DUSTAN, GEORGE GORDON, entrepreneur, né le 22 décembre 1830 à Glasgow, fils de Peter Dustan et de Christina Pennycuick ; le 4 octobre 1853, il épousa dans cette ville Jane Logan Moffatt, et ils eurent dix enfants ; décédé le 3 octobre 1901 à Dartmouth, Nouvelle-Écosse.
George Gordon Dustan fit ses études à Glasgow. On présume qu’il s’initia au courtage du sucre à Greenock, centre de l’industrie écossaise de raffinage de ce produit. Après avoir dirigé une entreprise à Glasgow, il immigra avec sa femme et ses enfants à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, à l’été de 1863. Dès septembre, il figurait parmi les fondateurs de la New Brunswick Sugar Refining Company (apparemment une société de portefeuille qui exploitait la seule raffinerie de Saint-Jean) et en était administrateur délégué.
En mars 1865, Dustan, nanti d’une lettre de recommandation de Samuel Leonard Tilley*, premier ministre du Nouveau-Brunswick, alla à Halifax rendre visite à Charles Tupper*, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, pour voir si la compagnie néo-brunswickoise pourrait obtenir des concessions qui permettraient à son produit d’affronter la concurrence sur le marché néo-écossais. Apparemment, en discutant avec des marchands de sucre de Halifax, Dustan acquit la conviction que cette ville serait un meilleur endroit pour raffiner du sucre que Saint-Jean. Il décida donc d’y installer la raffinerie à la condition de pouvoir obtenir du gouvernement provincial le même type d’« encouragement » qu’il prétendait avoir eu au Nouveau-Brunswick. Le comité permanent du commerce et des manufactures de la Chambre d’assemblée recommanda d’autoriser Dustan à importer de l’équipement et de la machinerie sans qu’il ait à verser de droits de douane et de lui accorder une remise sur le sucre raffiné en Nouvelle-Écosse. La loi autorisant le raffinage du sucre pour l’exportation ne fut adoptée qu’en mai 1867.
Dustan escomptait vendre son produit à meilleur prix que la plus grosse raffinerie canadienne, celle de John Redpath*, en interceptant du sucre brut à destination de Montréal et en le raffinant à Halifax. L’installation devait être située à Woodside, terrain de 85 acres donnant sur le port, au sud-est de Dartmouth, mais ce terrain était grevé de lourdes charges, et il ne semble pas que Dustan ait pu l’acquérir avant 1870 environ. Il accepta bientôt qu’une nouvelle société, la Halifax Sugar Refining Company Limited, l’achète sous condition. Cette société assuma l’hypothèque et reprit l’actif de la New Brunswick Sugar Refining Company. Dustan reçut environ 8 % des actions de la nouvelle entreprise, et en devint l’un des principaux administrateurs. En 1874, la future raffinerie fut exemptée des taxes locales pour 21 ans. Dustan obtint aussi l’assurance d’un approvisionnement en eau, la permission d’importer de la machinerie sans verser de droits de douane et la promesse qu’un tronçon du chemin de fer Intercolonial se rendrait jusqu’à la raffinerie ou que celle-ci serait reliée au terminus du chemin de fer à Halifax par un traversier à vapeur.
Malgré tout cela, Dustan était dans une position très désavantageuse. Il n’avait pas de capital à investir. Il était arrivé depuis peu à Halifax, et bon nombre d’investisseurs potentiels ne lui faisaient pas confiance parce qu’il n’avait pas fait ses preuves en tant qu’administrateur ou entrepreneur. Bien que Tupper ait vanté en 1878 ses efforts « en faveur du mouvement visant la construction d’une raffinerie de sucre à Dartmouth » et que Tilley, le nouveau ministre fédéral des Finances, l’ait consulté sur la révision du tarif qui serait imposé sur le sucre raffiné importé, Dustan n’était pas en mesure de lancer la Halifax Sugar Refining Company Limited. Le tarif imposé en vertu de la Politique nationale des conservateurs en 1879 poussa les marchands néo-écossais de sucre à prendre des initiatives. Certains membres du comité provisoire de la compagnie, dont Alfred Gilpin Jones, abandonnèrent l’entreprise pour se joindre à la Nova Scotia Sugar Refinery Limited. Cette société obtint sa charte en 1879 et fut constituée juridiquement en 1880. Dès le printemps de 1881, elle raffinait du sucre à Richmond, dans Halifax.
Après avoir sollicité en vain l’aide de George Alexander Drummond de la Canada Sugar Refining Company Limited de Montréal, Dustan chercha des investisseurs en Grande-Bretagne. À l’automne de 1881, il tenta sans succès d’obtenir la participation de la Blake, Barclay and Company de Greenock, principale entreprise écossaise de conception et de construction de raffineries de sucre, mais les pourparlers échouèrent. L’été suivant, il envoya un émissaire en Angleterre afin d’intéresser des capitalistes au lancement d’une nouvelle société. La Saunders Needham and Company de Liverpool, entreprise qui faisait du commerce avec le Brésil et était « particulièrement désireuse de raffiner du sucre à Halifax », accepta sa proposition. Une banque de Liverpool se mit de la partie et l’on rassembla des capitaux pour construire une raffinerie. Lorsque la deuxième hypothèque de Dustan sur Woodside fit l’objet d’une saisie immobilière en février 1883, la Halifax Sugar Refining Company Limited, réorganisée et refinancée, acheta l’emplacement, l’équipement de l’ancienne usine de Saint-Jean et les matériaux de construction accumulés sur le terrain depuis 15 ans. Dustan était administrateur résidant de la compagnie, qui avait été constituée juridiquement en Angleterre, et son rôle était surtout symbolique. Sa femme, Jane Logan Moffatt, posa la première pierre de l’usine en juillet 1883 et la production était en cours en septembre 1884. Un embranchement de l’Intercolonial se rendait jusqu’à l’usine. En 1885, un wagon de sucre raffiné fut acheminé jusqu’à Victoria par le chemin de fer canadien du Pacifique, qui venait d’être achevé.
Malheureusement pour la raffinerie, les producteurs de sucre raffiné étaient si nombreux vers 1885 que le marché était saturé. La concurrence la plus vive provenait des raffineries du centre du Canada et du nord-est des États-Unis, qui étaient plus grandes et plus efficientes, mais il y avait aussi des rivales dans la région et dans la localité, par exemple la Nova Scotia Sugar Refinery Limited. En outre, la raffinerie produisait trop et était peut-être mal administrée. Au bord de la faillite dès janvier 1886, la Halifax Sugar Refining Company dut bientôt être liquidée. Son actif passa à la Halifax Sugar Refinery Limited, société anglaise de portefeuille mise sur pied par des courtiers en sucre de Glasgow. La raffinerie rouvrit ses portes sous cette nouvelle administration en 1891, mais fut absorbée deux ans plus tard par l’Acadia Sugar Refining Company Limited, entreprise résultant de la fusion de trois compagnies des Maritimes et dont le promoteur était le capitaliste haligonien John Fitzwilliam Stairs. La raffinerie de Woodside brûla en 1912, mais elle fut reconstruite. Elle ferma en 1942, donc en pleine guerre, à cause des pénuries et du rationnement.
La principale autre entreprise dans laquelle Dustan avait des intérêts était l’Edmonton and Saskatchewan Land Company of Canada Limited. Cette société par actions obtint en 1882 une charte fédérale qui l’autorisait à « acheter, ou acquérir autrement, des terres dans les Territoires du Nord-Ouest et ailleurs, [à les] coloniser, [à les] mettre en valeur et [à] les cultiver ». Dustan fut membre du comité provisoire avec William Bain Scarth, Alexander Morris* et d’autres. La compagnie acquit de vastes concessions en vue d’établir des exploitations agricoles ; au moment de la mort de Dustan, elle avait encore des biens résiduels immenses.
N’eût été d’un grave problème auditif, Dustan aurait sans doute cherché à se manifester sur la scène publique. Il se contenta d’agir surtout en coulisse. Des ministres fédéraux influents tels Tilley et Tupper tenaient compte de son avis. D’après un historien de Dartmouth, ce fut en grande partie à cause de ses « pressions insistantes » que les conservateurs soutinrent un projet de tarifs protecteurs élevés au cours de la campagne fédérale de 1878. En outre, la même année, il contribua à la défaite des députés libéraux sortants A. G. Jones et Patrick Power* dans la circonscription de Halifax. Toutefois, il vaut la peine de signaler que Dustan appuya les conservateurs uniquement après que les libéraux, vers 1875, lui eurent refusé des concessions touchant les droits sur le sucre.
En raison de sa surdité extrême, George Gordon Dustan ne put participer autant qu’il l’aurait voulu aux œuvres de son église. Néanmoins, il fut un pilier de l’église presbytérienne St James de Dartmouth : membre du conseil presbytéral durant près de 27 ans, il était le plus ancien conseiller presbytéral au moment de sa mort. Dustan était bien connu à Dartmouth, et le réseau de ses relations d’affaires et de ses relations politiques était si vaste que, dans sa nécrologie, le Herald de Halifax [V. John James Stewart] écrivit qu’il était « l’un des hommes les mieux connus au Canada ». Malgré l’échec de sa carrière d’entrepreneur, il mérite d’être considéré comme le fondateur de l’industrie néo-brunswickoise et néo-écossaise de raffinage du sucre et comme un pionnier de cette industrie au Canada.
La correspondance de George Gordon Dustan avec sir John A. Macdonald*, de 1875 à 1885, et avec sir John S. D. Thompson*, de 1878 à 1884, est conservée dans les papiers de ces derniers aux AN, MG 26, A et D. Sa correspondance avec George Alexander Drummond, 1873–1890, se trouve parmi les papiers Drummond au Redpath Sugar Museum, à Toronto. Ses lettres adressées à Blake, Barclay and Company, de Greenock, en Écosse, d’octobre 1881 à décembre 1883, ont été présentées en preuve par les demandeurs à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, dans Barclay and Blake v. Dustan (1884) (PANS, RG 39, HX, C, 365, file 13824a). Il ne semble rien rester de sa longue correspondance avec sir Samuel Leonard Tilley et sir Charles Tupper. [j. b. c.]
Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, n° 5523.— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, vol. 168, 242, 280, 297–298.— PANS, RG 5, GP, 7, n° 69.— Scottish Record Office (Édimbourg), County indexes of pre-1855 births and marriages, index for Bute, Lanark.— Dartmouth Patriot (Dartmouth, N.-É.), 5 oct. 1901.— Halifax Herald, 5 oct. 1901.— P. R. Blakeley, Glimpses of Halifax, 1867–1900 (Halifax, 1949 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973).— Richard Feltoe, Redpath : the history of a sugar house (Toronto, 1991).— [J. J.] B. Forster, A conjunction of interests : business, politics and tariffs, 1825–1879 (Toronto, 1986) ; « Tariffs and politics : the genesis of the National Policy, 1842–1879 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1982).— M. J. Katzmann, Mrs William Lawson, History of the townships of Dartmouth, Preston and Lawrencetown ; Halifax County, N.S., Harry Piers, édit. (Halifax, 1893 ; réimpr., Belleville, 1972).— J. P. Martin, The story of Dartmouth (Dartmouth, 1957 ; réimpr., 1981).— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1865 ; Statutes, 1867–1883.
Barry Cahill, « DUSTAN, GEORGE GORDON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dustan_george_gordon_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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