GLIONNA, FRANCESCO, menuisier, musicien, vendeur d’arachides et propriétaire d’hôtel, né le 18 juin 1825 ou le 28 juin 1828 à Laurenzana (Italie), fils de Vincenzo Glionna ; avant 1864, il épousa une prénommée Anna Vittoria (décédée en 1908), et ils eurent trois fils et trois filles ; décédé le 9 décembre 1918 à Toronto.

Francesco Glionna naquit dans la province de Potenza, dans le royaume de Naples. On en sait peu sur son passé en Europe, mais apparemment, il arriva en Amérique du Nord avec sa femme et ses enfants à la fin des années 1860 ou au début des années 1870. Lui-même et ses frères, Giovanni Battista, Donatantonio (Donato) et Rocco, faisaient partie d’une vague d’émigration de plus en plus importante en provenance du sud de l’Italie. Ils allèrent d’abord à Paris, puis à New York, en exerçant divers métiers. Des harpistes, des violonistes et des clarinettistes de même que des bottiers, des cordonniers et des chaudronniers quittèrent Laurenzana, entre autres localités, et essaimèrent un peu partout dans le monde. Ces artisans étaient souvent accompagnés par des enfants dont les plus visibles étaient des musiciens de rues. On en voyait surtout à Paris, mais après l’expulsion des jeunes artistes ambulants pendant l’Exposition universelle de 1867 et l’éclatement de la guerre franco-allemande, ils allèrent dans d’autres villes européennes ou américaines, notamment à Barcelone et à New York.

Au début des années 1870, Francesco Glionna vivait avec certains de ses frères dans la rue Crosby, dans le périmètre de la Petite Italie de New York, et figurait comme menuisier dans l’annuaire municipal. Dès 1874, il était à Toronto et exerçait les métiers d’ébéniste et de menuisier. À la fin des années 1870 et au début de la décennie suivante, il travailla aussi comme musicien et vendeur d’arachides dans la rue Yonge. On ignore pourquoi exactement les Glionna s’établirent en Ontario, mais leur déménagement semble avoir eu quelque chose à voir avec l’opposition de la ville de New York aux jeunes musiciens ambulants, qui se manifesta surtout en 1873. Le dénommé Giovanni Glionna arrêté cet été-là à New Haven, dans le Connecticut, parce qu’il logeait de tels musiciens était probablement le frère de Francesco, qui apparut à Toronto quelques mois après. D’autres familles d’immigrants de Laurenzana qui s’étaient installés à New York, dont les Lauria, les Branciere, les Lobraico et les Laraia, suivirent les Glionna à Toronto. En 1877, Francesco et Anna Glionna obtinrent la citoyenneté canadienne.

Les Glionna louèrent d’abord des maisons dans la rue Chestnut, où s’étaient établis quelques années plus tôt des artisans génois et leur famille. Surnommée « the Ward », cette partie de la ville (St John’s Ward) était l’une des plus pauvres et des plus surpeuplées de Toronto à la fin du xixe siècle. C’était là surtout que se regroupaient les nouveaux immigrants ; au moment de la Première Guerre mondiale, plus de la moitié des habitants de ce quartier étaient Juifs et environ 15 % étaient Italiens. À la fin des années 1870, Francesco Glionna avait investi dans l’immobilier ; quelques années plus tard, il possédait 11 lots à l’angle des rues Chestnut et Edward. À cette intersection, qui devint le cœur de la première Petite Italie de Toronto, il construisit quelques maisons et, en 1885, le Glionna Hotel, un saloon pour immigrants qui servait probablement aussi d’agence de placement pour les immigrants italiens. Dans les années 1870, les entrepreneurs canadiens, suivant l’exemple de leurs collègues américains, commencèrent à embaucher des immigrants italiens pour des travaux publics, le canal Welland surtout. Ils recouraient à des padroni (agents de placement) italiens pour faire venir des ouvriers d’Italie, et un certain nombre des padroni d’Amérique du Nord venaient de Laurenzana.

La notoriété dont jouissait alors Francesco Glionna dans la communauté italienne venait non seulement du fait qu’il était assez riche (il possédait aussi des terres agricoles dans le canton de Scarborough), mais aussi de sa position de patriarche de la plus nombreuse (plus de 80 membres en 1908) et plus influente famille de cette communauté. Sans nul doute, les Glionna étaient connus pour leurs activités musicales. Francesco fit périodiquement de la musique avant 1885. Son frère Giovanni, artiste ambulant à Paris dans les années 1860, fut vitrier et padrone à New York, mais il reprit le métier de musicien à Toronto. Chacun des frères Glionna eut au moins un fils musicien. Un des fils de Francesco, Donatantonio (Donato) Giuseppe, quelque temps barman à l’hôtel de son père, était musicien ; un autre, Egidio, avait en plus son propre orchestre, l’E. Glionna Sr Brothers and Company, qui pouvait se produire à l’hôtel. Il y avait aussi Vincenzo Glionna, dont la parenté avec Francesco est incertaine ; il avait 15 enfants, tous musiciens, et dirigeait son propre orchestre, le Glionna, Marsicano and Company. En cette époque où Toronto comptait peu de formations musicales, les Glionna participaient à des spectacles, jouaient dans des thés organisés par des familles riches, dans des grands magasins (chez Eaton par exemple), dans des théâtres de vaudeville et dans des églises. Ainsi, en 1895, l’orchestre de Vincenzo exécuta une messe de Dvořák à l’église Our Lady of Lourdes.

Les Glionna de la deuxième génération occupèrent une place importante dans la communauté italienne. Donato y fut l’organisateur du Parti libéral et participa à un certain nombre de projets et regroupements prestigieux. Par exemple, il fonda l’Umberto Primo Benevolent Society en 1888 et en fut le président jusqu’en 1911. Avec son corps pittoresque de bersaglieri (gardes d’honneur), cette société, dont Francesco était membre, était présente à tous les grands rassemblements d’Italiens à Toronto. Au début du xxe siècle, Donato essaya de convaincre l’archevêché catholique de créer une paroisse italienne et offrit un terrain pour la construction d’une église. Dans les années 1920, il forma une deuxième société mutuelle, l’Italian Aid and Protective Society. Le premier médecin et le premier avocat d’origine italienne à Toronto étaient des Glionna – George, petit-fils de Francesco, et Joseph F. ; en outre, deux Glionna furent agents consulaires de l’Italie à Toronto entre 1914 et le début des années 1920.

Francesco Glionna avait cessé de s’occuper de son hôtel vers 1903, mais la famille tint cet établissement jusqu’en 1917, année où elle le ferma et le vendit, probablement à cause de l’instauration de la prohibition l’année précédente. Paroissien d’Our Lady of Mount Carmel, Francesco Glionna mourut d’une pneumonie en 1918, laissant dans le deuil 5 enfants, 45 petits-enfants et 50 arrière-petits-enfants. La famille Glionna conserva son prestige dans la communauté italienne jusque dans l’entre-deux-guerres, mais l’arrivée d’un grand nombre d’immigrants de diverses régions de l’Italie et la montée des mouvements fasciste et antifasciste dans le Toronto italien la marginalisèrent et réduisirent son pouvoir politique.

John E. Zucchi

AN, RG 31, C1, 1901, Toronto, Ward 3, div. 14 : 3 (mfm aux AO).— AO, RG 22-305, n41604 ; RG 80-8-0-343, no 5438 ; RG 80-8-0-654, n8746.— St Michael’s Cemetery (Toronto), Épitaphe de la famille Glionna, lot 102 South St Ellen.— Evening Telegram (Toronto), 10 déc. 1918.— Annuaire, Toronto, 1876–1919.— J. [E.] Zucchi, The Italian immigrants of the St. John’s Ward, 1885–1915 : patterns of settlement and neighbourhood formation (Toronto, 1981) ; Italians in Toronto : development of a national identity, 1875–1935 (Kingston, Ontario, et Montréal, 1988).

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John E. Zucchi, « GLIONNA, FRANCESCO », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/glionna_francesco_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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