GRIMES, GEORGE FREDERICK ARTHUR, homme d’affaires, homme politique et militant ouvrier, né le 29 juin 1877 à Channel (Channel-Port aux Basques, Terre-Neuve), fils de William Grimes et d’Amelia White ; le 28 août 1900, il épousa à St John’s Annie Clarke, et ils eurent sept filles ; décédé le 10 août 1929 à St John’s.
Le père de George Frederick Arthur Grimes était policier dans un petit village de pêcheurs lorsqu’il fut affecté en 1878 à Brigus, sa ville natale, où il devint sergent. Quand George Frederick Arthur eut 12 ans, la famille s’établit à St John’s, où William Grimes avait été nommé chef constable (il allait atteindre le grade de surintendant). George Frederick Arthur quitta l’école vers la même époque. En 1890, il fut apprenti commis dans un magasin de nouveautés. Il y resta jusqu’en 1902, année où il décrocha un poste beaucoup plus avantageux de chef du rayon des livres et de la papeterie chez George Knowling Limited, l’un des plus gros magasins généraux de St John’s. Grimes continua de s’instruire en lisant. Il était actif au sein de la congrégation méthodiste de la rue Cochrane ainsi que du Methodist College Literary Institute, autour duquel gravitait la vie intellectuelle de St John’s. Sa foi pratique l’amena à prôner toute sa vie la tempérance et aussi, semble-t-il, le socialisme.
On ne sait pas quand Grimes commença à s’identifier au socialisme. À sa mort, ses contemporains souligneraient son intérêt de longue date pour la « question ouvrière », qui pouvait remonter au mouvement de syndicalisation qui se manifesta au port de St John’s lorsqu’il était jeune homme. Le Truckmen’s Protective Union fut fondé en 1900 et le Longshoremen’s Protective Union en 1903. St John’s connut une période de militantisme ouvrier à cette époque, entre autres, la « grande grève des chasseurs de phoques » de 1902 [V. Simeon Kelloway*]. Entre-temps, on discutait de philosophie politique et de sujets d’actualité au Methodist College Literary Institute. Parmi les gens que fréquentait Grimes à cette époque se trouvait Julia Salter* (qui allait devenir Julia Salter Earle, militante sociale et syndicale). En 1906, Grimes devint membre fondateur de la Newfoundland Socialist Society. En 1908, il fut secrétaire des finances du St John’s Trades and Labour Council que venait de fonder le maire, l’avocat spécialisé en droit du travail Michael Patrick Gibbs*.
En raison de son intérêt tant intellectuel que pratique pour les questions ouvrières, Grimes doit avoir suivi de près la formation du Fishermen’s Protective Union en 1908 par William Ford Coaker*. Dès 1911, ce syndicat comptait 12 500 membres répartis en 116 conseils locaux et représentait une force avec laquelle il fallait compter. Décidé à réformer le système d’approvisionnement des pêcheurs comme première étape d’un changement social, Coaker constitua juridiquement la Fishermen’s Union Trading Company, mieux connue sous le nom de Union Trading Company, pour approvisionner les « magasins au comptant » dans les petits villages de pêcheurs. Il semble que le nom de Grimes fut associé pour la première fois au Fishermen’s Protective Union en 1912. En mars, il prit la parole à une grande réunion tenue dans la capitale, et quand la Union Trading Company commença ses activités dans ses locaux de St John’s, en mai, il fut chef du rayon des nouveautés. Au mois de décembre de cette année-là, il assista au congrès annuel où le Fishermen’s Protective Union dévoila son programme de Bonavista et fit des plans pour que les candidats unionistes disputent les élections générales qui s’en venaient.
Le Fishermen’s Protective Union jouissait d’un solide appui dans le nord de Terre-Neuve. Toutefois, le conseil local le plus près de St John’s se trouvait à Brigus, la ville où Grimes avait passé son enfance, dans le district de Port de Grave. Au début de 1913, Grimes fut choisi comme candidat unioniste dans ce district, où ses relations l’aidèrent à remporter les élections en octobre. Il fut l’un des huit unionistes élus au sein de l’alliance formée avec le Parti libéral de sir Robert Bond, et l’on ne tarda pas à le considérer comme le porte-parole de l’opposition le plus efficace.
Ce fut peu de temps après cette élection qu’arriva l’incident qui, plus que toute autre chose, assura à Grimes une place dans l’histoire de Terre-Neuve : sa « conversion » du jeune Joseph Roberts Smallwood* au socialisme. Smallwood raconte que cela se produisit à la suite d’une rencontre fortuite au cabinet d’un dentiste, probablement au début de 1914. L’écolier déclara naïvement à l’homme politique qu’il était socialiste ; Grimes lui posa quelques questions et offrit par la suite des brochures au jeune Smallwood. (Le portrait de Grimes que fait Wayne Johnston dans son roman historique The colony of unrequited dreams (1998) – fidèle à la cause, mais d’une trop grande tiédeur – correspond aux souvenirs qu’il a laissés à certains. Toutefois, le désenchantement du personnage de Smallwood à l’égard de son mentor ne correspond pas au respect que Smallwood éprouva toute sa vie pour Grimes, qu’il considérait comme un vrai intellectuel, gentleman et socialiste.)
L’air sérieux et inoffensif de Grimes détournait généralement de lui les critiques que lui aurait values l’idéologie qu’il prônait. Les années qu’il avait passées dans le rayon des livres chez Knowling avaient renforcé ses penchants naturels et faisaient de lui l’un des habitants de la capitale les plus érudits. Loin d’avoir la réputation d’un révolutionnaire, il était connu à St John’s comme un homme attaché à une solide famille et un pilier de sa congrégation. Parmi ceux qui étaient prêts à fermer les yeux sur ses particularités idéologiques se trouvait Coaker, qui, publiquement, avait dissocié le Fishermen’s Protective Union du socialisme et s’en était dissocié lui-même.
À St John’s comme partout ailleurs, la Grande Guerre fut une époque où s’accrût l’intérêt pour la politique ouvrière. Grimes aida à former la Newfoundland Socialist League en 1914, et en 1917 il prit souvent la parole aux réunions qui débouchèrent sur la formation de la Newfoundland Industrial Workers’ Association [V. Philip Bennett]. Seul point de contact entre les syndicats de la ville et le Fishermen’s Protective Union, qui rejetait aussi toute affiliation avec le mouvement ouvrier, Grimes contribua à l’organisation d’une coopérative de la Newfoundland Industrial Workers’ Association. Il s’adressa régulièrement à la Chambre d’assemblée, particulièrement lors du débat sur la prohibition en 1915–1917. Il avait toujours défendu le droit de vote pour les femmes (nul doute qu’il connaissait bien la fille de son ancien employeur, Fannie McNeil [Knowling]), en partie parce que, disait-il, « la prohibition aurait été [instaurée] à l’échelle du monde entier il y a longtemps si les femmes avaient pu voter sur [ce point] ». Dans les questions de relations du travail, il était du genre conciliateur, favorisant les « mécanismes pour empêcher les grèves » et, par-dessus tout, voulant « apprendre à connaître les difficultés de chacun et devenir moins soupçonneux ».
En juillet 1917, Coaker et William Wesley Halfyard*, autre député unioniste, furent invités par sir Edward Patrick Morris* à siéger au cabinet dans un gouvernement national formé de tous les partis, étape jugée nécessaire pour déposer un projet de loi sur la conscription. Il y a lieu de croire que Grimes s’opposa à la coalition, bien qu’il finit par se rallier à Coaker. En avril 1917, pour paver la voie à un arrangement avec le Fishermen’s Protective Union, le gouvernement avait formé une commission d’enquête sur les profits de guerre excessifs. Cette dernière recommanda de créer un organisme de contrôle des aliments auquel Grimes fut nommé au début de 1918.
Entre-temps, le Fishermen’s Protective Union avait entrepris la construction d’une ville modèle sur la côte nord-est pour en faire le centre de ses diverses activités commerciales. Lorsque la Union Trading Company installa son siège à Port Union, en février 1918, Grimes y emménagea aussi avec sa femme et ses filles. Comme en 1913, où son expérience des débats avait été décisive pour établir la crédibilité des unionistes, c’est grâce à la connaissance qu’avait Grimes des affaires et du milieu politico-social que la Union Trading Company (qui avait 40 succursales en 1918) et Port Union prospérèrent. En novembre 1919, Grimes se présenta de nouveau aux élections comme candidat au sein de l’alliance formée entre les unionistes et le Parti libéral réformiste de Richard Anderson Squires*. Même si le tandem Squires-Coaker l’emporta, Grimes fut défait dans Port de Grave par sir John Chalker Crosbie*. Trois semaines plus tard, il fut choisi pour être secrétaire-trésorier du conseil suprême du Fishermen’s Protective Union.
Absent de la scène publique de 1919 à 1923, Grimes put consacrer son énergie à la Union Trading Company tandis que ses deux principaux dirigeants, Coaker et Halfyard, avaient des obligations au gouvernement. En 1922, cependant, les « règlements Coaker », déposés lorsque Coaker devint ministre de la Marine et des Pêches et visant à réformer la mise en marché du poisson, avaient été minés et tout le programme unioniste fut menacé. Déçu, Grimes retourna à St John’s, où il ouvrit un modeste commerce de distribution et de vente en gros. Il reprit sa place au sein de la congrégation de Cochrane Street, et fut élu secrétaire de l’East End Methodist School Board et président du Methodist College Literary Institute.
En vue de l’élection générale de mai 1923, Coaker décida que le Fishermen’s Protective Union resterait avec Squires. Grimes fut élu dans Fogo, région qui, contrairement à Port de Grave, appuyait fortement les unionistes. Bien qu’il se soit présenté comme libéral, il était clairement dévoué à Coaker. Squires fut bientôt obligé de démissionner devant l’évidence de la mauvaise utilisation systématique de fonds publics. William Robertson Warren forma alors le gouvernement, avec l’appui des unionistes. Grimes fut ministre de la Marine et des Pêches sous Warren, en dehors du cabinet, du 29 juillet 1923 au 2 mai 1924, date où le gouvernement s’effondra sous la poussée de sa faction unioniste, qui voulait que Squires soit poursuivi.
Grimes fut élu à deux autres reprises à l’Assemblée. Élu comme libéral-progressiste dans Twillingate en juin 1924, il devint l’un des députés les plus efficaces d’une opposition divisée et s’éleva contre les politiques du premier ministre, Walter Stanley Monroe*. Il fut député libéral de Lewisporte à compter d’octobre 1928 et agit aussi comme président adjoint de la Chambre et membre de la commission des travaux publics.
L’été suivant, George Frederick Arthur Grimes mourut d’une « attaque d’apoplexie » lorsqu’il travaillait à son bureau un samedi soir. Il avait beaucoup apporté au Fishermen’s Protective Union de Terre-Neuve, entre autres sa maîtrise de la procédure parlementaire, sa grande intelligence et son point de vue de résident de St John’s. En retour, le Fishermen’s Protective Union avait transformé le chef de rayon studieux en homme voué aux affaires publiques. Faisant le bilan des réalisations du Fishermen’s Protective Union, Coaker dit de Grimes qu’il avait été l’un de ces hommes de « bon sens au talent caché » que les unionistes avaient propulsés sur la scène publique au bénéfice du pays.
L’information sur George Frederick Arthur Grimes a été obtenue au cours d’entrevues avec feu J. R. Smallwood en 1981 et 1982, et avec R. Carl Grimes, en 1998. [r. c.] PANL, GN 30, 97 ; Parish records coll., Methodist/United Church, St John’s, Cochrane Street.— W. F. Coaker, « The passing of George Grimes » et « Past, present and future », Fishermen’s Advocate (Port Union, T.-N.), 16 août 1929 et 27 juill. 1932.— Evening Telegram (St John’s), 12 août 1929, 7 avril 1933.— Arthur Fox, « M.C.L.I. is one of North America’s oldest debating clubs », dans The book of Newfoundland, J. R. Smallwood et al., édit. (6 vol., St John’s, 1937–1975), 5 : 400–403.— I. D. H. McDonald, « To each his own » : William Coaker and the Fishermen’s Protective Union in Newfoundland politics, 1908–1925, J. K. Hiller, édit. (St John’s, 1987).— J. R. Smallwood, I chose Canada : the memoirs of the Honourable Joseph R. « Joey » Smallwood (Toronto, 1973).— T.-N., General Assembly, Proc., 1914–1930.— G. H. Tucker, « The old N.I.W.A. », dans The book of Newfoundland, 1 : 279–281.— Who’s who in and from Newfoundland (St John’s), 1927.
Robert Cuff, « GRIMES, GEORGE FREDERICK ARTHUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/grimes_george_frederick_arthur_15F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Cuff |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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