GARLAND, CHARLES, fonctionnaire, planter, marchand et juge, né en 1730 à Mosquito (Bristol’s Hope, Terre-Neuve), fils de George Garland ; il se maria et eut un fils ; décédé le 8 mars 1810 à Harbour Grace, Terre-Neuve.

Charles Garland était issu de l’une des plus anciennes familles de la baie de la Conception à Terre-Neuve. Dans les années 1670, son grand-père, John Garland, avait résidé à Mosquito, une petite anse située entre Carbonear et Harbour Grace, et il avait mené l’existence typique d’un pêcheur et planter du xviie siècle. George, le père de Charles, avait été sans aucun doute le seul fils de John et était devenu un homme assez remarquable pour être nommé en 1732 l’un des premiers juges de paix à la baie de la Conception. Charles lui-même devint juge de paix en 1755 et exerça cette fonction jusqu’en 1792 ; à ce moment, il obtint également les postes de receveur adjoint des douanes et d’intendant du commerce maritime. En 1799, il devint juge du tribunal de surrogate pour Terre-Neuve avec un traitement annuel de £60 et il occupa cette charge jusqu’à sa mort. Durant la plus grande partie de sa vie publique, Garland tenta aussi de tirer un revenu du commerce et de la pêche.

L’un des premiers officiers de justice à Terre-Neuve, Garland eut à s’acquitter de diverses tâches dans le cadre d’une fonction controversée qu’il exerça au cours d’une période très fortement marquée par l’incertitude, l’instabilité et le changement. Il remplit ses devoirs sous la direction de plusieurs gouverneurs navals, qui n’avaient pas les mêmes vues ni la même façon d’interpréter les lois en vigueur dans l’île. Son autorité fut souvent contestée par les marchands et capitaines de navires marchands britanniques, et parfois sa conduite et son intégrité furent mises en doute. Outre ses fonctions principales, qui étaient de régler les causes criminelles (comportant ivresse et voies de fait) et de servir d’arbitre dans des causes civiles (particulièrement celles qui étaient le résultat de litiges concernant la propriété ou qui comportaient des accusations de non-paiement de dettes entre les marchands et les pêcheurs ou entre les pêcheurs et leurs employés), il lui fallait souvent faire observer les décrets des gouverneurs et fournir des renseignements à ceux-ci. C’est en 1755 qu’il vécut peut-être l’un des moments les plus marquants de sa carrière de magistrat, lorsque le gouverneur Richard Dorrill* lui ordonna d’étudier une plainte selon laquelle, à l’encontre de la loi, un prêtre catholique avait célébré une messe en public à la baie de la Conception. L’enquête préliminaire de Garland établit qu’un prêtre avait dit la messe à Caplin Cove, au nord de Carbonear, mais qu’il était parti pour Harbour Main. En compagnie de l’autre juge de paix de la baie de la Conception, Garland se rendit à Harbour Main où il fit avouer à un dénommé Michael Katem, un planter, qu’un prêtre avait célébré une messe en public dans un de ses entrepôts. Katem fut condamné à une amende de £50, son bâtiment fut démoli, et on lui ordonna de vendre tout ce qu’il possédait à Terre-Neuve avant le 25 novembre. Cette visite à Harbour Main permit également de découvrir un autre sympathisant catholique, un nommé Michael Landrican, qui subit à peu de chose près le même châtiment.

Garland accomplit une action autrement plus méritoire en 1762, en s’occupant d’organiser une résistance à l’invasion de Terre-Neuve par les Français [V. Charles-Henri-Louis d’Arsac* de Ternay]. Il recruta 50 volontaires à la baie de la Conception pour faire partie de l’expédition qui fut menée par le lieutenant-colonel William Amherst en vue de reprendre St John’s, et il fournit des barques et des petits navires pour aider au débarquement des troupes. Ces initiatives, ainsi que le fait d’avoir ravitaillé la garnison britannique de St John’s après la déroute des Français, lui valurent des éloges officiels et firent l’objet d’un compte rendu dans le London Chronicle, or Universal Evening Post.

Garland se livra, semble-t-il, à la pêche de la morue et au transport des passagers et des provisions, mais apparemment, ce fut surtout la location de graves et d’autres propriétés aux pêcheurs saisonniers et aux planters qui lui permit de faire vivre sa famille. Il possédait et louait des propriétés à Mosquito, à Harbour Grace, à Carbonear et à Devil’s Cove (Job’s Cove), et il revendiquait les droits de fanage et de pacage sur des terres de l’île Little Bell, des îles Harbour Grace et de l’île Carbonear. Une grande partie des conflits qui surgirent au xviiie siècle entre les pêcheurs saisonniers et les colons, et plus particulièrement entre les capitaines de navires anglais et les magistrats locaux, portaient sur la propriété des graves. En 1763, par exemple, les droits de Garland sur deux graves situées à Harbour Grace furent contestés par des capitaines, mais il fut en mesure de prouver à la satisfaction du gouverneur qu’il avait hérité ces deux propriétés de son père. Il semble presque certain que les Garland, comme d’autres colons de Terre-Neuve et des marchands anglais qui installaient des locaux permanents sur l’île, ne pouvaient avoir acquis leurs biens qu’en usurpant et en convertissant en propriétés privées des graves qui servaient auparavant aux pêcheurs saisonniers – et ils étaient aidés dans cette pratique par l’indifférence des gouverneurs ou leur incapacité de faire respecter les lois relatives à la propriété. Le sort voulut qu’à titre de juge Garland dût au moins une fois prendre des mesures pour empêcher l’usurpation d’une grave : en 1755, il ordonna que les bâtiments élevés sur un de ces endroits à Harbour Grace par un marchand de l’île Jersey fussent brûlés pendant que l’homme était retourné chez lui pour l’hiver.

Les relations étroites de Garland avec les gouverneurs furent, semble-t-il, au nombre des principaux atouts qui lui permirent d’obtenir un règlement des litiges de propriété à son avantage, mais il perdit au moins pour un certain temps les bonnes grâces du gouverneur Hugh Palliser*, qui l’interdit de ses fonctions en 1765 pour n’avoir pas réglé un compte chez un marchand du Devon. À la fin de 1762, ce commerçant avait expédié à Garland des marchandises que celui-ci devait vendre au détail, puis il avait affirmé, trois ans plus tard, qu’aucun compte ne lui avait été rendu. L’année suivante, toutefois, Garland réintégra son poste de juge de paix.

On ne sait trop ce que fut au juste l’activité de Garland dans les domaines de la pêche et du commerce, mais il semble bien qu’il était étroitement lié à plusieurs trafiquants et que, pendant les années 1780, il possédait des actions dans un certain nombre de bateaux. En outre, les documents relatifs à la faillite en 1792 de la John Thomey and Company, de Bristol et Harbour Grace, donnent à penser que Garland avait été mêlé au transport, pour le compte de Thomey, de passagers irlandais en direction de Terre-Neuve. Dans les dernières années, et particulièrement de 1792 à sa mort, il pouvait vivre confortablement du traitement qu’il recevait en tant que fonctionnaire des douanes, intendant du commerce maritime et juge du tribunal de surrogate. Il tirait un revenu supplémentaire des biens qu’il louait, mais il avait abandonné son activité dans le commerce et la traite.

Les gens tels que Charles Garland et son père ne furent pas seulement les premiers piliers de l’administration civile à Terre-Neuve : ils servirent aussi d’intermédiaires entre les gouverneurs britanniques et les colons terre-neuviens durant une période où l’île, qui n’avait été qu’une station de pêche britannique, était en voie de devenir une colonie établie. À la naissance de Garland, la baie de la Conception ne comptait que quelques centaines de colons permanents ; elle était dominée par les pêcheurs saisonniers et subissait la loi des « amiraux » de la flotte de pêche. À sa mort, elle constituait le district le plus populeux de Terre-Neuve, avec plus de 5 000 habitants. Les tribunaux et l’administration de la justice en général étaient encore en proie à la confusion et à la discorde, mais au moins les postes et les institutions qui étaient la condition d’un avenir meilleur avaient été créés.

Gordon Handcock

Dorset Record Office, D365.— Hunt, Roope & Co. (Londres), Robert Newman & Co., Newfoundland letterbook, 1844–1850 (mfm aux PANL).— Maritime Hist. Group Arch., Garland, Charles ; Garland, George, name files.— PANL, GN 2/1 ; 2/2 ; P7/A/53.— Supreme Court of Nfld. (St John’s), Registry, administration of Charles Garland estate, granted to Elizabeth Garland, 3 mai 1834.— PRO, CO 1/35 ; 1/38 ; 1/41 ; 1/47 ; 1/55 ; CO 41/7 ; CO 194/4 ; 194/24 ; 194/41 ; CO 199/18 ; CO 324/7.— St Paul’s Anglican Church (Harbour Grace, T.-N.), Reg. of burials (mfm aux PANL).— G.-B., PRO, Calendar of state papers, colonial series, America and West Indies (44 vol. parus, Londres, 1860–  ), 36 : 283, 375–379.— W. G. Handcock, « An historical geography of the origins of English settlement in Newfoundland : a study of the migration process » (thèse de ph.d., Univ. of Birmingham, Angl., 1979), 16–18, 40s.— McLintock, Establishment of constitutional government in Nfld., 59.— Prowse, Hist. of Nfld. (1895), 222, 293s.

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Gordon Handcock, « GARLAND, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/garland_charles_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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