GRANGER, FLAVIEN (Flavien-Joseph), libraire et éditeur, né le 9 mai 1856 à Sainte-Anne-des-Plaines, Bas-Canada, fils d’Hector Granger, marchand, et d’Adélaïde Hamelin ; en 1888, il épousa à Montréal Emma Gibeau, et ils eurent une fille ; décédé le 18 novembre 1913 à Montréal.

Dans sa jeunesse, Flavien Granger travaille au magasin de son père à Sainte-Anne-des-Plaines. En 1878, il entre comme commis à la librairie Chapleau et Labelle, à Montréal, où il demeure trois ans. On le retrouve ensuite à la librairie Cadieux et Derome, où il sera premier commis puis gérant jusqu’en 1884.

En avril 1885, Granger crée sa propre entreprise, connue sous le nom de F. J. Granger, papetier, et en anglais sous celui de « Flavien J. Granger, stationer, bookbinder and bookseller ». Avec un modeste capital de 500 $, il ouvre une boutique au 13, côte Saint-Lambert, à Montréal. Il n’a pas d’employés et il doit fermer son magasin quand il lui faut livrer des marchandises. L’année suivante, il déménage au 1699, rue Notre-Dame, à l’angle de la place d’Armes, dans l’édifice Muir, qui sera étroitement associé au développement de sa librairie à la fin du siècle et au début du suivant. En 1887, il fonde la maison Granger Frères avec son frère Hector. En 1891, Alphonse-Auguste Granger remplace Hector, décédé l’année précédente. Alphonse-Auguste apporte avec lui une expérience de 15 années au service de la librairie J.-B. Rolland et Fils. Les deux frères travailleront en étroite collaboration jusqu’à leur décès une vingtaine d’années plus tard.

Les années 1890 marquent pour l’entreprise le début d’une période d’expansion importante. D’abord confiné au rez-de-chaussée du 1699, rue Notre-Dame, le commerce va bientôt occuper l’immeuble tout entier, puis l’édifice voisin. En 1902, la compagnie se dédouble ; Flavien dirige le commerce de gros, sous la raison sociale de Librairie Granger, tandis qu’Alphonse-Auguste est le responsable de la librairie de détail connue sous le nom de Granger Frères. En 15 ans, la maison deviendra la plus importante librairie du Canada français. Le développement du commerce de gros amène les propriétaires à acheter ou à louer des immeubles, rue Notre-Dame, puis boulevard Saint-Laurent et rue Saint-Paul, où se retrouveront les salles d’échantillons, les entrepôts et les salles d’expédition. En 1920, la librairie de la rue Notre-Dame comprendra plus de dix départements dont quatre seront réservés au livre.

L’essor de Granger Frères est en partie lié au développement des ventes postales. Un chroniqueur de l’époque comparera les catalogues de Granger Frères à ceux des magasins de Timothy Eaton*. Depuis les années 1890, la maison s’est fait une spécialité de la vente par catalogue. Une partie importante du commerce se fera de cette manière avec les régions éloignées qui ne sont pas couvertes par les représentants de la librairie. On fait parvenir aux clients des catalogues spécialisés correspondant aux marchandises offertes dans les différents départements.

En 1900, Flavien Granger est mandaté pour organiser un stand de livres canadiens à l’Exposition universelle de Paris. À cette occasion, il publie un livre intitulé France-Canada : bibliographie canadienne ; catalogue d’un choix d’ouvrages canadiens français accompagné de notes bibliographiques comprenant un choix de 386 ouvrages canadiens-français. En 1906, une version augmentée contenant plus de 2 000 titres est mise sur le marché. Dès le début, Flavien avait l’intention de créer une librairie de fonds. Pour augmenter son assortiment, il avait mis sur pied un système d’achat de livres usagés, et il achetait des bibliothèques privées et des fonds de commerce. Ainsi, vers 1900, la maison possédait une collection unique d’ouvrages canadiens.

Durant deux ans, Granger publie un bulletin bibliographique mensuel, l’Abeille paroissiale (1895–1896), tiré à 5 000 exemplaires et destiné à promouvoir les nouveautés et les ouvrages offerts au magasin. La plupart des livres et des objets de piété annoncés sont importés. Granger a l’exclusivité de la distribution de nombreux titres. En 1889, il avait signé un contrat de coédition avec Eugène Plon pour Une colonie féodale en Amérique ; l’Acadie (1604–1881) de François-Edme Rameau de Saint-Père.

La maison publie aussi plusieurs livres. De 1889 à 1913, une quarantaine de titres paraissent sous la raison sociale de Granger Frères, soit une moyenne de deux livres par année. Ce sont surtout des manuels scolaires, des ouvrages de piété et des monographies historiques, dont plusieurs ouvrages de Benjamin Sulte*. S’y ajoutent des titres de Louis Fréchette*, Feuilles volantes (1890) et Bienvenue à Son Altesse royale le duc d’York et de Cornwall (1901), des récits de voyage d’Honoré Beaugrand*, Six mois dans les Montagnes-Rocheuses : Colorado, Utah, Nouveau Mexique (1890) et de l’abbé Jean-Baptiste Proulx*, Dans la ville éternelle [...] (1897). Granger fait imprimer ses ouvrages chez Eusèbe Senécal*, Gustave Vekeman, Laflamme et Proulx, Desaulniers et Leblanc et à l’imprimerie Moderne. L’éditeur se porte également acquéreur des droits de publication de plusieurs ouvrages édités par ses confrères. En plus des livres, Granger publie et vend des cartes postales, des plans et des guides touristiques. Le Guide de Montréal et de ses environs, publié en 1897, demeure un modèle du genre.

L’expansion de la maison exige bientôt de nouvelles stratégies de financement et de gestion. Au cours des années, Granger a absorbé plusieurs fonds de commerce : la librairie Gareau et Sauriol, la National Loose Leaf Company, la librairie Napoléon Giroux et une partie de la librairie Cadieux et Derome. L’effondrement des planchers de la librairie de la rue Notre-Dame sous le poids des marchandises en 1906 est bien symptomatique de ce gonflement des stocks. Pour faciliter le développement futur et améliorer les sources de financement de la maison, on prend la décision de constituer une société anonyme le 27 janvier 1910 sous le nom de Granger Frères Limitée. La nouvelle entreprise comprend cinq membres : Flavien et Alphonse-Auguste Granger, Rodolphe Bédard, comptable, Origène-A. Thibault, gérant-libraire, et Frédéric H. Meck, commis de librairie. Cette décision se révélera salutaire, puisque trois ans plus tard les deux fondateurs disparaissent à quelques mois d’intervalle : Flavien meurt à l’âge de 57 ans, le 18 novembre 1913, et Alphonse-Auguste à 55 ans, le 23 avril 1914. La Société d’administration générale assurera la continuité en réorganisant la direction de la compagnie. Les deux hommes avaient intéressé à leur commerce un de leurs neveux, Paul Granger, qui fera partie du nouveau conseil d’administration pendant plusieurs années.

La maison souffrira plus tard des transformations du marché du livre engendrées par les réformes de la Révolution tranquille et l’arrivée de nouvelles maisons de distribution. À la fin des années 1980, 100 ans après sa création et 70 ans après la disparition de ses fondateurs, Granger Frères fermera ses portes dans l’indifférence quasi générale.

Jacques Michon

Flavien Granger est le compilateur de France-Canada bibliographie canadienne ; catalogue d’un choix d’ouvrages canadiens français accompagné de notes bibliographiques et préparé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 (Montréal, [1900 ?]).

AC, Montréal, État civil, Catholiques, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges (Montréal), 21 nov. 1913.— ANQ-M, CE6-6, 9 mai 1856.— Le Canada (Montréal), 28 mars 1910.— La Presse, 27 avril 1906, 18, 21 nov. 1913.— Annuaire, Montréal, 1888–1915.— Émile Benoist, Monographies économiques (2e éd., Montréal, 1925), 94–101.— Dominique Garand, « la Librairie et la Distribution : Granger Frères »,dans l’Édition du livre populaire, sous la dir. de Jacques Michon (Sherbrooke, Québec, 1988), 153184.— J. Hamelin et al., la Presse québécoise.— Roger Le Moine, Napoléon Bourassa : l’homme et l’artiste (Ottawa, 1974).— Jean Marot, « la Librairie Granger Frères », dans le Problème industriel au Canada français (Montréal, 1922), 273s.— Souvenir de Maisonneuve, esquisse historique de la ville de Montréal [...] (Montréal, [1894 ?]).

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Jacques Michon, « GRANGER, FLAVIEN (Flavien-Joseph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/granger_flavien_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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