GARNEAU, ÉDOUARD-BURROUGHS (baptisé Pierre-François-Édouard-Burroughs), marchand, capitaliste et homme politique, né le 18 janvier 1859 à Québec, fils de Pierre Garneau* et de Charlotte-Louise-Cécile Burroughs ; le 25 octobre 1882, il épousa dans cette ville Laure Braün, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 18 août 1911 à Québec et inhumé le 21 au cimetière Notre-Dame de Belmont, à Sainte-Foy, Québec.

Après des études à l’académie commerciale de Québec, au Quebec High School et au Eastman’s National Business College de Poughkeepsie, dans l’État de New York, Édouard-Burroughs Garneau entreprend, en 1875, son apprentissage des affaires au sein de l’entreprise familiale dirigée par son père, important grossiste de marchandises sèches à Québec. En décembre 1882, il devient, avec son oncle François-Xavier, membre à part entière de l’entreprise, qui prend alors le nom de P. Garneau, Fils et Compagnie. Garneau acquiert graduellement expérience et responsabilité dans la gestion de la firme. À l’accession de son frère Georges* comme associé en 1888, il a déjà parcouru l’Europe, à titre d’acheteur, et visité, à quelques reprises, les Antilles, sans doute comme représentant de la société. Sa principale responsabilité demeure toutefois le développement du marché des provinces Maritimes.

En mai 1894, Garneau est élu président du Bureau de commerce de Québec, ce qui témoigne de sa réputation sur le plan régional ; il occupe ce poste jusqu’en décembre 1895. Durant son mandat, il appuie les différents projets qui visent à moderniser les infrastructures portuaires et à accroître le volume des marchandises transitées et expédiées de cette ville. Il doit cependant composer avec l’ascendant qu’y exercent son père, véritable promoteur de la construction du chemin le Grand Nord, et Richard Reid Dobell*, principal instigateur de l’établissement d’une ligne de steamers transatlantique. Comme la plupart des membres de la jeune relève des entrepreneurs de Québec, il se contente de soutenir les initiatives privées d’une élite d’affaires beaucoup plus expérimentée que lui sans parvenir réellement à en faire partie. Son cercle d’influence se limite au monde du commerce des marchandises sèches et il est encore identifié à la firme paternelle. Il n’en est pas moins élu au conseil d’administration de l’Association des voyageurs de commerce de la Puissance, en décembre 1895. Ce poste d’administrateur, attribué pour la première fois depuis la fondation de l’organisme en 1875 à un membre de la communauté d’affaires de Québec, de même que sa participation, en tant que délégué, à une réunion préparatoire au congrès des chambres de commerce de l’Empire, tenu à Londres en juin 1896, lui ouvrent de nouveaux horizons.

Peu à peu, Garneau se libère de l’emprise paternelle et crée son propre réseau d’alliances et d’influences. Il s’insère graduellement dans le réseau d’affaires de Louis-Joseph et Rodolphe Forget, deux prestigieux financiers et capitalistes montréalais. En 1898, il devient membre du conseil d’administration de la Compagnie de navigation du Richelieu et d’Ontario, qui est présidé par Louis-Joseph Forget. C’est à ce titre qu’il présente en 1900, à la presse québécoise, les plans et devis de construction du manoir Richelieu de Pointe-au-Pic et qu’il participe, l’année suivante, avec les Forget, à l’organisation de la Pointe au Pic Land and Construction Company, société de développement immobilier. L’affiliation de Garneau avec les Forget prend beaucoup plus d’ampleur à partir des années 1900. Il est associé à la plupart des grands projets de l’empire des Forget : la Canada Cement Company, la Canadian Car and Foundry Company, la Dominion Textile Company, la Banque internationale du Canada, la Compagnie du chemin de fer de Québec et du Saguenay et la Quebec Railway, Light, Heat and Power Company. Au sein de ce groupe d’affaires, Garneau n’est ni un décideur ni un promoteur et encore moins un stratège. Il est plutôt un prête-nom utile pour identifier certaines transactions aux intérêts locaux, notamment dans les cas du chemin de fer Québec et Saguenay et de la Quebec Railway, Light, Heat and Power, au conseil d’administration desquels il est nommé.

Le réseau d’affaires de Garneau ne se restreint pas à l’empire des Forget. En remplaçant son père au Conseil législatif, en avril 1904, il se crée de nouvelles relations politiques et commerciales, notamment avec les Montréalais Trefflé Berthiaume, François-Xavier Dupuis et Lawrence Alexander Wilson. Ces derniers sont à l’origine de la fondation de la Quebec Land Company, société de développement immobilier reconnue juridiquement en août 1906 et qui acquiert, en novembre de la même année, un immense domaine foncier dans Limoilou, en banlieue de Québec. Ce trio de spéculateurs a tôt fait d’intéresser un groupe de jeunes capitalistes québécois, auquel se joint Garneau. Une partie du territoire acquis est rapidement arpenté et loti ; les rues et avenues sont subdivisées en carrés rectangulaires qui rappellent le quadrillé des villes américaines. Les promoteurs cherchent à créer un nouveau type d’agglomération urbaine, un « Greater Quebec » comme ils le suggèrent dans leur publicité, en empruntant à la métropole américaine ses formes urbaines et en s’inspirant du projet de développement de Central Park, à New York.

À la suite de l’élection de son frère Georges à la mairie de Québec en 1906, Garneau est nommé président de la société immobilière. Les liens entre les deux frères ne peuvent que servir les intérêts du groupe, d’autant plus que tous les deux favorisent, pour des raisons différentes, l’annexion de Limoilou à la vieille capitale. Même si Édouard-Burroughs obtient en 1908 du conseil municipal de Limoilou des conditions excessivement favorables à la Quebec Land Company – une exemption de taxes d’une dizaine d’années sur 90 % de son domaine foncier constitué de lots non cadastrés – cette petite ville, d’à peine 3 000 habitants, grevée d’une dette de 210 000 $ et dont le revenu annuel ne dépasse guère 10 000 $ ne peut garantir, à long terme, une croissance urbaine suffisamment régulière pour satisfaire les promoteurs immobiliers. Selon les ingénieurs de la ville de Québec, tout le système d’aqueduc de même que les services de voirie, de prévention contre les incendies et le crime doivent être revus et améliorés pour répondre aux exigences d’un développement urbain profitable aux intérêts publics et privés.

La Quebec Land Company ainsi que ses proches rivales, la Compagnie des terrains d’Orsainville et celle chargée de développer le projet résidentiel du domaine Lairet, toutes deux propriétés d’Eugène Leclerc*, un proche du Parti libéral, ont tout intérêt à voir rapidement se concrétiser l’annexion. Élu en 1908 à la mairie de Limoilou, Leclerc prend la responsabilité de convaincre l’électorat des avantages de cette annexion. Garneau et la Quebec Land Company exercent de leur côté une influence discrète auprès du maire et de plusieurs échevins de Québec. Cette concertation permet de vaincre facilement l’opposition, ethniquement divisée et moins bien structurée, qui avait été outrée des avantages financiers octroyés à la Quebec Land Company. Après une campagne publicitaire en faveur de l’annexion, soutenue par le Soleil, le projet devient réalité en décembre 1909 lorsque les conseils municipaux adoptent le règlement d’annexion et que la population de Limoilou l’entérine par voie de scrutin.

Garneau n’a pu voir de son vivant l’éclosion de ce quartier résidentiel de Québec. Décédé en 1911, il est remplacé à la présidence de la Quebec Land Company par Adélard Turgeon*. Son frère Georges lui succède à la direction de la Garneau Limitée, constituée en 1908. À son décès, Garneau laisse un actif qui témoigne de sa réussite financière : quelque 465 000 $, principalement en propriétés immobilières, évaluées à près de 83 000 $, et en valeurs mobilières, estimées à environ 330 000 $, surtout dans les entreprises auxquelles il avait participé.

Édouard-Burroughs Garneau constitue un cas particulier parmi les entrepreneurs de la ville de Québec à la fin du xixe siècle. Associé un certain temps à la jeune relève québécoise, il s’en est nettement démarqué au cours des années 1890. Cette volte-face s’explique par sa perception excessivement fine de l’avenir de Québec au sein de l’économie continentale. Tandis que toute une génération, à laquelle appartenait son père, croyait encore à la relance de l’économie québécoise par sa diversification, Carneau se rendait compte que Québec pouvait difficilement s’approprier une partie du volume du fret continental et encore moins redevenir la plaque tournante qu’elle avait été au milieu du xixe siècle. À brève échéance, les forces du marché devaient obligatoirement converger vers la métropole montréalaise. Ses alliances avec le groupe Forget et sa carrière de promoteur immobilier démontrent, sans l’ombre d’un doute, qu’il avait saisi les nouvelles orientations de l’économie moderne. Peu, à l’époque, ont suivi son exemple au sein de la communauté d’affaires de Québec.

Jean Benoit

AC, Québec, Minutiers, J.-A. Charlebois, 30 nov., 17 déc. 1906, 19 févr. 1907 ; L.-P. Sirois, 27 nov., 13 déc. 1911.— ANQ-Q, CE1-1, 19 janv. 1859, 25 oct. 1882 ; P-90/6/12 ; T11-1/29, n2992 (1883).— Arch. de la ville de Québec, M1-2, secrétaire-trésorier, corr., 8 nov. 1909 ; QP1-4, Quebec Land Company.— Arch. d’Hydro-Québec (Montréal), Quebec and Saguenay Railway, livre des minutes, 22 janv. 1910 ; Quebec Railway, Light, Heat and Power, livre des minutes, 12 mars 1910.— L’Électeur (Québec), 16 juin 1894.— La Semaine commerciale (Québec), 14 déc. 1894, 20 sept., 31 oct., 13, 20 déc. 1895, 10 avril 1896, 11 févr. 1898, 2 mars 1900, 11 janv., 22 mars 1901.— Le Soleil, 18 août 1911.— Réjean Lemoine, « la Bataille des annexions : Limoilou, 1909 », Droit de parole (Québec), 10 (1983), n2 : 8s., 13.— Limoilou à l’heure de la planification urbaine, sous la dit. de Danielle Blanchette (Québec, 1987).— RPQ.

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Jean Benoit, « GARNEAU, ÉDOUARD-BURROUGHS (baptisé Pierre-François-Édouard-Burroughs) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/garneau_edouard_burroughs_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    1 décembre 2024