GRAVES, MINARD WENTWORTH, fermier et manufacturier, né le 7 juillet 1858 à Port Lorne, Nouvelle-Écosse, fils de Robert Graves et de Harriet Bishop ; le 8 septembre 1886, il épousa à Stoney (Granville) Beach, Nouvelle-Écosse, Florence Nightingale Winchester (1854–1937), et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 6 janvier 1926 à Bridgetown, Nouvelle-Écosse.

Selon une nécrologie, Minard Wentworth Graves ne reçut « qu’une maigre instruction dans une école publique », probablement la petite école de Port Lorne. En 1883, il acheta une ferme à Upper Granville. Durant 20 ans, il figurerait régulièrement dans des documents officiels à titre de « fermier » ou de « franc-tenancier ».

Comme bien d’autres fermes de la vallée d’Annapolis à l’époque, la propriété de Graves avait déjà un verger ; pendant un temps, il pratiqua la culture des pommes pour faire l’appoint. Cependant, l’arrivée de navires à vapeur rapides, ajoutée au chemin de fer qui traversait la vallée depuis les années 1860, inaugura une nouvelle ère dans la production fruitière, et Graves ne tarda pas à en tirer parti. À compter des années 1880, les récoltes de pommes, qui avaient beaucoup augmenté en Nouvelle-Écosse, trouvèrent aisément des débouchés, d’abord aux États-Unis puis en Grande-Bretagne. La hausse de la production présentait tout de même un inconvénient : les fruits de piètre qualité, impropres à l’exportation, étaient aussi plus nombreux. C’est à cette partie des récoltes que Graves s’intéressa. Après plusieurs années d’essais avec une petite presse à pommes, il produisit finalement neuf barils de vinaigre de cidre qu’il vendit à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.

Peu à peu, après avoir été l’un des premiers à constater qu’il y avait un marché pour les sous-produits de la pomme, et non seulement pour la pomme nature, Graves se spécialisa dans la production de vinaigre. En 1903, il ouvrit à Bridgetown, à quelques milles de sa ferme, une usine dotée initialement de huit cuves, qu’il exploita d’abord en association avec Fred E. Bath, puis avec Jacob W. Salter (sous le nom de M. W. Graves and Company). Un incendie dévastateur, survenu en 1904, ne l’empêcha pas de prospérer. En 1913, le Morning Chronicle de Halifax déclara que son usine était « l’une des plus grandes et des mieux équipées du dominion ». Dès 1924, elle produisait chaque année 400 000 barils de vinaigre dont la plupart se vendaient sur le marché britannique.

Durant quelque temps, Graves ne produisit que du vinaigre de cidre, mais il diversifia graduellement ses activités, surtout après que ses fils, Francis Mann et Owen Winchester, se furent associés à l’entreprise. (Le 18 février 1921, les trois hommes la constitueraient juridiquement en société à responsabilité limitée avec une capitalisation de 100 000 $.) La production de pommes séchées, jusque-là en grande partie une activité artisanale, prit bientôt de l’importance. Des usines d’évaporation furent construites à Bridgetown et dans plusieurs localités avoisinantes ; dès 1925, on y séchait 28 000 barils de pommes, principalement à destination de l’Ouest canadien. À compter de l’acquisition de l’Annapolis Valley Cyder Company Limited en 1922, Graves fabriqua aussi des pommes en conserve, du concentré, du jus et même, pendant une certaine période, des boissons gazeuses. Après sa mort, l’entreprise, administrée par ses fils, continua à prendre de l’expansion et à diversifier ses activités : elle ouvrit des usines à Berwick et à Kentville et en vint à produire une large gamme de légumes en conserve, puis de légumes congelés. Bien qu’elle n’appartienne plus à la famille Graves, la M. W. Graves and Company Limited occupe toujours, au début du xxie siècle, une place importante dans la production de fruits et de légumes transformés.

Minard Wentworth Graves fut à l’avant-garde de l’industrie de transformation de la pomme en Nouvelle-Écosse. Entre le début et la fin de sa carrière, les récoltes dans cette province connurent une augmentation spectaculaire – elles passèrent d’une moyenne de 284 000 boisseaux au début des années 1880 à 5 389 000 boisseaux en 1923 –, et pourtant la portion de ces récoltes qui était transformée fluctua entre 3,2 % et 26,9 %. La plupart des pomiculteurs vendaient leurs fruits nature outre-mer. Fondée en 1864 [V. Andrew Hay Johnson*], la puissante Fruit Growers’ Association of Nova Scotia s’occupait exclusivement de ce marché, où se posaient des problèmes de transport et de contrôle de la qualité. On ne trouve à peu près aucune allusion à la transformation de la pomme dans les archives de cet organisme dont jamais, d’ailleurs, Graves ne vit l’avantage de faire partie. L’habitude de vendre les fruits nature était si ancrée chez la plupart des producteurs que le rapport publié en 1930 par la commission royale d’enquête sur l’industrie de la pomme n’aborde même pas la question de la transformation. Seule la clairvoyance de quelques hommes tel Graves permit à un segment de cette industrie de survivre dans la vallée d’Annapolis après la perte de ses débouchés étrangers, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Barry M. Moody

Annapolis County Registry of Deeds (Lawrencetown, N.-É.), Deeds, book 80 : 676–677 (30 avril 1883) ; book 86 : 135–136 (1er sept. 1886) ; book 95 : 426–428 (17 nov. 1891) ; book 123 : 551–554 (13 oct. 1903) ; book 126 : 152–153 (25 juin 1904) ; book 141 : 401–404 (23 juin 1909) ; book 184 : 593–594 (28 mai 1925).— Bridgetown and Area Hist. Soc. (Bridgetown, N.-É.), « The Graves families », J. Dexter, compil. (ms) ; Obituary (aucune source), M. W. Graves.— Macdonald Museum (Middleton, N.-É.), Norwich Union insurance book, 47 (police d’assurance).— NSARM, RG 32, WB, Annapolis County.— Riverside Cemetery (Bridgetown), Burial records, 607.— Halifax Herald, 7 janv. 1926.— Middleton Outlook (Middleton), 8 mars 1904.— Morning Chronicle (Halifax), 1er janv. 1913.— Morning Herald (Halifax), 17 sept. 1886.— Weekly Monitor (Bridgetown), 13 janv. 1926.— Margaret Conrad, « Apple blossom time in the Annapolis valley, 1880–1957 », dans Atlantic Canada after confederation [...], P. A. Buckner et David Frank, compil. et édit. (Fredericton, 1985), 351–376.— Fruit Growers’ Assoc. of Nova Scotia, Annual report (Kentville), 1905, 1910.— Anne Hutten, Valley gold : the story of the apple industry in Nova Scotia (Halifax, 1981).— M. W. Graves and Company Limited, Our story (Berwick, N.-É., s.d.).— N.-É., Legislative Council, Journal and proc., 1922, app.12 : 9.

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Barry M. Moody, « GRAVES, MINARD WENTWORTH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/graves_minard_wentworth_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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