GAUDRY, JULIE (baptisée Julie-Marguerite Gaudri), sœur de la charité de l’Hôpital Général de Montréal, née le 22 juin 1831 à Montréal, fille d’Augustin Gaudri, tailleur, et de Marguerite Perrault ; décédée le 18 avril 1910 à Montréal.

De 1837 à 1844, Julie Gaudry séjourne aux États-Unis avec le reste de sa famille, séjour qui lui permet de maîtriser la langue anglaise. Elle revient à Montréal lorsque son oncle, Augustin Perrault, paie le coût de brèves études au pensionnat de la Congrégation de Notre-Dame en 1844, puis chez les Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, à Longueuil, de 1845 à 1847. Elle demande son admission chez les sœurs grises en avril 1849. Après sa profession religieuse, en juin 1851, elle occupe diverses fonctions dans les œuvres des sœurs grises, dont celles de préposée à la salle des préparants (enfants d’âge préscolaire) à l’orphelinat Saint-Patrick la même année, de préposée au service des pauvres à la maison mère en 1852 et de fondatrice, d’hospitalière et de chargée de la « tenue des livres » à l’hospice Saint-Joseph en 1854.

À l’instigation du sulpicien Benjamin-Victor Rousselot*, sœur Gaudry ouvre à Montréal, en septembre 1859, une première salle d’asile attenante à l’hospice Saint-Joseph. C’est là qu’elle met en place le cadre pédagogique et institutionnel des salles d’asile qui deviennent bientôt un service régulier offert par les sœurs grises à la population montréalaise, en particulier à la classe ouvrière. Sœur Gaudry a tenu un journal quotidien de son expérience d’« asilienne » : « Journal de la salle d’asile Saint-Joseph 1859–1902 », important manuscrit de 237 pages rempli d’informations sur le fonctionnement, les objectifs et la vie quotidienne de la salle d’asile, formule primitive des garderies d’aujourd’hui. Habituellement, plus de 200 enfants des deux sexes sont accueillis sur les gradins de la salle d’asile Saint-Joseph, soit parce que leur mère est au travail, soit parce que leur logis est trop exigu. Âgés de deux à sept ans, ils mémorisent divers « numéros », chansons et fables qui leur donnent des notions de religion, de calcul et de géographie, et participent toute la journée à des activités « appropriées aux besoins intellectuels, moraux et physiques des enfants ». On trouve à Montréal en 1900 cinq salles d’asile : Saint-Joseph (1859), Nazareth (1861), Bethléem (1868), Saint-Henri (1885), Sainte-Cunégonde (1889) qui accueillent quotidiennement près de 2 000 enfants. Sœur Gaudry est l’âme dirigeante de cette œuvre, autant pour organiser les bazars et les visites qui la financent que pour diriger les exercices pédagogiques qu’elle décrit si bien dans son journal.

De 1871 à 1877, sœur Gaudry reçoit diverses obédiences au Canada et aux États-Unis, notamment à Lawrence, au Massachusetts, où elle est supérieure d’un orphelinat, le protectorat Marie-Immaculée. En 1878, sous le nom de Sister Margaret, elle entreprend de quêter dans la région de Salem pour résorber l’hypothèque de 47 000 $ contractée par l’orphelinat établi dans cette ville ; l’évêque de Boston lui en a donné l’autorisation. Durant dix années, elle inscrit méticuleusement le résultat de ses quêtes dans un calepin : 45 973,62 $. Au cours de la seule année 1885, elle recueille la somme de 8 141,45 $ ! Elle est réputée pour sa « merveilleuse adresse » et son « pouvoir de parlement ».

De retour à Montréal en 1887, sœur Gaudry travaille à la salle d’asile Saint-Joseph, qu’elle quitte encore entre 1891 et 1894 pour de nouvelles responsabilités au Massachusetts. Elle revient à « sa » salle d’asile en 1894 (elle a 63 ans), où elle continue de diriger les exercices des petits et de tenir son journal. Elle y demeure jusqu’à la démolition de l’immeuble en 1902. En juin 1901, son jubilé d’or avait suscité une fête communautaire rapportée par les journaux de l’époque : sœur Julie Gaudry est, en effet, une personnalité montréalaise. Le fait qu’elle ait accueilli l’archevêque de Montréal, Paul Bruchési*, dans son enfance, à la salle d’asile Saint-Joseph a sans doute contribué à cette notoriété.

Retirée à la maison mère en 1907, Julie Gaudry est invalide. Elle s’éteint le 18 avril 1910 à la suite d’une brève maladie. Après sa mort, l’œuvre des salles d’asile se transforme progressivement : celles-ci deviennent des écoles ou des orphelinats. Les changements économiques qui touchent la métropole ne sont certes pas étrangers à ce mouvement, mais on peut penser que la disparition de la fondatrice y est également pour quelque chose.

Micheline Dumont

ANQ-M, CE1-51, 22 juin 1831.— Arch. des Sœurs Grises (Montréal), Chroniques, II (1881–1883) : 555 ; Fonds de l’Asile Saint-Joseph : historique, registre, Julie Gaudry, « Journal de la salle d’asile Saint-Joseph, 18591902 » ; Fonds de l’Orphelinat de Salem : calepin des quêtes de Julie Gaudry ; Fonds Julie Gaudry : notice nécrologique, extrait de baptême, obédiences, lettre de Mgr Paul Bruchési.— L’Ordre (Montréal), 22 août 1860 : 1.— La Presse, 23 mars 1898, 11 nov. 1899, 1er juill. 1901.— La Semaine religieuse de Montréal, 7 févr. 1891 : 98–99 ; 8 août 1891 I 17–118.— Micheline Dumont, « Des garderies au 19e siècle : les salles d’asile des sœurs grises à Montréal », Maîtresses de maison, maîtresses d’école : femmes, famille et éducation dans l’histoire du Québec, sous la direction de Nadia Fahmy-Eid et Micheline Dumont (Montréal, 1983), 261285.— Journal de l’Instruction publique (Québec et Montréal), 2 (1858) : 184s. ; 3 (1859) : 162s.

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Micheline Dumont, « GAUDRY, JULIE (baptisée Julie-Marguerite Gaudri) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gaudry_julie_13F.html.

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Auteur de l'article:    Micheline Dumont
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    1 décembre 2024