FANNIN, JOHN, cordonnier, fonctionnaire, guide, taxidermiste, naturaliste et conservateur de musée, né le 27 juillet 1837 à Kemptville, Haut-Canada, fils de William Fannin, tailleur, et d’une prénommée Eliza, tous deux d’origine irlandaise ; décédé célibataire le 20 juin 1904 à Victoria.

Tout ce que l’on sait avec certitude des premières années de John Fannin est qu’il appartenait à une famille modeste qui comptait huit enfants en 1851. Au moment de sa mort, on disait qu’il avait enseigné au début de sa vie d’adulte, mais aucun document ne le prouve. Sur les listes de recensement de 1861, il était inscrit comme cordonnier.

En 1862, comme bien des jeunes hommes de son temps, Fannin décida d’aller tenter sa chance dans les régions aurifères de la Colombie- Britannique. En général, on se rendait là-bas par mer, mais lui se joignit à un groupe qui se préparait à y aller par voie de terre. Partis le 23 avril 1862 de Queenston, dans le Haut-Canada, ces hommes, dirigés par Thomas McMicking*, rejoignirent d’autres Overlanders à l’ouest d’Upper Fort Garry (Winnipeg) et arrivèrent au fort Edmonton (Edmonton) le 21 juillet. De là, tous les membres du groupe poursuivirent leur route vers l’ouest. Parvenus à la cache de la Tête-Jaune, en Colombie-Britannique, ils se séparèrent, Fannin allant avec ceux qui remontaient la rivière Thompson-Nord. Ils parvinrent au poste de la rivière Thompson (Kamloops) le 11 octobre 1862 après qu’un de leurs radeaux eut chaviré et que Fannin eut perdu tous ses biens. Le voyage avait été extrêmement éprouvant pour les deux groupes d’Overlanders et avait coûté la vie à plusieurs hommes. Le premier portrait digne de foi de Fannin se dégage des comptes rendus de ce voyage. Il avait dû passer beaucoup de temps dans les régions relativement sauvages que l’on trouvait encore dans l’est du Haut-Canada, car la vie dans les bois n’avait pas de secret pour lui. Doué de beaucoup de force et d’endurance, c’était aussi un excellent tireur.

Pendant huit ans, Fannin fit de la prospection et de l’exploitation minière dans les régions de Cariboo et du fleuve Columbia ; il fit aussi un peu d’élevage dans la région de Kamloops. Puis, comme cette existence nomade ne lui rapportait guère, il quitta l’intérieur de la colonie en 1870 pour ouvrir une cordonnerie à New Westminster. Homme aux multiples talents, il apprit la taxidermie et lança au début de 1873, à Victoria, un périodique humoristique, le Comet, qui disparut presque aussitôt.

À l’époque, la plupart des travaux d’arpentage du gouvernement de la Colombie-Britannique se faisaient en sous-traitance. C’est ainsi que Fannin fut chargé, en 1873, d’évaluer les possibilités que la basse vallée du Fraser offrait en matière d’agriculture, d’exploitation minière et forestière et de peuplement. Paru dans les journaux de l’Assemblée législative de 1873–1874, son rapport se révéla prophétique : une grande partie du développement qu’il y annonçait a eu lieu depuis. En octobre 1874, le gouvernement l’envoya vérifier s’il y avait de l’or et d’autres minéraux à la source du fleuve Stikine. Fannin et son groupe se mirent en route au début de l’hiver, mais ils durent bientôt revenir à leur point de départ, Wrangell, en Alaska. Obstiné, Fannin repartit avec un seul compagnon. À nouveau, les éléments se déchaînèrent contre eux, et beaucoup plus durement que la première fois. Lorsqu’on les secourut, ils étaient à bout de résistance et leurs maigres provisions étaient épuisées. Fannin eut la sagesse d’attendre le mois de juin 1875 pour achever sa mission.

Fannin travailla pour le gouvernement jusqu’en 1877, puis reprit la pratique de la cordonnerie, cette fois à Hastings (Vancouver). Ayant résolu de mettre son expérience à profit, il écrivait des articles sur la chasse et la pêche pour Forest and Stream de New York. Ces articles firent de lui un guide de chasse connu et très en demande. Il devint même l’un des premiers guides au Canada à avoir une réputation internationale, et à travailler pour des Européens et des Américains riches et influents. Pour préserver les trophées de ses clients, il transforma une bonne partie de sa cordonnerie en atelier de taxidermie.

Étant donné les idées de l’époque, Fannin aurait dû être confiné pour toujours dans les classes inférieures de la société parce qu’il était cordonnier. Toutefois, dans une rude société pionnière, avoir un métier était tout à fait acceptable. Pour Fannin, c’était une nécessité, car il ne servait de guide ou n’exerçait ses autres activités que sporadiquement. Qu’il ait été nommé maître de poste de l’inlet Burrard (Vancouver) en 1882 et juge de paix du district électoral de New Westminster en 1884 atteste qu’il devenait plus en vue.

Grâce à sa vaste renommée, à ses qualités évidentes de naturaliste et à ses états de service au gouvernement, Fannin devint en août 1886 le premier conservateur du nouveau musée provincial à Victoria qui allait être consacré à l’histoire naturelle et à l’anthropologie. Dès son entrée en fonction, il s’empressa de donner au musée toute sa collection d’oiseaux et d’animaux naturalisés. Ce don constitua l’essentiel de la collection d’objets d’histoire naturelle du musée durant de nombreuses années. En 1891, Fannin publia sa fameuse Check list of British Columbia birds.

Fannin faisait son travail avec enthousiasme. Grâce à lui et à la Natural History Society of British Columbia, à la fondation de laquelle il avait contribué en 1890, le musée prit une telle expansion que, en 1898, l’espace qu’il occupait avait déjà augmenté deux fois. Fannin avait visité de nombreux musées d’Europe et des États-Unis au cours d’une tournée officielle en 1896. Par la suite, la collection était devenue bien plus qu’un regroupement de spécimens naturalisés. En particulier, le musée avait enrichi sa collection en anthropologie.

Malade depuis longtemps, Fannin prit sa retraite en février 1904 et mourut le 20 juin de la même année. On le regretta beaucoup. La chaîne de montagnes Fannin, le lac Fannin et le ruisseau Fannin, tous près de Vancouver, perpétuent sa mémoire. Son nom figura aussi dans le vocable scientifique du mouton mantelé, Ovis fannini, mais on ne reconnaît plus cette désignation comme une espèce en soi ; on croit plutôt que c’est le mouton Dall, Ovis dalli, qui revêt un manteau de couleur différente à certaines périodes.

John Fannin possédait des ressources, une endurance et un courage exceptionnels ; il avait aussi un esprit contemplatif. Malgré la grande activité qu’il avait déployée tant dans le domaine physique qu’intellectuel, tous signalèrent, au moment de sa mort, à quel point il était sociable et dénué de prétention. Ce célibataire avait toujours du temps à consacrer aux enfants ; il allait vers eux, les amusait et les traitait en égaux. Plus que tout, sa gentillesse, son entrain et sa simplicité impressionnaient ceux qui le connaissaient. Aujourd’hui cependant, c’est au Royal British Columbia Museum que son nom reste attaché.

Thomas Ian Benjamin Norris

Nous remercions M. David Spalding, de Pender Island, C.-B., dont les nombreuses références et les encouragements soutenus ont été très utiles.

Le rapport de John Fannin sur la vallée inférieure du Fraser figure dans John Fannin et al., « Reports of exploration of a portion of the New Westminster district, the east coast of Vancouver Island, from Menzies Bay to Fort Rupert, and of the Cassiar district », C.-B., Legislative Assembly, Journals, 1873–1874, « Sessional papers ». Sa publication intitulée Check list of British Columbia birds a paru à Victoria, de même que Game of British Columbia with a list of birds and mammals (1903). Il a rédigé le chapitre sur « The Rocky Mountain goat » dans J. D. Caton et al., The big game of North America [...], G. O. Shields, édit. (Chicago et New York, 1890) et a donné de l’information pour le Catalogue of Canadian birds, with notes on the distribution of the species (Saint-Jean, N.-B., 1887), de Montague Chamberlain*. Fannin a écrit pour diverses revues spécialisées en plus de Forest and Stream ; sa « Preliminary list of the mammals of British Columbia » figure dans le Bull. (Victoria), [n° 1] (1893) : 3–8, de la Natural Hist. Soc. de la Colombie-Britannique.

Les sources de documentation les plus utiles sur la vie de Fannin sont Peter Corley-Smith, White bears and other curiosities [...] : the first 100 years of the Royal British Columbia Museum (Victoria, 1989), et un opuscule tiré de cet ouvrage, John Fannin : first curator, Royal British Columbia Museum, 1837–1904 ([Victoria ?, 1989 ?]). Ces deux publications contiennent plusieurs excellentes photographies de Fannin et de son œuvre. On trouve de l’information sur la famille de Fannin en Ontario dans les recensements conservés aux AN, RG 31, C1, 1851, Oxford Township, Grenville County, [Ontario], dist. 1 : 5, et 1861, Kemptville, [Ontario] : 18. Les notices nécrologiques de Fannin comprennent de nombreux éléments fictifs retransmis inconsciemment par T. W. Paterson, British Columbia : the pioneer years (Langley, C.-B., 1977). Des articles parus dans la presse à des intervalles de moins en moins rapprochés jusque dans les années 1960 présentent ses réalisations et la chronologie de sa vie de façon encore plus fantaisiste. Des deux versions de M. S. Wade, Overlanders of ‘62, la plus utile est la première, éditée par John Hosie et publiée (Victoria, 1931) sous le titre Memoir no 9 des Archives of British Columbia (maintenant les BCARS).  [t. n.]

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Thomas Ian Benjamin Norris, « FANNIN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fannin_john_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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