Provenance : Edward D. Ives
GORMAN, LAWRENCE, ouvrier et chansonnier, né le 10 juillet 1846 à Trout River (Tyne Valley, Île-du-Prince-Édouard), fils de Thomas Gorman et d’Ann Donahue ; le 5 novembre 1891, il épousa à Ellsworth, Maine, Mary Mahoney, née O’Neal (décédée en 1896), puis le 7 septembre 1897, à Bangor, Maine, Julia Lynch (décédée en 1928) ; aucun enfant ne naquit de ces mariages ; décédé le 31 août 1917 à Brewer, Maine, et inhumé au cimetière Mount Pleasant, Bangor.
Fils d’immigrants irlandais établis dans un milieu fondamentalement anglais, Lawrence Gorman ne reçut pas plus d’instruction que n’en donnaient à l’époque les écoles publiques et grandit en faisant divers métiers – garçon de ferme, pêcheur et bûcheron saisonnier en dehors de l’île. Ses déplacements le menèrent d’abord dans la région de la Miramichi, au Nouveau-Brunswick, puis dans le Maine à compter de 1885 environ. Dans le Maine, il vécut d’abord à Ellsworth, travaillant dans les forêts et comme draveur le long de la rivière Union. Puis, vers 1900, il s’installa à Brewer (probablement parce que sa femme voulait se rapprocher de sa famille à Bangor), où il travailla tant dans les camps de bûcherons de la Penobscot que dans les scieries et les usines de pâte à papier du sud de Brewer.
Comme Lawrence Doyle*, lui aussi de l’Île-du-Prince-Édouard, Gorman était connu pour ses chansons. Toutefois, tandis que Doyle versait dans un humour plutôt bon enfant, Gorman privilégiait l’invective, autant sous forme de satires sur des thèmes généraux, telles la richesse ou la morale, que sous forme d’insultes haineuses contre ceux qui, selon lui, lui avaient infligé quelque affront. Un couplet de Barren town, qu’il composa au Nouveau-Brunswick « pour livrer le fond de [sa] pensée sur les femmes », donne une bonne idée de ses chansons satiriques :
Alors elles se marient, si elles le peuvent
Et tiennent la maison ;
Puis, tout à coup, les voilà qui mènent grand train,
Qu’elles en aient les moyens ou pas.
Tout ça parce qu’elles ne savent pas faire des gâteaux –
Leurs tartes sont bien drôles à voir –
C’est la faute à la farine, jurent-elles,
Si la pâte ne lève pas.
Quant aux attaques personnelles (sa marque de commerce), on en trouve un exemple dans un couplet de The gull decoy, chanson qu’il composa à l’Île-du-Prince-Édouard à propos d’un fourbe qui, dit-on, l’avait privé de son juste salaire :
Mon frère aîné, je l’ai maltraité,
Maltraité jusqu’à ce qu’il s’enfuie,
Tout ça à cause de celle qu’il a mariée, Et je lui en voulais encore.
Une nuit, au cimetière je suis allé
Et j’ai déterré la tombe de son enfant.
Gorman était connu comme « l’homme qui fait les chansons ». Il avait choisi ce surnom et le popularisa en l’intégrant à une bonne partie de ses textes. On raconte que les gens avaient peur de lui ; il n’est pas difficile de croire que sa présence dans un campement ou une localité suscitait de l’appréhension. Il a bien saisi cette attitude dans la chanson The scow on Cowden shore, galerie de portraits satiriques des hommes qui triaient le bois sur la rivière Miramichi :
Des ennemis, j’en ai des tas y en a pas un que j’connais pas
Alors j’vais les voir là-bas et ils en sont très mécontents ;
Oh je sais qu’ils pourraient me tuer, me poursuivre ou m’accuser
Mais je les vois me saluer sur la rive de Cowden, près du chaland.
La tradition de la chanson satirique a été forte parmi la classe ouvrière, non seulement au Canada et aux États-Unis, mais aussi dans les îles Britanniques. Comme les chansons de ce genre portent sur des personnes et des événements précis, elles sont généralement éphémères. C’est leur composition elle-même – leurs auteurs, les motifs de leur création, leurs modèles, leurs effets et ainsi de suite – qui doit intéresser les folkloristes et autres spécialistes de l’histoire sociale. Lawrence Gorman est important dans ce genre d’étude car il incarne le processus tout entier. On doit cependant émettre une réserve : c’était un être si susceptible que la portée sociale de ses chansons s’en trouve quelque peu réduite. Par contre, la carrière de cet homme solitaire et revêche peut servir d’antidote à des généralisations sur « le peuple » ou « l’art populaire ».
On peut trouver de l’information plus détaillée dans notre ouvrage intitulé Larry Gorman : the man who made the songs (Bloomington, Ind., 1964 ; réimpr., New York, 1977, et Fredericton, 1993). [e. d. i.]
Edward D. Ives, « GORMAN, LAWRENCE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gorman_lawrence_14F.html.
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Auteur de l'article: | Edward D. Ives |
Titre de l'article: | GORMAN, LAWRENCE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |