GINGRAS, LÉON, prêtre catholique, professeur, administrateur scolaire et auteur, né le 5 août 1808 à Québec, fils de Pierre Gingras, cabaretier, et de Marguerite Gaboury, et frère d’Édouard ; décédé le 18 février 1860 à Paris.

Léon Gingras parcourut le cycle des études classiques au petit séminaire de Québec de 1820 à 1828. Selon le témoignage d’un ami paru dans le journal du séminaire, l’Abeille, il fit de brillantes études, au point que le prix d’excellence lui fut souvent décerné au terme de ses classes. La piété du jeune homme l’orienta vers le sacerdoce et, de 1828 à 1831, il étudia la théologie au grand séminaire de Québec. Il fut ordonné prêtre le 21 août 1831. Son goût pour le travail intellectuel et l’enseignement le retint au séminaire, lui faisant préférer au ministère paroissial la vie studieuse du prêtre enseignant.

Dès le début, Gingras fut affecté à l’enseignement de la classe de versification, mais, en 1832, il se vit confier la charge de professeur de théologie et, en 1833, il fut nommé en outre directeur du grand séminaire, fonctions qu’il remplit jusqu’en 1840. Directeur du petit séminaire et préfet des études de 1840 à 1842, il occupa de nouveau de 1842 à 1844 le poste de directeur du grand séminaire.

Épuisé par le travail et la maladie, Gingras partit pour l’Europe le 18 mai 1844, accompagné d’un ami, peut-être Narcisse Bélanger, réalisant un vœu qu’il avait caressé dès l’éveil de son esprit à la vie intellectuelle : « je commençais à peine mon éducation que déjà mes pensées et mes vœux se portaient vers les diverses contrées où se sont passés les beaux faits de l’histoire ancienne et de l’histoire moderne ». Après une traversée de 34 jours, Gingras et son compagnon s’empressèrent de gagner Paris où Gingras rendit visite à l’un des écrivains dont les livres avaient enthousiasmé sa jeunesse studieuse, François-René de Chateaubriand. Six ans plus tôt, celui-ci avait quitté le pavillon attenant à l’infirmerie Marie-Thérèse, gérée par sa femme et destinée à soigner les prêtres âgés, et s’était installé au 120 de la rue du Bac. C’est là que « l’immortel auteur des Martyrs, suivant les termes mêmes de Gingras, daigna [les] honorer de son accueil ». De Paris, par Lyon et Marseille, en France, et par Milan, Venise, Assise et Rome, en Italie, les deux voyageurs se rendirent en Sicile pour gagner l’île de Malte, puis l’Égypte où ils débarquèrent à Alexandrie.

L’Europe proprement dite n’avait pas retenu longuement l’attention de Gingras : « L’Orient a seul arrêté ma pensée ; seul il l’a exclusivement fixée. » De l’Égypte, s’étant agrégés à une caravane, ils arrivèrent le 25 février 1845 au Sinaï dont l’ecclésiastique québécois fit l’ascension une Bible à la main : « tout dans cette montagne, devait-il écrire, vérifie le récit mosaïque ; pas de préventions, pas de scepticisme capable de tenir en face de tant de traits de vérité ». Poursuivant leur route, les pèlerins atteignirent le 14 mars suivant Jérusalem que le fidèle lecteur de Chateaubriand explora, mettant ses pas dans ceux de l’auteur de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem [...]. Le jour de Pâques, il célébra la messe dans l’église du Saint-Sépulcre : « Ma qualité de Canadien, avec la pensée que j’étais le premier prêtre du Canada à qui il eût été jusqu’alors donné d’offrir les saints mystères dans le tombeau de Jésus-Christ, ne vint pas peu ajouter à l’ardeur déjà si vive de mes impressions. »

De Jérusalem, les voyageurs traversèrent la Galilée (Israël) et se rendirent à Beyrouth (Liban) où ils s’embarquèrent le 3 avril pour Smyrne (Turquie), Istanbul et Athènes. Par l’Autriche, l’Allemagne et la Belgique, ils se rendirent à Liverpool, en Angleterre, pour être finalement de retour à Québec en juillet 1845.

Peu après son retour, Gingras reprit ses fonctions de directeur du grand séminaire, charge qu’il cumula avec celle de professeur de philosophie et de théologie de 1845 à 1849. L’année suivante, il fut nommé membre du conseil de l’évêque de Québec avec, entre autres, son confrère Antoine Parant ; Gingras conserva ce poste jusqu’à sa mort. Il exerça encore une fois les fonctions de directeur du grand séminaire de 1854 à mai 1859, époque où il prit de nouveau le chemin de l’Europe pour refaire sa santé. Mais à Paris la maladie eut définitivement raison de ses forces, et c’est à l’infirmerie Marie-Thérèse que Gingras expira le 18 février 1860. D’abord enterrés dans le cimetière du Montparnasse, ses restes furent ensuite ramenés à Québec et inhumés dans le caveau de la chapelle du séminaire le 28 août 1863.

En 1847, Gingras avait publié en deux volumes à Québec l’Orient ou Voyage en Égypte, en Arabie, en Terre-Sainte, en Turquie et en Grèce. À plus d’un siècle d’intervalle, ses 1 028 pages se lisent encore avec intérêt. Gingras s’était sérieusement documenté, comme on le constate par les auteurs qu’il cite. Outre Chateaubriand, il mentionne à maintes reprises le Pèlerinage à Jérusalem et au mont Sinaï [...], publié à Paris de 1834 à 1836 par le baron-trappiste Ferdinand de Géramb, l’Histoire de Jérusalem [...] de Jean-Joseph-François Poujoulat, ouvrage qui avait paru en 1841 et qui lui fut, comme il le déclare, « de la plus haute utilité », les publications géographiques de Conrad Malte-Brun ainsi que le Voyage en Orient [...] d’Alphonse de Lamartine. À propos du célèbre poète, Gingras déplore que parti chrétien, Lamartine était revenu déiste de son voyage.

Prêtre catholique du Bas-Canada au xixe siècle, Gingras partage nécessairement les préjugés de son temps, de son état et des auteurs sur lesquels il s’appuie de confiance. Il est donc trop facile, à plus de 130 ans de distance, d’écrire comme l’a fait Jean Ouellette dans une analyse de son ouvrage que Gingras, s’il démontre « une assez grande cordialité à l’égard des Juifs et de la religion juive », par contre « fait preuve, en général, d’une grossière intolérance et ne cherche même pas à dissimuler ses sentiments hostiles » « à l’égard des autres groupes ethniques ou religieux qui composaient la société palestinienne de l’époque ». L’auteur de ces lignes empreintes d’un jugement outrancier revient à plus de sérénité et de justice quand il ajoute que le témoignage de Gingras « n’est pas dénué de tout intérêt pour les orientalistes en quête de données vécues expérimentalement dans une région du monde où se croisent aujourd’hui les feux de l’actualité ».

Léon Gingras s’exprime dans une langue généralement correcte. Sa longue fréquentation des meilleurs écrivains français de l’époque confère à son style de l’élégance, de la variété et de la précision. Aussi l’appréciation d’Edmond Lareau* sur « les défauts de style et le laisser à désirer de la forme » que le critique crut avoir décelés dans l’œuvre de Gingras, révèle-t-elle, à coup sûr, un manque évident de sympathie, voire de simple équité.

Philippe Sylvain

Léon Gingras est l’auteur de : l’Orient ou Voyage en Égypte, en Arabie, en Terre-Sainte, en Turquie et en Grèce (2 vol., Québec, 1847).

AAQ, 12 A, K, fo 171 v°.— ANQ-Q, CE1-1, 5 août 1808, 28 août 1863.— ASQ, mss 437 : 225–227.— Le Séminaire de Québec : documents et biographies, Honorius Provost, édit. (Québec, 1964).— L’Abeille, 15, 22 mars 1860.— Allaire, Dictionnaire, 1 : 242.— DOLQ, 1 : 555.— Morgan, Sketches of celebrated Canadians, 411–412.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 3 : 142–144.— Tanguay, Répertoire (1893), 207.— Lareau, Hist. de la littérature canadienne, 168–170.— « Les Disparus », BRH, 36 (1930) : 365.— Jean Ouellette, « la Palestine au xixe siècle vue par un voyageur de Québec », Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Bull. (Ottawa), 19 (déc. 1979) : 15–22.

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Philippe Sylvain, « GINGRAS, LÉON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gingras_leon_8F.html.

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Auteur de l'article:    Philippe Sylvain
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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