GILMOUR, ALLAN, homme d’affaires, officier de milice et amateur d’œuvres d’art, né le 23 août 1816 dans la paroisse de Shotts, Écosse, fils unique de David Gilmour, cultivateur, et d’une prénommée Betty ; décédé célibataire le 25 février 1895 à Ottawa.

Allan Gilmour était le neveu d’Allan Gilmour*, qui s’était joint à John et à Arthur Pollok en 1804 pour former la Pollok, Gilmour and Company. L’entreprise se lança plus tard dans le commerce du bois en Amérique du Nord britannique par l’intermédiaire de membres de la famille qui établirent des bureaux d’achat au Nouveau-Brunswick ainsi qu’à Québec et à Montréal. On ouvrit en 1828 la succursale de Montréal que dirigeait William Ritchie* sous la raison sociale William Ritchie and Company. Il s’agissait d’une entreprise de commerce général qui achetait du bois équarri et des madriers, et qui fournissait des provisions aux camps de bûcherons de la vallée de l’Outaouais.

Allan Gilmour de Shotts (ainsi nommé pour le distinguer de son oncle et d’un autre neveu, Allan Gilmour* de Québec) fit ses études à l’école publique de campagne. En 1832, il fut affecté avec son cousin James à la firme de Ritchie à titre de commis ou de « cadet ». Leur arrivée donna un nouvel élan d’enthousiasme à la compagnie. Elle appliqua une politique dynamique d’achat de bois en envoyant des agents dans les coins reculés du pays afin d’évincer ses concurrents. En 1840, au moment où Ritchie prit sa retraite, les cousins assurèrent la succession et renommèrent la firme Gilmour and Company, bien que l’entreprise conservât des liens étroits avec Gilmour et Pollock de Grande-Bretagne.

Il semble que la compagnie ait acquis, à compter du milieu des années 1840, des propriétés et des terrains à vocation industrielle dans le but de mieux établir sa position dans l’industrie du bois. L’une des étapes initiales de cette stratégie consista à ouvrir une succursale à Bytown (Ottawa) sous la direction de John Porter, qui poursuivit l’achat de bois et la vente de provisions. L’attention des nouveaux propriétaires se porta de plus en plus du côté de la rivière Gatineau lorsque le monopole de coupe qui y existait prit fin en 1843 [V. George Hamilton*]. Au même moment, l’abaissement des droits protecteurs qui favorisaient l’accès du bois en grumes des colonies sur le marché britannique forçait les producteurs à se tourner vers la fabrication de bois de sciage destiné au marché américain. La Gilmour and Company, l’une des rares entreprises de bois équarri à effectuer la transition, s’orienta vers ce nouveau débouché. En 1852, elle construisit des scieries dans la baie de Quinte, à Trenton dans le Haut-Canada, afin de tirer profit des forêts des lacs Kawartha ainsi que des vallées de la Moira et de la haute Madawaska. Elle acquit en 1853 les scieries et les droits de coupe qui appartenaient à Nathaniel Sherrald Blasdell et à Julius Caesar Blasdell, à Chelsea, près de la rivière Gatineau. La même année, Gilmour alla s’établir à Bytown ; il en faisait ainsi le siège social de la firme et réduisait la succursale de Montréal au rang d’agence. Sa compagnie, qui exerçait ses activités surtout à Ottawa, à Hull et dans la vallée de la Gatineau, allait ainsi devenir l’une des plus importantes entreprises de bois en grumes au Canada.

Il semble que Gilmour ait été constamment rongé par l’inquiétude, et qu’il se tenait à l’écart des activités quotidiennes de l’entreprise. Cette réserve le distinguait des autres marchands de bois de l’époque, qui travaillaient souvent côte à côte avec leurs hommes à la scierie ou dans la forêt. Un vieil employé, James Murtagh, décrivit Gilmour comme un « homme d’une grande force de caractère qui avait tendance à se mettre en colère sans raison valable chaque fois qu’un problème surgissait à la scierie. Il parlait rarement aux ouvriers sauf pour les saluer et il n’entretenait aucun rapport avec eux, quoi qu’il arrive. »

Au début, Allan Gilmour avait de bonnes raisons de s’inquiéter. Les affaires n’allaient pas très bien et, en février 1857, son cousin James Gilmour décéda. Toutefois, il engagea la même année un Écossais, John Mather*, qui fut chargé des exploitations forestières et des scieries. En 20 ans, sa direction habile et éclairée devait faire de la compagnie une entreprise d’importance majeure. On équipa les scieries Blasdell de nouvelles scies et on les dota d’autres améliorations technologiques, telle une machine pour alimenter les scies en billes et en retirer les planches et les rebuts. La compagnie fit également l’acquisition de scieries sur les rives des rivières Blanche et de la Petite Nation. En 1860, grâce au traité de réciprocité signé en 1854 avec les États-Unis, la production avait augmenté et les affaires étaient florissantes. À Ironside, près de l’embouchure de la rivière, on aménagea de plus grands terrains d’empilage et de meilleurs quais pour desservir les scieries de la Gatineau ; à Trenton, on transforma les installations en importantes scieries à vapeur.

Si Gilmour s’inquiétait en affaires, il savait aussi comment se détendre. Il adorait les voyages et s’adonnait au tir au fusil, à la pêche et à la navigation de plaisance sur son propre bateau à vapeur, le Cruiser. Longtemps membre de la Long Point Shooting Company, il jouissait de droits de pêche au saumon sur la rivière Godbout (près de Pointe-des-Monts sur la rive nord du Saint-Laurent) et jouait fréquemment au curling (il devint même président de l’Ottawa Curling Club). Gilmour fut major dans la milice au moment de la crise fénienne de 1866, et on lui donna le sobriquet de colonel. Enfin, dans sa riche demeure de l’avenue Vittoria, avec vue sur l’Outaouais, le magnat du bois rassembla l’une des plus belles collections d’œuvres d’art de l’époque au Canada, laquelle comprenait des tableaux de Cornelius Krieghoff*.

En 1873, Gilmour décida de se retirer des affaires afin de goûter les fruits de son labeur et de s’adonner aux activités qu’il préférait par-dessus tout, soit la chasse, la pêche, les voyages, la lecture et la collection d’œuvres d’art. Comme il était célibataire, l’entreprise passa à d’autres membres de la famille engagés dans l’industrie du bois à Québec : John, Allan et David Gilmour, les fils de John Gilmour*, ainsi qu’un cousin, J. D. Gilmour. L’année suivante, Allan Gilmour voyagea en Europe puis en Égypte, où il descendit en bateau la première cataracte du Nil, ainsi qu’en Terre Sainte et en d’autres régions du Moyen-Orient. De retour à Ottawa, il vécut une vie tranquille et raffinée. Il devint un « ami personnel chaleureux et apprécié » du gouverneur général lord Dufferin [Blackwood*] et de lady Dufferin, qu’il accompagna d’ailleurs dans des excursions de pêche. Gilmour lisait des ouvrages qui, sans lui faire abandonner la religion presbytérienne, l’amenèrent néanmoins à élargir les horizons de sa foi et à reconnaître les autres religions et confessions. Il poursuivit son mécénat et, en 1879, avec Edmund Allen Meredith, Sandford Fleming* et d’autres, il fonda l’Art Association d’Ottawa afin de promouvoir la création d’une « Galerie nationale » et d’une école des beaux-arts. Au cours des années 1880, Gilmour fut président et vice-président de l’association. Il mourut paisiblement chez lui le 25 février 1895 ; jamais il n’avait regretté d’avoir tourné le dos au monde des affaires à un âge relativement précoce.

Allan Gilmour laissa une fortune de 1 452 825 $, dont sa collection de 146 œuvres d’art évaluée par un artiste d’Ottawa, Peleg Franklin Brownell, à 11 163 $. Aux termes de son testament, il léguait à ses sœurs en Écosse, à deux anciens employés (son comptable, James Cunningham, et John Mather), ainsi qu’à des œuvres de charité locales des sommes qui totalisaient 265 000 $. Le gros de sa succession, y compris ses placements, sa demeure et sa collection d’œuvres d’art, alla à John Manuel, un ami très proche qui habitait avec lui durant les derniers mois. Il avait été officier dans la compagnie de Gilmour et l’on croit qu’il était le beau-fils de sa sœur Marion.

Robert Peter Gillis

AN, MG 24, I89 (mfm) ; MG 26, B, Gilmour à Mackenzie, 21 déc. 1878 ; MG 28, III 6, 133, 148 ; RG 1, L3, 216A G4/121 ; 217 : 65/21 ; 218 : 66/77 ; 220 : 68/51, 87 ; 301 : L7/11.— AO, RG 22, sér. 354, n2625.— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 13 : 206.— GRO (Édimbourg), Shotts, reg. of births and baptisms, 15 sept. 1816.— [H. G. Hamilton Blackwood, marquise de] Dufferin [et Ava], My Canadian journal, 1872–1878, Gladys Chantler Walker, édit. (Don Mills [Toronto], 1969).— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 4 : 386.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912), 447, 728–729.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— Dominion annual reg., 1880–1881 : 169, 174, 325 ; 1883 : 240 ; 1884 : 208.— G. E. Boyce, Historic Hastings (Belleville, Ontario, 1967).— Gwyn, Private capital.— J. W. Hughson et C. C. J. Bond, Hurling down the pine ; the story of the Wright, Gilmour and Hughson families, timber and lumber manufacturers in the Hull and Ottawa region and on the Gatineau River, 1800–1920 (Old Chelsea, Québec, 1964).— William Leggo, The history of the administration of the […] Earl of Dufferin, [...] late governor general of Canada (Montréal et Toronto, 1878).— A. R. M. Lower, Great Britain’s woodyard : British America and the timber trade, 1763–1867 (Montréal et Londres, 1973).— John Rankin, A history of our firm, being some account of the firm of Pollok, Gilmour and Co. and its offshoots and connections, 1804–1920 (2e éd., Liverpool, Angl., 1921).

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Robert Peter Gillis, « GILMOUR, ALLAN (1816-1895) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gilmour_allan_1816_1895_12F.html.

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Auteur de l'article:    Robert Peter Gillis
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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