GIRARD (Giran, Gyrard), JACQUES (ce prénom n’est pas certain), prêtre et missionnaire, né vers 1712 en Auvergne, France, décédé en janvier 1782, à Jouarre (dép. de Seine-et-Marne, France).
Lorsque l’abbé Jacques Girard est envoyé à Québec au printemps de 1740, les directeurs du séminaire des Missions étrangères de Paris l’annoncent comme « un petit pretre auvergnat dun Caracthere Candide et dune tres grande ferveur ». Arrivé à Québec malade, Girard ne se rétablit que l’année suivante. En 1742, Mgr de Pontbriand [Dubreil*] l’envoie en Acadie en même temps que Jean-Pierre de Miniac et il devient curé de Cobequid (Truro, Nouvelle-Écosse). Comme les autorités britanniques n’acceptent pas que l’évêque de Québec puisse envoyer des missionnaires en Acadie, Paul Mascarene* fait des difficultés pour agréer la nomination de ces deux prêtres.
Au début de la guerre de la Succession d’Autriche, Girard songe à quitter sa mission, mais, se ravisant, il accepte de collaborer avec les armées françaises et se trouve mêlé de près aux campagnes acadiennes de Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay durant l’hiver de 1746–1747. Il lui transmet des renseignements sur les mouvements des troupes anglaises, se charge, avec l’abbé Pierre Maillard*, d’obtenir des vivres pour les membres de son expédition, sert d’agent de liaison entre les divers détachements, et héberge dans son presbytère les soldats français blessés. Au début de 1750, le gouverneur Edward Cornwallis le fait arrêter, avec quatre députés acadiens, pour avoir déconseillé à ses ouailles de prêter un serment inconditionnel d’allégeance au roi d’Angleterre. Girard séjourne trois mois en prison et doit aux supplications des habitants du bassin des Mines, qui adressent une pétition à Cornwallis demandant un prêtre pour venir en aide à Claude-Jean-Baptiste Chauvreulx*, de pouvoir s’installer dans ce territoire. Cependant, il doit lui-même prêter serment et promettre expressément de s’abstenir de prendre parti dans cette question et de retourner dans les limites de son ancienne paroisse. En respectant ainsi sa parole, Girard s’attire, en 1752, les reproches du baron de Longueuil [Le Moyne*], alors gouverneur intérimaire de la Nouvelle-France, qui considère qu’il « auroit pu en toute Sureté de conscience faire usage de Son autorité sur les habitans de Cobequit pour les detourner des Anglais ».
Si l’on en croit l’abbé de l’Isle-Dieu, vicaire général de l’évêque de Québec en France, qui est le seul à mentionner le fait, l’abbé Girard est capturé, au cours de l’année 1751, par les Micmacs qui l’entraînent dans les bois pour un certain temps. Sur l’ordre de l’évêque’ de Québec, il passe à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), au printemps de 1752. En fait, cette décision de l’évêque vient entériner la politique du gouvernement français qui espère attirer sur cette île les Acadiens vivant sous la domination anglaise [V. Claude-Élisabeth Denys* de Bonnaventure]. Girard devient curé de la paroisse Saint-Paul-de-la-Pointe-Prime (Prim Point), où se trouvent justement de nombreux Acadiens de Cobequid. Affligé par la grande misère de ses paroissiens, il demande des secours à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), et décrit le grand dénuement des réfugiés.
Après la chute de Louisbourg en 1758, Girard est embarqué le 20 octobre avec plus de 300 de ses paroissiens sur le Duke William, qui sombre au large des côtes d’Angleterre le 13 décembre suivant. Girard devait plus tard raconter : « L’Équipage S’est Sauvé et ma Sauvé moy même, avec quatre de mes habitans et paroissiens. » Cependant, un récit du xixe siècle laisse entendre que le capitaine a incité le missionnaire à abandonner ses paroissiens, après les avoir exhortés à se soumettre à leur malheureux sort. Après un mois de misères, de difficultés et de privations, Girard arrive en France vers la fin de janvier 1759. Mal accueilli au séminaire des Missions étrangères de Paris où on l’accuse d’avoir quitté sa paroisse sans permission et où on exige une pension pour lui accorder l’hospitalité, il ne doit sa subsistance qu’à des gratifications royales que lui procure l’abbé de l’Isle-Dieu. Ceci l’amène, en 1761, à engager, en compagnie de l’abbé Jean Manach*, un procès contre les directeurs et le supérieur du séminaire. Girard est finalement rayé des cadres de la société après avoir perdu sa cause, le 6 septembre 1764.
En juin 1765, l’abbé de l’Isle-Dieu obtient pour Girard le titre de préfet apostolique des îles Saint-Pierre et Miquelon, mais le navire qui l’y transporte, avec son confrère Manach, fait naufrage et échoue à la Martinique. Girard ne peut rentrer en France qu’en 1766, dans un état de grande faiblesse. L’année suivante, le nouvel évêque de Québec, Jean-Olivier Briand, tente d’obtenir l’autorisation de l’envoyer à l’île Saint-Jean. Comme ce projet ne peut se réaliser, Girard demeure en France et se voit confier alors le poste de chapelain perpétuel de l’abbaye de Jouarre, près de Meaux. En 1774, il refuse de devenir curé de la colonie acadienne du Poitou [V. Jean-Gabriel Berbudeau] et demeure à Jouarre, où il décède « en odeur de sainteté » en janvier 1782.
AAQ, 12 A, C, 222 ; 20 A, I : 106 ;22 A, II :519 ; 11B. III :277 ; 1 W, VII : 101–108, 133–136, 209–226, 229–249, 273–283.— AN, Col., B, 110, ff.60, 119, 243 ; 115, ff.54, 187 ; 117, f.522 ; 120, f.361 ; 122, ff.55, 190 ; 125, f.104 ; C11A, 78, ff.407, 423 ; 82, f.326 ; 98, f.338 ; C11B 29, f.73 ; 33, f.288 ; F3;, 50, ff.639–641 (mfm aux APC).— ASQ, Lettres, M, 98, 99, 115, 117, 118, 121, 122, 122a ; P, 26 ; R, 8, 90 ; S, 7a ; Polygraphie, V : 40 ; VII : 5, 109, 114 ; IX : 29 ; XI : 2, 3, 4 ; Séminaire, 14/6, no 3.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, I : 12–16, 41–46 ; II : 10–75 ; III : 60–80, 181–191.— Les derniers jours de l’Acadie (Du Boscq de Beaumont), 237.— Placide Gaudet, Généalogie des familles acadiennes avec documents, APC Rapport, 1905, II, iiie partie : 375s.— La Rue, Lettres et mémoires, ANQ Rapport, 1935–1936, 301, 317, 346, 382, 390, 408 ; 1936–1937, 401, 423 ; 1937–1938, 184, 203, 214, 219.— N.S. Archives, I, 121–126, 170, 180–185, 188.— H.-R. Casgrain, Les sulpiciens et les prêtres des Missions-Étrangères en Acadie (1676–1762) (Québec, 1897), 365, 374, 404, 406, 408 ; Une seconde Acadie : l’île Saint-Jean – île du Prince-Édouard sous le Régime français (Québec, 1894), 160, 275–278, 302, 307, 360, 362 ; Un pèlerinage au pays d’Évangéline (2e éd., Québec, 1888), 308–311.— Harvey, French régime in P.E.I., 110–200.— J.-W. Pineau, Le clergé français dans l’île du Prince-Édouard, 1721–1821 ([Québec, 1967]), 27–33.— Edouard Richard, Acadie : reconstitution d’un chapitre perdu de l’histoire d’Amérique, Henri D’Arles [M.-J.-H.-A. Beaudé], édit. (3 vol., Québec et Boston, 1916–1921), III : 307–311.— Albert David, Les missionnaires du séminaire du Saint-Esprit à Québec et en Acadie au xviiie siècle, Nova Francia (Paris), I (1925–1926) : 9–14, 52–56, 99–105, 152–159, 200–207.
Micheline D. Johnson, « GIRARD (Giran, Gyrard), JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/girard_jacques_4F.html.
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Auteur de l'article: | Micheline D. Johnson |
Titre de l'article: | GIRARD (Giran, Gyrard), JACQUES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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