GASKIN, JOHN, capitaine de navires, homme d’affaires, homme politique, et orangiste, né le 3 avril 1840 à Kingston, Haut-Canada, fils de Robert Gaskin et de Margaret Burton ; le 14 avril 1867, il épousa Mary McAlister (décédée en 1875), et ils eurent deux fils et deux filles, puis en 1890, Stella Macdonald, et de ce second mariage naquit une fille ; décédé le 21 mars 1908 à Kingston.
John Gaskin était le fils d’immigrants venus du comté de Tyrone (Irlande du Nord) en 1835 pour s’installer à Kingston. Il fit ses études dans cette ville et, adolescent, y travailla pour un boucher, John Flanigan, orangiste réputé. Il commença à naviguer en 1859 comme matelot de pont sur le vapeur Scotland. Quand il prit le commandement du Ranger, cinq ans plus tard, il était, dit-on, le plus jeune capitaine des Grands Lacs : il n’avait que 24 ans. Pendant les raids féniens, en 1866, il patrouilla le Saint-Laurent et apporta des vivres à la compagnie de milice de Kingston à laquelle il appartenait et qui était alors en service à Prescott. Il recevrait pour cela la Fenian Raid Medal, mais en 1907 seulement.
Au printemps de 1871, Gaskin entra à la Montreal Transportation Company [V. Hugh McLennan*], pour laquelle il travaillerait jusqu’à sa retraite en 1901. Durant deux ans, il fut capitaine du Bruno, dont il était propriétaire avec la compagnie. Puis l’entreprise en fit son directeur à Kingston ; il était chargé de l’affectation des équipages et de la répartition des cargaisons. Sur ses instances, la compagnie installa son chantier naval à Kingston, de sorte qu’il assuma, en plus, la supervision de la construction et de l’entretien des navires de la flotte. Administrateur compétent, Gaskin devint d’autant plus nécessaire à l’entreprise qu’elle prenait de l’expansion. En 1883, elle fusionna avec une autre société montréalaise, la St Lawrence and Chicago Forwarding Company. Elle possédait alors 51 barges, 6 vapeurs, 2 goélettes de lac, 4 élévateurs flottants ainsi que plusieurs quais et entrepôts. Elle comptait plus de 150 employés à Kingston et, à partir de 1885 environ, versait chaque année plus de 100 000 $ en salaires, ce qui en faisait l’un des principaux employeurs de la ville. À un moment donné, elle eut la plus grosse flotte marchande des Grands Lacs.
Étant donné l’envergure de la Montreal Transportation Company, Gaskin avait énormément d’influence à Kingston. En janvier 1875, on l’élut échevin du quartier Victoria ; il conserverait ce siège sept ans. Réputé « consciencieux, efficace et énergique », il devint un habitué des principaux comités du conseil. Toutefois, il n’était pas moins connu pour ses emportements, son langage ordurier et son anticatholicisme. Ces traits le servaient peut-être dans les affaires locales, mais ne plaisaient ni à la population catholique ni à la presse libérale de Kingston, ses ennemis de toujours. En 1882, Gaskin accéda à la mairie. Comme on pouvait s’y attendre, il avait semé la controverse pendant la campagne. Il avait roué de coups un photographe qui lui avait refusé son suffrage, ce qui donna lieu à des querelles sur son aptitude à occuper la fonction de maire. Pendant son année de mandat, il exerça des pressions en faveur du réaménagement du port et des installations ferroviaires de sa ville, et réclama que l’on approfondisse le canal Welland afin que des transporteurs céréaliers de plus fort tonnage puissent livrer leur cargaison à Kingston, où elle serait transbordée. Ces travaux furent réalisés par la suite. Une fois son mandat terminé, il quitta l’administration municipale pour retourner dans les affaires.
Même dans ce domaine, la controverse était une fidèle compagne de Gaskin. En 1883, il arracha au conseil municipal de Kingston la promesse d’une exemption de taxes de dix ans en menaçant de réinstaller la Montreal Transportation Company dans un village voisin, Portsmouth. Gaskin et l’entreprise connurent aussi des conflits de travail. En 1884, il rejeta les revendications salariales du syndicat des pelleteurs et remplaça les grévistes. En 1887, il congédia les employés qui avaient adhéré aux Chevaliers du travail.
La notoriété de Gaskin à Kingston venait aussi de ce qu’il appartint à la direction locale du Parti libéral-conservateur à compter des années 1870 et exerça longtemps des fonctions à la loge d’Orange. Son influence sur le suffrage des débardeurs et des orangistes était telle que les candidats conservateurs ne pouvaient espérer gagner sans son appui. Néanmoins, le parti le trouvait gênant, surtout à cause de ses déclamations en faveur de l’orangisme, de son anticatholicisme et de son agressivité. Il aggravait les dissensions entre conservateurs kingstoniens en se querellant avec George Airey Kirkpatrick*, James Henry Metcalfe et Michael Sullivan au sujet des faveurs à distribuer. Sa colère était à son comble lorsqu’un catholique obtenait un poste du gouvernement, surtout s’il succédait à un protestant. Il fut le président fondateur de la Protestant Protective Society, organisme formé à Kingston en 1879 pour préserver les emplois des protestants.
Dans les années 1880, Gaskin chercha à obtenir de l’avancement pour des membres de sa famille ou des orangistes en écrivant régulièrement à des personnalités du Parti conservateur telles sir Alexander Campbell*, Mackenzie Bowell* et sir John Alexander Macdonald* – ce qui lui valut, de la part du journal libéral Daily British Whig, le sobriquet de « Gaskin l’accapareur ». Lorsqu’on ne donnait pas suite à ses requêtes ou que l’investiture conservatrice dans Kingston lui échappait, ce qui arriva à maintes reprises, il menaçait de quitter le parti en emmenant ses adeptes. D’ordinaire, un appel de Macdonald le ramenait dans le rang avant le scrutin. Il réussit enfin à être candidat conservateur aux élections fédérales de 1904, mais ce fut le libéral William Harty*, député sortant, qui remporta la victoire.
En 1889, Gaskin était retourné à l’hôtel de ville à titre d’échevin du quartier Cataraqui, qu’il allait représenter pendant sept ans. On le reconnaissait alors comme le chef des conservateurs dans l’arène municipale. En 1891, le conseil fut paralysé pendant plusieurs mois parce que les factions réformiste et conservatrice n’arrivaient pas à s’entendre sur le choix des membres des comités. Gaskin quitta le conseil en 1896, en raison de ses affaires, disait-il, mais il y retourna en 1906 et fut échevin jusqu’à sa mort.
Orangiste dès l’âge de 18 ans, Gaskin exerça de nombreuses fonctions dans les instances locales et les instances de comté de l’ordre d’Orange et d’une fraternité orangiste, les ‘Prentice Boys. De plus, il détenait des titres de propriété pour sa loge (n’étant pas constitué juridiquement, l’ordre n’avait pas le droit d’être propriétaire). En 1885, il créa un émoi en attaquant verbalement, en public, l’évêque catholique de Kingston, James Vincent Cleary*, qui avait osé blâmer les orangistes d’essayer de faire de la ville la « Derry du Canada ». Pendant la controverse sur les biens des jésuites, en 1889, Gaskin devint un disciple de D’Alton McCarthy*, député fédéral connu pour son franc-parler, assista au congrès antijésuite qui se tint le 22 avril à Toronto et mit sur pied un comité antijésuite à Kingston. Durant des années, il fêta avec grand bruit le 12 juillet, jour commémoratif de la bataille de la Boyne. Il prononçait un discours devant les orangistes, après quoi on tirait du canon. L’arme avait servi à la défense de Londonderry, en Irlande du Nord, en 1689 et Gaskin la conservait sur la pelouse avant de sa maison.
Actif dans la milice, Gaskin fut président de la Canadian Marine Association, ainsi que de la section kingstonienne de la British Empire Navy League et de l’Irish Protestant Benevolent Society. Il appartint longtemps au conseil des écoles publiques et au Bureau de commerce de Kingston, dont il fut président en 1902. De confession anglicane, il fréquentait l’église St Paul, qu’il représenta souvent au synode du diocèse de l’Ontario. Il avait beaucoup de propriétés à Kingston ; à sa mort, en 1908, il laissait une succession de 47 557 $.
Les funérailles de John Gaskin furent dignes du Kingstonien influent, turbulent et haut en couleur qu’il avait été : 500 orangistes et ‘Prentice Boys, de même que 1 000 citoyens, y assistèrent, et il fallut plusieurs voitures seulement pour les fleurs. Dans les nombreuses fonctions qu’il avait exercées, il n’avait pas été moins dur et imposant que dans son rôle de capitaine à la barre d’un vapeur des Grands Lacs.
On peut voir un portrait de John Gaskin, dévoilé le 18 décembre 1883, à l’hôtel de ville de Kingston, Ontario. Le canon dont il se servit le 12 juillet se trouve maintenant devant l’église presbytérienne St Andrew, à Kingston, et le lion de fer qui flanquait autrefois sa demeure orne le parc Macdonald, dans la ville.
AN, MG 26, A.— AO, F 23, MU 475, G. M. Macdonell à Campbell, 28 févr. 1883 ; RG 22, Ser. 159, n° 527.— QUA, John Gaskin papers.— Daily British Whig, 20 juin 1890, 30–31 déc. 1901, 23–24 mars 1908.— Daily News (Kingston), 13 juill. 1894.— Globe, 4 janv. 1882, 23, 25 mars 1908.— Weekly British Whig (Kingston), 26 mars 1908.— Margaret Cohoe, « Shannon’s cannon », Historic Kingston (Kingston), n° 22 (1974) : 60–63.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— Anne MacDermaid, « Kingston in the eighteen-nineties : a study of urban-rural interaction and change », Historic Kingston, n° 20 (1972) : 37.— Newspaper reference book.— R. A. Preston, « The history of the port of Kingston – part ii », OH, 47 (1955) : 29–31.— W. M. Wilson, « Eleven years of dissension : the Conservative party in Kingston, 1867 to 1878 », Historic Kingston, n° 32 (1984) : 46–56.
Alexander Reford, « GASKIN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gaskin_john_13F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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