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GORDON, GEORGE NICOL, ministre presbytérien et missionnaire, né le 21 avril 1822 à Cascumpeque (Alberton), Île-du-Prince-Édouard, fils de John Gordon et de Mary Ramsey, décédé le 20 mai 1861 à Erromanga, Nouvelles-Hébrides.
Le père de George Nicol Gordon avait émigré, avec ses parents, d’Écosse à l’Île-du-Prince-Édouard via Shelburne, Nouvelle-Écosse, en 1786. En 1813, John Gordon et sa famille devinrent tenanciers dans le domaine de Samuel Cunard. Ils se battirent contre leur propriétaire pendant de nombreuses années, l’accusant de pratiques injustes, avec comme seul résultat qu’ils furent finalement évincés par la force en 1850. George Gordon ne put faire que des études modestes dans la région ; il travailla ensuite à la ferme de son père et aussi comme tanneur.
En 1848, Gordon vécut une expérience religieuse qui le troubla profondément et, en 1850, à l’âge de 28 ans, il entra à l’académie rattachée au Presbyterian Free Church College à Halifax, Nouvelle-Écosse. L’année suivante, il fréquenta le Theological Hall de l’Église presbytérienne à West River, comté de Pictou, Nouvelle-Écosse, puis retourna à Halifax où il entreprit des études au Free Church College. Tout en suivant les cours il contribua activement à l’établissement, en 1852, de la Halifax City Mission dont il devint le premier missionnaire. L’année suivante, il offrit ses services pour les missions étrangères au Board of Foreign Missions du synode de l’Église libre de la Nouvelle-Écosse et fut accepté pour œuvrer aux Nouvelles-Hébrides. Il termina ses études au printemps de 1854 et, en 1855, entreprit une tournée de prédication missionnaire à l’Île-du-Prince-Édouard, fut ordonné en septembre de la même année à Pictou et, peu après, partit pour Londres afin d’y étudier la médecine. C’est là qu’il rencontra Ellen Catherine Powell qui, en dépit d’une santé plutôt précaire, était prête à partager la vie d’un missionnaire. Ils se marièrent en juin 1856.
Les Gordon s’embarquèrent à Londres à la fin de juillet 1856 sur le navire de la London Missionary Society, le John Williams, à destination des Nouvelles-Hébrides dans le Pacifique Sud. En juin 1857, ils atteignirent Anatom où John Geddie*, de la Nouvelle-Écosse, maintenait depuis 1848 une mission presbytérienne solitaire mais très florissante. Finalement, vers le 15 juin 1857, les Gordon débarquèrent à la baie de Dillon dans l’île d’Erromanga. Le missionnaire pionnier de la société, John Williams, avait été tué à cet endroit en 1839 et la société avait par la suite envoyé des instituteurs indigènes de Samoa et de Rarotonga dans le but de préparer la voie à un missionnaire européen. Au cours des années 40 et 50, des trafiquants de bois de santal étaient venus à plusieurs reprises à Erromanga, en particulier en provenance de Sydney, Nouvelle-Galles du Sud ; en 1857, plusieurs comptoirs permanents y étaient établis, dont au moins un à la baie de Dillon, non loin de l’endroit choisi pour l’établissement de la mission.
Les Gordon connurent des privations et des difficultés de toutes sortes durant les quatre années qu’ils passèrent à Erromanga. Les fréquentes attaques de malaria dont souffrait Mme Gordon étaient particulièrement pénibles et obligèrent finalement le couple à s’installer dans un endroit plus sain, sur une colline des environs. Vigoureux, énergique, habile artisan, Gordon était fort bien qualifié pour assumer les durs travaux manuels qui s’imposaient dans les missions nouvellement établies. Avec l’aide de quelques indigènes seulement, il construisit une maison, une église et d’autres bâtiments. Dix semaines après son arrivée, il avait traduit les dix commandements dans le dialecte mélanésien d’Erromanga. Par la suite, il traduisit et imprima lui-même bon nombre d’ouvrages religieux et éducatifs, y compris des passages des Saintes Écritures. Il tenait une école à la baie de Dillon, célébrait des offices religieux régulièrement et visitait souvent d’autres parties de l’île. Gordon écrivit à l’occasion pour le Presbyterian Witness de Halifax, dirigé par son ami le révérend Robert Murray*, ainsi que pour le Missionary Register de Londres. En 1861, il avait converti un petit nombre d’habitants de l’île. Ceux-ci avaient renoncé à leurs mœurs traditionnelles, que les Gordon trouvaient répréhensibles, portaient des vêtements, assistaient aux cours et aux offices et observaient le dimanche. Au début, Gordon entretenait des doutes sur la valeur des instituteurs indigènes dans les nouveaux territoires de mission et, pendant longtemps, il refusa de former un groupe d’auxiliaires autochtones. Ce refus limita le champ de son influence et de son efficacité, et contribua probablement à susciter les malentendus qui aboutirent à sa mort et à celle de sa femme.
En janvier 1861, un navire marchand amena des malades atteints de la rougeole à la baie de Dillon. Les Erromangains ne tinrent aucun compte des avertissements de Gordon qui les exhortait d’éviter tout contact avec le bateau, et la maladie, aggravée par la dysenterie, se répandit rapidement dans toute l’île. Il s’ensuivit des morts nombreuses et de grandes souffrances. À peu près en même temps, des cyclones dévastèrent les récoltes et la famine menaça ceux qui avaient échappé à l’épidémie. Gordon tenta d’atténuer les effets du désastre en distribuant des médicaments et en soignant les malades. Il était de tradition chez les Erromangains d’attribuer la maladie, la mort et les fléaux de la nature à la magie des sorciers, et Gordon, qui avait prédit les ravages de l’épidémie et semblait immunisé contre la maladie, fut immédiatement soupçonné de sorcellerie.
Au milieu du mois de mai, les auxiliaires indigènes de Gordon lui conseillèrent de retourner vivre sur la côte où la présence d’Erromangains amis assurerait sa protection. Il refusa. Le 20 mai 1861, au cours de son travail, il tomba dans une embuscade et fut tué par un groupe de neuf Erromangains. L’un des assassins tua ensuite Mme Gordon à coups de hache sur le seuil de la maison des missionnaires. Le frère cadet de Gordon, James Douglas*, qui devait lui aussi mourir aux mains d’Erromangains, décrivit Gordon et sa femme comme des « martyrs ». Dans The last martyrs of Eromanga [...], il attribue leur mort à l’influence nocive des trafiquants de bois de santal. Plusieurs trafiquants hostiles aux missionnaires semblent avoir effectivement attisé la colère de certains Erromangains contre Gordon et son Dieu. Toutefois, le comportement de Gordon eut, semble-t-il, une égale importance. Il a écrit dans son journal : « [La maladie] fut précédée par une opposition presque universelle à l’Évangile et par beaucoup de meurtres et d’idolâtrie. J’avais la conviction que Dieu allait les châtier et je les ai prévenus en termes très graves quelques jours à peine avant qu’ils ne soient atteints. Les chefs [...] peuvent difficilement convaincre leur peuple que ce n’est pas le doigt de Jéhovah. » Dans une longue lettre, publiée dans l’Evangelical Christendom de Londres, le 6 avril 1861, il insistait sur la gravité de l’épidémie de rougeole, la tension croissante et la grande « perversité » que ce peuple manifestait depuis quelque temps. Le drame de Gordon fut que les indigènes le virent comme l’intermédiaire par lequel la punition divine s’abattit sur eux. Geddie, missionnaire de longue expérience, contesta « l’opportunité et la sagesse de l’annonce d’un châtiment temporel » et jugea que les paroles de Gordon avaient certainement contribué aux soupçons dont il était l’objet.
Gordon fut un missionnaire dévoué et zélé, mais il avait le défaut de ses qualités. Ainsi, son manque de jugement, qui explique en partie son peu de succès à l’île d’Erromanga, était dû à son courage et à son esprit d’indépendance qui l’amenèrent à s’abstenir de faire appel à des indigènes pour l’aider dans son apostolat et à ne tenir aucun compte des avertissements à propos des dangers qui le menaçaient ; son profond attachement à sa religion l’entraîna à dénoncer publiquement des attitudes et des comportements traditionnels, ce qui eut des résultats funestes.
J. D. Gordon, The last martyrs of Eromanga ; being a memoir of the Rev. George N. Gordon and Ellen Catherine Powell, his wife (Halifax, 1863) ; The sandalwood trade and traders of Polynesia (Halifax, 1862).— Presbyterian Church of the Lower Provinces of British North America, Home and Foreign Record (Halifax), I (1861).— Evangelical Christendom (Londres), 6 avril 1861.— Presbyterian Witness, 5, 21 oct., 7 déc. 1861.— Reformed Presbyterian Magazine (Édimbourg), oct. 1861.— Samoan Reporter (Leulumœga, Samoa), mai 1862.— George Patterson, Missionary life among the cannibals : being the life of the Rev. John Geddie, D.D., first missionary to the New Hebrides ; with a history of the Nova Scotia Presbyterian mission on that group (Toronto, 1882).— H. A. Robertson, Erromanga, the martyr isle, John Fraser, édit. (Londres, 1902).— Robert Steel, The New Hebrides and Christian missions, with a sketch of the labour traffic, and notes of a cruise through the group in the mission vessel (Londres, 1880).
Bronwen Douglas et Bruce W. Hodgins, « GORDON, GEORGE NICOL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gordon_george_nicol_9F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |