ENTREMONT, BENONI D’ (il signait DENTREMONT), marin, constructeur de navires, fonctionnaire, juge de paix et officier de milice, né vers 1745 à Pobomcoup (Pubnico, Nouvelle-Écosse), fils de Jacques Mius d’Entremont, baron de Pobomcoup, et de Marguerite Amirault ; en juillet 1783, il épousa Anne-Marguerite Pothier, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 21 février 1841 à Pubnico, à l’âge de 96 ans.

Benoni d’Entremont pouvait s’enorgueillir d’appartenir à la noblesse, car il était un descendant direct de Philippe Mius* d’Entremont, venu de France en Acadie en 1650 ou 1651 et que le gouverneur de la colonie, Charles de Saint-Étienne* de La Tour, avait fait baron de Pobomcoup. La culture de ses ancêtres compta dans la formation de sa personnalité, mais également les dures conditions d’existence qu’il devait affronter dans son hameau, qui n’avait d’ailleurs guère changé depuis le xviie siècle. À l’instar de ses concitoyens, c’était un fervent catholique.

Pour d’Entremont comme pour des milliers d’Acadiens, le milieu du xviiie siècle fut un temps de misères et de déchirements. La lutte franco-anglaise pour la domination de l’Amérique du Nord provoqua en 1755 la déportation de quelque 7 000 Acadiens [V. Charles Lawrence*], dont la plupart furent exilés dans les Treize Colonies. Un an plus tard, à l’âge de 11 ans, d’Entremont vit son village presque rasé par les Anglais ; on le captura avec sa famille puis on le déporta à Marblehead, au Massachusetts.

Pour la majorité des Acadiens exilés dans cette colonie puritaine, la vie était éprouvante, pour ne pas dire plus. Privés de prêtres, séparés de leurs proches et empêchés par la loi de les rechercher, nombre d’entre eux perdirent espoir de regagner leurs terres et de vivre comme auparavant. D’autres, simplement sous l’effet du hasard, bénéficièrent d’un meilleur traitement. Ce fut le cas de certains des habitants de Pobomcoup. La tradition raconte que le père de Benoni rencontra à Boston un marin dont il avait sauvé la vie et le bateau environ 35 ans plus tôt. Pour le remercier, l’homme plaida sa cause auprès du gouverneur William Shirley, de sorte que les d’Entremont reçurent des vivres et des vêtements et purent jouir de plus de liberté que la majorité des exilés. On les autorisa même à construire, avec une famille qui leur était très liée, les Amirault, le bateau qui allait les ramener en Nouvelle-Écosse.

À l’âge de 21 ans, d’Entremont revit donc les rivages de sa terre natale lorsque, le 29 août 1766, sa famille et huit autres arrivèrent à Pubnico. Établi par la suite sur le côté ouest du port, Benoni suivit bientôt les traces de son père, d’abord en se faisant capitaine au long cours. Il transportait des marchandises sur des bâtiments que ses compatriotes ou lui-même avaient construits et devait parfois affronter d’autres dangers que les éléments. Ainsi un corsaire américain captura son navire au retour de Saint-Pierre et Miquelon en 1778, mais il le reprit héroïquement avec l’aide de deux hommes. Il imita aussi son père en devenant un chef de file, d’abord pour ses compatriotes puis pour toute la population du canton d’Argyle, qui comprenait des colons venus de la Nouvelle-Angleterre après la déportation, sur l’invitation de Lawrence, ancien gouverneur de la Nouvelle-Écosse.

Benoni d’Entremont devait peut-être son rôle de chef dans sa communauté à ses antécédents familiaux, au fait qu’il lisait et écrivait aussi bien le français que l’anglais (chose surprenante, il l’avait appris pendant son exil) ou à des qualités personnelles qui inspiraient admiration et respect à son entourage. Il devint un membre important de sa paroisse et l’assistant du curé Jean-Mandé Sigogne, en agissant comme une sorte de délégué des villageois qui avaient des demandes spéciales à formuler à leur pasteur. Les autorités provinciales reconnaissaient aussi son leadership. Après l’adoption, en 1791, d’une loi qui autorisait les Acadiens à occuper des charges publiques, il devint premier trésorier du canton d’Argyle et reçut une commission de juge de paix. De plus, il se montra prêt à défendre sa terre en entrant dans la milice, où il accéda au grade de lieutenant. Un de ses fils, Simon*, servit aussi sa communauté en siégeant à l’Assemblée provinciale.

Neil Boucher

APC, MG 30, C20, 8 : 1803–1804 (mfm au Centre acadien, univ. Sainte-Anne, Pointe-de-l’Église, N.-É.).— Arch. of the Diocese of Yarmouth (Yarmouth, N.-É.), Sainte-Anne-du-Ruisseau, reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 1799–1841 (copies au Centre acadien, univ. Sainte-Anne).— PANS, RG 1, 168 : 434.— Acadian exiles in the colonies, Janet Jehn, compil. (Covington, Ky., 1977).— Bona Arsenault, Histoire et Généalogie des Acadiens (2 vol., Québec, 1965), 1 ; (éd. rév., 6 vol., [Montréal, 1978]), 4.— Edwin Crowell, A history of Barrington Township and vicinity [...] 1604–1870 (Yarmouth, [1923] ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973).— C.-J. d’Entremont, Histoire du Cap-Sable de l’an mil au traité de Paris, 1763 (5 vol., Eunice, La., 1981).— H. L. d’Entremont, The Baronnie de Pombcoup and the Acadians : a history of the ancient « Department of Cape Sable », now known as Yarmouth and Shelburne counties, Nova Scotia (Yarmouth, 1931), 44–45, 51, 53–54, 111–115, 121–122.— Vanguard (Yarmouth), 26 sept. 1973.

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Neil Boucher, « ENTREMONT (Dentremont), BENONI D’ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/entremont_benoni_d_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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