GOULD, CHARLES HENRY, musicien et bibliothécaire, né le 6 décembre 1855 à Groveton, New Hampshire, fils de Joseph Gould et d’Abigail De Witt ; décédé célibataire le 30 juillet 1919 à Montréal.
Les Gould et les De Witt [V. Jacob De Witt*] étaient des familles américaines qui s’étaient fixées à Montréal au début du xixe siècle. Charles Henry Gould fréquenta la High School of Montreal et le McGill College ; il obtint une licence ès arts en 1877 et remporta la médaille d’or Henry Chapman en humanités. Il entreprit ensuite des études supérieures en physique mais ne reçut pas de diplôme. De 1880 à 1887, il tint l’orgue à l’église American Presbyterian de Montréal contre un salaire annuel de 500 $ ; il succédait à son père, Joseph Gould, réputé le plus grand musicien anglophone de la ville. En outre, il travailla, paraît-il, à la minoterie fondée par son grand-père Ira Gould.
Le 24 juin 1892, Gould devint le premier bibliothécaire de la McGill University. On ignore pourquoi exactement il obtint ce poste ; son expérience des affaires, ses études, son bagage culturel et le fait qu’il était presbytérien, tout comme le recteur de l’université, sir John William Dawson*, et le grand bienfaiteur de la bibliothèque, Peter Redpath, durent jouer en sa faveur. Après avoir passé un an à parcourir l’Europe et les États-Unis afin de s’initier aux plus récentes méthodes d’administration des bibliothèques, il entra en fonction deux mois avant l’inauguration officielle de la Redpath Library, le 31 octobre 1893. Il remplirait les devoirs de sa charge jusqu’à la veille de son décès et serait considéré à la fois comme le plus grand bibliothécaire canadien de son époque et l’un des plus grands d’Amérique du Nord.
À l’exception des trois premières années, la carrière de Gould à McGill se déroula sous le rectorat de sir William Peterson*. Cet homme dynamique appliqua à l’université la conception germano-américaine des études supérieures, dans laquelle un large éventail de programmes de deuxième et troisième cycles et de programmes de formation professionnelle venait compléter un programme réformé de premier cycle en arts libéraux. Dans cette perspective, une bibliothèque bien pourvue était essentielle. Quand Gould assuma sa fonction, en 1893, les bibliothèques de McGill possédaient 55 000 volumes, dont 35 000 se trouvaient à la Redpath Library. Au moment de sa mort, elles comptaient 180 000 volumes, soit la plus grosse collection universitaire au Canada. Bien que les finances aient toujours été un sujet de préoccupation et que le soutien direct de l’université ait été limité, Gould réussit à augmenter le personnel, à refaire le catalogage de la collection, à accroître le nombre de prêts et à construire en 1901 une annexe qui doubla la capacité des rayons. Peter Redpath et sa femme, Grace, contribuèrent beaucoup à cette expansion en donnant de précieuses collections, en bâtissant la bibliothèque et son annexe, en en finançant le fonctionnement et en la dotant à perpétuité. D’autres bienfaiteurs importants, dont sir William Christopher Macdonald, firent des dons de très grande valeur en argent et en livres et, grâce à la générosité de nombreux bienfaiteurs plus modestes, il y eut des années où 90 % des acquisitions étaient des dons.
L’apport de Gould à la culture, à la recherche et à la bibliothéconomie canadiennes fut considérable. En 1900, au cours de l’assemblée annuelle de l’American Library Association dont il était l’hôte à Montréal, il réunit un groupe dans son bureau en vue de fonder la première association canadienne de bibliothèques, la future Ontario Library Association. Il conseillerait cet organisme, assisterait à certaines de ses réunions et y prononcerait des allocutions. Grâce à l’appui de la famille de feu Hugh McLennan*, il fournit des services à des régions éloignées du pays : expédiées par la poste, les caisses de livres de la McLennan Travelling Library permirent à d’innombrables Canadiens de se cultiver. En outre, Gould mit sur pied le premier système de contrôle bibliographique relatif à la science au Canada en supervisant les notices canadiennes destinées à l’International catalogue of scientific literature [...] (254 vol., Londres, 1902–1921). Sa collection de réimpressions, intitulée McGill University Publications, encouragea au pays la publication de textes universitaires. Sa principale contribution à l’avancement des bibliothèques canadiennes fut sans contredit la mise sur pied, en 1904, d’un cours d’été en bibliothéconomie, qui deviendrait le programme de la McGill Library School. Cette dernière offrirait un programme trimestriel à compter de 1927 et un programme d’études supérieures à compter de 1930. Gould avait ouvert la voie en dirigeant, de 1897 à 1904, un programme d’initiation à cette matière.
Gould fut particulièrement actif sur la scène internationale. En juillet 1897, il assista à la deuxième International Library Conference à Londres en tant que vice-président. Cependant, il fit surtout sa marque aux États-Unis, à compter de son inscription à l’American Library Association en 1893. Il participa à la plupart des conférences annuelles de cet organisme, appartint à de nombreux comités et en présida plusieurs. Il fut également le premier Canadien à en être président, en 1908–1909. Son mandat coïncida avec des changements fondamentaux que, dit-on, il mit en œuvre avec doigté : le déménagement du siège social de Boston à Chicago, l’adoption d’une nouvelle constitution et la création du poste permanent de secrétaire de direction. Ces changements menèrent à une réorientation radicale de l’association et à la victoire de certains groupes sur d’autres : les bibliothèques publiques prirent le pas sur les grandes bibliothèques universitaires et bibliothèques de recherche, et le Centre-Ouest dama le pion à l’Est. De l’avis général, seul un étranger ayant la stature et la diplomatie de Gould pouvait présider à de tels bouleversements sans que toute l’association s’effondre. En 1912–1913, il devint le quatrième président de la Bibliographical Society of America, ce qui suggère qu’il appuyait les responsables des bibliothèques universitaires et bibliothèques de recherche plutôt que ceux des bibliothèques publiques, qui dominaient alors l’American Library Association. Ses trois prédécesseurs à la société avaient aussi été présidents de l’American Library Association, mais peu de ses successeurs occuperaient le poste.
Un certain nombre de questions d’intérêt général retinrent l’attention de Gould. Il se prononça vigoureusement en faveur de la centralisation des bibliothèques universitaires mais constata que, à McGill, il n’avait pas d’autre choix que d’accepter des succursales. Il fut l’un des premiers à prôner la création de bibliothèques régionales, qui sont devenues une caractéristique du réseau canadien de bibliothèques. Sur la scène internationale, il se distingua surtout en fondant le système de prêt interbibliothèques tel qu’on le connaît au xxe siècle. Dans son discours inaugural à la présidence de l’American Library Association comme dans d’autres allocutions et écrits, il fit valoir que les bibliothèques devaient se prêter mutuellement des publications afin de combler leurs lacunes. En 1916, il présida le comité de l’American Library Association qui édicta les premiers règlements sur les prêts interbibliothèques.
Tout en étant un musicien accompli, Charles Henry Gould aimait les livres et la lecture. Les témoignages de ses contemporains signalent sa personnalité équilibrée et sa modestie. À la fois ferme et aimable, il n’était ni austère ni complaisant. Andrew Dickson Patterson a immortalisé ses traits ; ce dessin en couleur, qui se trouve à McGill, montre un homme perspicace, sympathique et digne.
Les nombreux papiers officiels de Charles Henry Gould sont déposés aux McGill Univ. Arch. (Montréal), sous la cote RG 40 (Libraries). D’autres collections de ce dépôt d’archives, ainsi que l’Annual report (Montréal), 1893–1919, du McGill Univ., Board of governors, ont été utilisés pour la rédaction de la présente biographie. Les familles Gould et De Witt conserve toujours leur généalogie.
Gould a principalement publié dans des périodiques canadiens et américains de courts articles qui sont habituellement la version révisée de discours ou d’allocutions ; les plus remarquables sont : « Regional libraries » et « Co-ordination, or method in co-operation : address of the president, American Library Association, Bretton Woods Conference, 1909 », Library Journal (New York), 33 (1908) : 218s. et 34 (1909) : 335–340, respectivement ; et « McGill University library school », Canadian Municipal Journal (Montréal), 2 (1906) : 251s.
Il n’existe pas de biographie complète de Gould, mais les ouvrages suivants sont utiles : Ritva Makela, McGill University Library during the tenure of Charles H. Gould as university librarian, 1893–1919 ([Montréal], 1974) et P. F. McNally, « Scholar librarians : Gould, Lomer and Pennington », Fontanus (Montréal), 1 (1988) : 95–104. Parmi les nécrologiques et les notices biographiques concernant Gould, on retrouve : Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912) ; C. H. Colby, « The late C. H. Gould », Canadian Bookman (Toronto), 1 (1919), no 4 : 7s. ; et Dictionary of American library biography, B. S. Wynar, édit. (Littleton, Colo., 1978), 208–210. Les ouvrages suivants permettent de connaître le contexte : Encyclopedia of library and information science, Allen Kent et Harold Lancour, édit. (42 vol., New York, 1968–1987), 17 : 311–320 ; S. B. Frost, McGill University : for the advancement of learning (2 vol., Montréal, 1980–1984) ; Basil Stuart-Stubbs et al., Système de prêt entre bibliothèques au Canada (Vancouver, 1975) ; H. B. Van Hoesen, « The Bibliographical Society of America – its leaders and activities, 1904–1939 », Biblio. Soc. of America, Papers (New York), 35 (1941) : 177–202 ; W. A. Wiegand, « Library politics and the organization of the Bibliographical Society of America », Journal of Library Hist. (Austin, Tex.), 21, no 1 (hiver 1986) : 131–157, et The politics of an emerging profession : the American Library Association, 1876–1917 (New York, 1986) ; et enfin W. A. Wiegand et Dorothy Steffens, Members of the club : a look at one hundred ALA presidents (Champaign-Urbana, Ill., [1982]).
Peter F. McNally, « GOULD, CHARLES HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gould_charles_henry_14F.html.
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Auteur de l'article: | Peter F. McNally |
Titre de l'article: | GOULD, CHARLES HENRY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |