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Frissell, Lewis Varick, réformateur social, explorateur et cinéaste, né le 29 août 1903 à New York, fils de Lewis Fox Frissell et d’Antoinette Wood Montgomery ; décédé célibataire le 15 mars 1931 dans une explosion près des îles Horse, Terre-Neuve.
Lewis Varick Frissell naquit dans une famille fortunée de New York. Son grand-père paternel était l’un des présidents de la Fifth Avenue Bank, et son père, médecin, mena une longue carrière au St Luke’s Hospital et à la Columbia University. Élevé dans un milieu privilégié, Lewis Varick devint un jeune homme athlétique et confiant. Il suivit des cours particuliers à l’Allen-Stevenson School, à New York, et à la Choate School, au Connecticut, puis il entra à la Yale University, à New Haven, à l’automne de 1922. Bel homme, d’une taille de plus de six pieds, il excellait à de multiples activités. Non seulement il pratiquait l’aviron et le water-polo, mais il était aussi membre du Glee Club, de la chorale de l’université et des Whiffenpoofs, un groupe de chant a cappella. Il contribua également aux journaux étudiants News et Literary Magazine.
À l’instar de bon nombre de jeunes hommes de sa condition, Frissell rêvait de partir à l’aventure et souhaitait aussi accomplir quelque chose d’important. Après avoir assisté à une conférence donnée par le médecin et missionnaire Wilfred Thomason Grenfell, il s’était rendu compte qu’il pouvait satisfaire ces deux désirs ; ainsi, de septembre 1921 à avril 1922, il avait travaillé au Labrador à titre de volontaire pour l’International Grenfell Association. Pendant l’hiver, il livrait du matériel médical en traîneau à chiens. À l’université, il fut secrétaire, trésorier et président de la Yale Grenfell Association. Pendant ses vacances estivales, il retourna à Terre-Neuve et au Labrador, où il fit partie de l’équipage du navire-hôpital Strathcona II, contribua à la création d’un système d’approvisionnement en eau à St Anthony et fut l’un des fondateurs de la Yale School, qui ouvrit ses portes en 1926, à North West River. Frissell accompagnait Grenfell dans ses voyages un peu partout aux États-Unis pour recueillir des fonds, et il présentait ses photographies et ses séquences filmées. Grenfell le décrivit comme une personne qui « plaisait naturellement à tout le monde » et ajouta : « Sa taille, sa force et ses réactions à toutes les pulsions de la vie étaient des caractéristiques que j’ai toujours retrouvées chez les gens que j’aime le plus. »
Dans sa jeunesse, Frissell avait fait des films sur son milieu et il manifestait une aptitude à illustrer la vie et le travail au quotidien. Cet intérêt fut l’une des raisons pour lesquelles Grenfell l’encouragea à remonter le fleuve Hamilton (Churchill) en canot, périple que Frissell évalua à 300 milles. Il souhaitait non seulement prendre des photos et faire des films qui pourraient être présentés dans des conférences, mais aussi en apprendre davantage sur les possibilités d’exploitation des ressources du Labrador en vue d’améliorer l’économie. Au cours de ce voyage, en 1925, Frissell filma les chutes Grand (Churchill) – il fut le premier à le faire –, explora le « canal inconnu » relevé par le géologue Albert Peter Low*, qu’il nomma rivière Grenfell (Unknown), et découvrit des chutes, qu’il baptisa Yale (Thomas). À partir de ces séquences filmées fut produit un court documentaire intitulé The lure of the Labrador, qui connut un succès modeste en 1925. Il obtint une licence en philosophie l’année suivante. En 1927, il publia le récit de son expédition en eaux intérieures dans le Geographical Journal (Londres) et fut nommé à la Royal Geographical Society. Il travailla pendant six semaines (de février à avril) à bord d’un phoquier à vapeur, sur lequel il filmait lorsqu’il n’était pas en service. Frissell était fasciné par l’aventure de la chasse, mais trouvait qu’il n’y avait « aucun plaisir à tuer des phoques ». Le film The swilin’ racket (intitulé The great Arctic seal hunt à sa sortie l’année suivante), qui durait environ 40 minutes, fut produit à partir de quelque 10 000 pieds de pellicule. Frissell devint membre du conseil d’administration de la Grenfell Association of America en 1928.
Frissell travailla ensuite comme caméraman pour Acoma de Robert Joseph Flaherty* (célèbre pour Nanook of the north, filmé au Canada et lancé en 1922). Tourné en 1928–1929 dans le sud-ouest des États-Unis, ce film combinait des scènes documentaires sur les Amérindiens avec une intrigue dramatique. Il ne fut ni terminé ni diffusé à cause de l’apparition des films sonores à Hollywood et fut par la suite perdu. Frissell séjourna quelque temps au Mexique et vendit en 1929 des séquences de film tournées pendant la guerre des Cristeros (soulèvement populaire contre l’anticléricalisme) à des agences de presse filmée. En 1930, en vue de faire un long métrage sur la chasse au phoque, il créa la Newfoundland-Labrador Film Company, constituée juridiquement au Delaware, avec l’appui d’investisseurs des États-Unis et de Terre-Neuve. Il ne toucha aucun salaire ; il accepta d’être payé sous forme d’actions de la compagnie si le film obtenait du succès. Il commença à tourner en février 1930 après avoir conclu un contrat de distribution avec l’entreprise Paramount Pictures. Celle-ci insista pour que Frissell embauche un réalisateur et un scénariste d’expérience afin d’accentuer le côté romanesque du film. Garnett Weston rédigea un scénario mélodramatique centré sur deux hommes amoureux de la même femme. Le réalisateur était George Melford ; parmi les acteurs non professionnels, le plus important était le capitaine Robert Abram Bartlett*, qui tenait le rôle du commandant du navire. Ce film, pour lequel on choisit finalement le titre White thunder, fut l’un des premiers films à synchronisation sonore tournés sur le terrain et le premier au Canada. Les conditions difficiles à bord du navire et sur les glaces rendirent l’exploit de Frissell d’autant plus remarquable. La première représentation, au début de 1931, confirma que la force du film résidait dans les scènes de la réalité fournies par Frissell plutôt que dans l’histoire d’amour maladroite. La Paramount Pictures refusa néanmoins de le distribuer.
Souhaitant tourner d’autres images dans l’espoir de sauver White thunder, Lewis Varick Frissell retint le bateau à vapeur Viking. Sous le commandement du capitaine Abram Kean fils, le navire quitta St John’s le 9 mars. Le voyage fut pénible, et Frissell et son équipe furent qualifiés de « marins de la plus grande valeur » par Clayton Leroy King, l’opérateur radio. Le bateau transportait des explosifs destinés à détruire les embâcles, et Frissell s’inquiétait du manque de précaution de l’équipage. Le 15 mars, pendant qu’il fabriquait un panneau de mise en garde, il donna l’ordre qu’on jette par-dessus bord des fusées éclairantes désuètes et abîmées. Lorsque le maître d’équipage protesta en disant qu’il voulait tenter quelques expériences, Frissell lui répondit : « Si vous jouez avec ça, nous serons tous propulsés aux Enfers avant la levée du jour. » L’homme ramassa les fusées éclairantes et quitta la pièce. Quelques instants plus tard, une explosion qui retentit jusqu’à huit milles de là détruisit la poupe du navire. Frissell fut l’un des 27 hommes qui périrent parmi les 143 personnes à bord. Dans les quelques jours qui suivirent, les survivants, dont certains étaient grièvement blessés, furent recueillis par des navires de secours ou parvinrent à regagner la rive en se déplaçant sur les glaces. Le père de Frissell organisa et finança des recherches aériennes, mais le corps de Lewis Varick Frissell resta introuvable. Tirant profit de la publicité autour de cet événement, un distributeur indépendant, J. D. Williams, lança sans tarder le film tel qu’il était à sa première représentation, mais sous le titre The Viking.
Lewis Varick Frissell est l’auteur de deux articles : « They found the falls that rival Niagara », Canadian Magazine (Toronto), 65, no 9 (septembre 1926) : 6–7, 39–42 et « Explorations in the Grand Falls Region of Labrador », Geog. Journal (Londres), 69 (janvier–juin 1927) : 332–340. Il a réalisé deux films, dont il a également fait la photographie et le montage, The lure of the Labrador (lancé en 1925, puis de nouveau en 1926 sous le titre The lure of Labrador) et The swilin’ racket (1928 ; aussi appelé The great Arctic seal hunt). De plus, Frissell a écrit et produit le film The Viking, lancé après son décès, en 1931.
« Varick Frizzell tells of beauty of giant river », Financial Post (Toronto), 19 oct. 1928 : 15–16.— « Young explorer films seal hunt », New York Times, 29 avril 1928 : X8.— Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.), 2 : 68.— « Feared twenty perished in Viking disaster » : www.ancestraldigs.com/SHIPS/shipVikingPt1.htm (consulté le 11 févr. 2013).— W. [T.] Grenfell, Forty years for Labrador (Boston, 1932).— History of the class of 1926, Yale College [...], O. B. Lord, édit. (New Haven, Conn., 1926).— C. L. King, « Last voyage of the Viking », dans The book of Newfoundland, J. R. Smallwood et al., édit. (6 vol., St John’s, 1937–1975), 1 : 76–85.— Mark Langer, « Flaherty’s Hollywood period : the Crosby version », Wide Angle (Athens, Ohio), 20 (1998) : 38–57.— Tom McSorley, « Search and rescue : restoring Varick Frissell’s The Viking », Take One (Toronto), 13 (juin–septembre 2004), no 46 : 19–22.— Peter Morris, Embattled shadows : a history of Canadian cinema, 1895–1939 (Montréal et Kingston, Ont., 1978).— White thunder, réalisation de Victoria King (film, Toronto, 2002).— Yale Univ., Obituary record of graduates deceased during the year ending July 1, 1931 (New Haven, 1931) : 186–188.
Jeff A. Webb, « FRISSELL, LEWIS VARICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/frissell_lewis_varick_16F.html.
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Auteur de l'article: | Jeff A. Webb |
Titre de l'article: | FRISSELL, LEWIS VARICK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2013 |
Année de la révision: | 2013 |
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