer avec les journaux conservateurs comme le Journal des Trois-Rivières, l’Union des Cantons de l’Est et le Pionnier de Sherbrooke. C’est dans ses pages que Laurier écrit, deux semaines avant de devoir abandonner son poste, et à quelques mois de la Confédération, un article montrant que l’Union avait mis en péril le Canada français et qu’il fallait pour celui-ci « demander et obtenir un gouvernement libre et séparé ». Contrairement à ce que l’on a écrit généralement, le Défricheur paraît jusqu’à la fin du mois de mars 1867, alors que la direction avertit les abonnés qu’il faut en interrompre la publication en raison de l’état de santé de Laurier.
Avec la disparition du Défricheur on perd la trace de P.-J. Guitté. Si, globalement, sa vie personnelle est encore mal connue, on peut retenir toutefois de sa carrière qu’il fut lié au parti rouge, imprimeur et éditeur de journaux dans deux des régions les plus marquées par le « rougisme », et qu’il fut en contact avec plusieurs libéraux importants de 1854 à 1867.
ASSH, A, F, Chroniques de l’abbé Tétreau, févr. et juill. 1853.— L’Avenir, 18 déc. 1850.— Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 21 août 1854, 31 août, 4, 7, 18 sept. 1860.— Le Défricheur (L’Avenir et Victoriaville, Québec), 20, 28 nov., 13, 20 déc. 1866, 7, 21 mars 1867.— Le Journal de Saint-Hyacinthe, 7 oct. 1861, 7 sept. 1863.— La Minerve, 1er mars, 5 oct. 1861.— Le Pays, 1er déc. 1866.— Beaulieu et Hamelin, Journaux du Québec, 5, 241–243 ; La presse québécoise, I : 181–183.— J.-P. Bernard, La pensée des journalistes libéraux de Saint-Hyacinthe, 1853–1864 (thèse de
Jean-Paul Bernard, « GUITTÉ (Guité), PIERRE-JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/guitte_pierre_joseph_9F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
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