GRAVES, MARY ELIZABETH, institutrice et administratrice scolaire, décédée célibataire le 16 juillet 1901 à Claremont, New Hampshire.
On ignore tout des premières années de Mary Elizabeth Graves. Étudiante à la New London Literary and Scientific Institution de New London, au New Hampshire, elle obtint son diplôme en juillet 1864 puis enseigna à Claremont, à Chicago et à Boston. Pendant ses études à New London, il semble que le directeur de l’établissement, Artemas Wyman Sawyer, l’avait remarquée. Or, en 1869, Sawyer prit la direction de l’Acadia College de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, et dix ans plus tard, Mary Elizabeth Graves s’installa au même endroit.
En décembre 1877, un incendie détruisit le bâtiment principal de l’Acadia College, ce qui força le conseil d’administration à repenser l’organisation des établissements baptistes d’enseignement de Wolfville. Bien que les classes du niveau secondaire aient été mixtes depuis 1873, on décida, après une très vive controverse, de créer une école expressément pour les filles. En 1878–1879, la Rhodes, Curry and Company [V. Nelson Admiral Rhodes] construisit un bâtiment moderne avec plomberie intérieure et eau chaude. Le 22 août 1879, Mlle Graves fut nommée directrice du nouveau pensionnat féminin.
Une belle réputation la précédait à Wolfville. C’était, disait-on, « une dame douée de talents administratifs et une institutrice de grande renommée ». Elle ne déçut pas. Le fait que le grec, le latin, le français, l’allemand, la zoologie, la tenue de livres et la chimie figuraient au programme du pensionnat montre qu’elle entendait bien donner une formation sérieuse aux jeunes femmes dont elle avait la charge. Par la suite, elle institua des cours d’histoire du Canada et d’éducation physique. En outre, son intérêt pour les langues lui donna l’idée de réserver, au réfectoire, une table où l’on ne parlait que le français. Tout en exerçant ses fonctions de directrice, Mlle Graves enseignait la rhétorique anglaise, la littérature et les arts ; la formation qu’elle donnait en cette dernière matière était d’autant meilleure qu’elle fit des études en Europe pendant des congés.
L’intention des administrateurs avait bien été de créer un établissement exclusivement féminin, un « foyer chrétien bien organisé », comme le disait l’annuaire de l’Acadia College. Pourtant, une certaine ambivalence persistait dans leur esprit, en partie à cause des contraintes financières, mais aussi parce que la tendance était à l’enseignement mixte aux États-Unis, pays que bien des habitants des Maritimes considéraient comme le modèle à suivre en matière d’éducation. Les garçons de la Horton Academy suivaient certains cours – les cours de français et d’allemand, par exemple – avec les filles du pensionnat. De plus, en 1880, la première diplômée de l’établissement commença ses études à l’Acadia College. Quatre ans plus tard, Clara Belle Marshall devenait la première femme à obtenir une licence ès arts de l’Acadia College et la deuxième au Canada à décrocher ce diplôme. Le pensionnat s’empressa de l’engager comme institutrice. Dès 1894, le programme du pensionnat avait suffisamment été modifié pour que les diplômées puissent entrer en troisième année au collège. Grâce aux encouragements de Mlle Graves, quatre élèves du pensionnat obtinrent un diplôme de l’Acadia College au cours des années où elle fut directrice et plusieurs autres y suivirent des cours.
Mary Elizabeth Graves sut mener le pensionnat sur la voie de l’expansion. En 1894, le personnel comptait 12 membres, soit 7 de plus qu’au moment de l’inauguration. En 1891, on avait presque doublé les dimensions du bâtiment en ajoutant un gymnase et un laboratoire, et en agrandissant les dortoirs pour accueillir une population estudiantine variant de 50 à 100 personnes. Mlle Graves contribua beaucoup à la création d’organisations parascolaires, par exemple un groupe littéraire et musical, la Pierian Society, et fonda l’Acadia Seminary Alumnae Association.
Néanmoins, des problèmes de santé assombrirent les années de Mlle Graves au pensionnat. Elle tenta de démissionner plusieurs fois pour cette raison, mais le conseil lui accorda plutôt des congés. En général, elle les passa à voyager et à étudier en Allemagne, en Italie et en Suisse. Elle démissionna en 1886 pour retourner en Europe, mais elle reprit la direction en 1889 à la demande du conseil d’administration.
Au début des années 1890, malgré la popularité de Mlle Graves auprès des élèves et le succès manifeste avec lequel elle dirigeait le pensionnat, le conseil d’administration, formé exclusivement d’hommes, était de plus en plus insatisfait d’elle. Manifestement, son indépendance et sa forte personnalité avaient fini par en énerver quelques-uns. Peut-être les administrateurs étaient-ils de plus en plus convaincus que la direction du pensionnat ne devait pas être occupée par une femme. Et puis, Mlle Graves avait eu plusieurs différends avec eux sur des questions de discipline. Le conflit éclata pour de bon en 1894. Le conseil voulut qu’elle modifie ses projets estivaux pour aller promouvoir le pensionnat en visitant des familles et des congrégations baptistes des Maritimes. Elle refusa et, après plusieurs réunions tumultueuses, on lui demanda de démissionner. Deux institutrices partirent en même temps qu’elle, en décembre, en invoquant le fait que le conseil lui avait demandé de quitter son poste.
Mary Elizabeth Graves marqua profondément le pensionnat et l’Acadia College. Elle fit beaucoup pour rehausser les critères de la formation donnée aux femmes chez les baptistes des Maritimes et pour élargir les horizons de ses élèves. L’une d’elles, Irene Morton, a écrit que « ses perspectives étaient vastes et ses buts, élevés » ; elle a parlé en termes louangeurs de la solide formation chrétienne qu’elle donnait. De toutes les directrices du pensionnat, Mlle Graves fut la plus importante. Elle méritait bien que son portrait orne l’ancien bâtiment du pensionnat, qui est maintenant une résidence de l’Acadia University.
Acadia Univ. Arch. (Wolfville, N.-É.), Acadia Seminary Alumnæ Assoc., secretary’s book, 1892–1927 ; Board of governors, minutes, 1 (1850–1883) ; Irene Elder Morton, « History of Acadia Seminary » (1912) ; Pierian Soc., membership, constitution and by-laws.— Acadia Athenæum (Wolfville), nov. 1895 : 4 ; déc. 1895 : 4.— Christian Messenger, mars–avril, juin 1878.— Messenger and Visitor (Saint-Jean, N.-B.), 31 juill. 1901.— The Acadia record, 1838–1953, Watson Kirkconnell, compil. (4e éd., Wolfville, 1953).— Acadia Seminary, Calendar (Wolfville), 1879–1895.— The Baptist year book of the Maritime provinces of Canada [...] (Saint-Jean ; Halifax), 1878–1895.— J. D. Davison, Alice of Grand Pre : Alice T. Shaw and her Grand Pre Seminary ; female education in Nova Scotia and New Brunswick (Wolfville, 1981).— R. S. Longley, Acadia University, 1838–1938 (Wolfville, 1939).
Barry M. Moody, « GRAVES, MARY ELIZABETH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/graves_mary_elizabeth_13F.html.
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Auteur de l'article: | Barry M. Moody |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |