DUROCHER, EULALIE (baptisée Mélanie), dite mère Marie-Rose, fondatrice et première supérieure des Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie au Canada, née le 6 octobre 1811 à Saint-Antoine-sur-Richelieu, Bas-Canada, fille d’Olivier Durocher et de Geneviève Durocher ; décédée le 6 octobre 1849 à Longueuil, Bas-Canada.

Eulalie Durocher était la dixième d’une famille de 11 enfants dont 3 moururent en bas âge. Son père, riche cultivateur, avait fait une partie de ses études classiques, et sa mère avait reçu une formation des plus soignées chez les ursulines de Québec. Tous les deux étaient donc en mesure d’assurer à leurs enfants une éducation de qualité. Les frères d’Eulalie, Flavien*, Théophile et Eusèbe, accédèrent à la prêtrise, et l’une de ses sœurs, Séraphine, devint religieuse chez les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame.

Pour sa part, Eulalie ne fréquenta pas l’école de son village ; c’est à la maison que son grand-père paternel, Olivier Durocher, milicien distingué et érudit, se constitua son maître. Toutefois, à la mort de ce dernier en 1821, la fillette entra comme pensionnaire au couvent de Saint-Denis, sur le Richelieu, que tenaient les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. Elle revint à la maison après sa première communion, soit à l’âge de 12 ans, et bénéficia à domicile d’un nouvel enseignement privé sous la direction de l’abbé Jean-Marie-Ignace Archambault, professeur au collège de Saint-Hyacinthe. Désireuse de se consacrer à Dieu dans la vie religieuse, elle entra en 1827 au pensionnat des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Montréal dans l’intention d’y faire par la suite son noviciat, à l’instar de sa sœur Séraphine. Mais après deux années d’études, entrecoupées de longues périodes de repos, elle dut renoncer à son projet de vie religieuse à cause de sa mauvaise santé. Elle réintégra son foyer pour attendre alors l’heure de Dieu.

À la mort de sa mère en 1830, Eulalie recueillit l’héritage maternel et devint l’âme de la famille. Douée d’un tempérament ardent, facilement impérieuse, profondément pieuse, elle exerçait un ascendant particulier sur les personnes qui l’entouraient. Son frère Théophile, curé de la paroisse Saint-Mathieu, à Belœil, réussit à convaincre son père de quitter la ferme ancestrale pour venir s’installer au presbytère de Belœil, dont Eulalie sera du même coup la gouvernante de 1831 à 1843. Dans le va-et-vient de ce presbytère très fréquenté, la vocation d’Eulalie se dessina peu à peu. On y discutait aisément des problèmes de l’heure, autant politiques, éducatifs que religieux. La jeune gouvernante, intéressée, prit conscience du besoin urgent de rendre l’instruction accessible aux enfants des campagnes, les pauvres autant que les riches. En raison de la pénurie d’écoles et de maîtres, la situation était alarmante ; elle se mit alors à rêver d’une communauté religieuse qui pourrait facilement multiplier ses couvents. Aussi en 1841, quand le curé de Longueuil, Louis-Moïse Brassard*, fit appel aux Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie de Marseille, en France, Eulalie s’inscrivit à l’avance, avec son amie Mélodie Dufresne, comme novice de cette congrégation. Cependant, les sœurs de France se désistèrent. L’évêque de Marseille, Mgr Charles-Joseph-Eugène de Mazenod, fondateur des oblats de Marie-Immaculée, conseilla alors à l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget*, d’instaurer, avec les deux femmes désireuses de faire partie du groupe attendu de France, un embryon de communauté religieuse.

Dans l’intervalle, un premier contingent d’oblats, dont faisait partie le père Adrien Telmon, arriva à Montréal. Ce dernier vint à Belœil pour y donner des missions populaires ; il ne tarda pas à reconnaître en Eulalie une éducatrice d’âmes capable de rassembler des émules et de les guider dans les voies spirituelles. Il l’encouragea sans hésiter à fonder une communauté religieuse typiquement canadienne vouée à l’éducation de la jeunesse. Sous la direction des oblats de Marie-Immaculée, les trois premières aspirantes, Eulalie Durocher, Mélodie Dufresne et Henriette Céré, commencèrent à se former à la vie religieuse en octobre 1843. Elles s’installèrent à Longueuil dans un immeuble qui servait d’école et où Henriette Céré était institutrice. Le 28 février 1844, Mgr Bourget présida la célébration de la prise d’habit des trois femmes. Eulalie devint sœur Marie-Rose dans la communauté qui adopta le nom et les constitutions des Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie de Marseille. Le 8 décembre suivant, dans l’église paroissiale, Mgr Bourget reçut les vœux de religion des trois femmes. Sœur Marie-Rose devint alors supérieure, maîtresse des novices et dépositaire.

Les épreuves ne manquèrent pas à mère Marie-Rose. Les démêlés de sa communauté avec l’abbé Charles Chiniquy* ne furent pas les moindres. Celui-ci, qui était entré au noviciat des oblats en 1846, voulut prendre en main la direction pédagogique des écoles qu’avaient établies les Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie. Devant les fins de non-recevoir de la clairvoyante supérieure, il discrédita publiquement la communauté. Malgré les orages, mère Marie-Rose tint bon. Femme d’une exceptionnelle vertu, très unie au Seigneur, éducatrice à nulle autre pareille, elle donna à la communauté une impulsion que le temps n’a pas arrêtée. À son décès, le 6 octobre 1849, le jour de ses 38 ans, la communauté comptait déjà 30 professes, 7 novices, 7 postulantes et 448 élèves réparties dans 4 couvents.

Au lendemain des funérailles, Mgr Bourget disait aux sœurs endeuillées : « Je vous avoue dans toute la sincérité de mon cœur, que j’ai été tout à fait ému en voyant tant de vertus réunies dans une seule âme [...] Je l’ai priée de m’obtenir la même ardeur pour gouverner mon diocèse, qu’elle avait pour vous diriger. » En 1880, Bourget affirmait : « Je l’invoque en mon particulier comme une sainte et j’espère que le Seigneur la glorifiera devant les hommes, en lui faisant décerner par l’Église les honneurs de l’autel. » Ce dernier souhait fut exaucé le dimanche 23 mai 1982, lorsqu’en la place Saint-Pierre de Rome, devant une foule immense, Jean-Paul II proclama bienheureuse Marie-Rose Durocher.

Marguerite Jean

ACAM, 525.105.— ANQ-M, CE1-3, 6 oct. 1811 ; CE1-12, 8 oct. 1840.— M.-C. Daveluy, « Mère Marie-Rose, 1811–1849 », Dix fondatrices canadiennes (Montréal, 1925), 27–31.— P.[-J.-B.] Duchaussois, Rose du Canada ; mère Marie-Rose, fondatrice dé la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (Paris, 1932).— Germaine Duval, Par le chemin du roi une femme est venue ; Marie-Rose Durocher, 1811–1849 (Montréal, 1982).— Marguerite Jean, Évolution des communautés religieuses de femmes au Canada de 1639 à nos jours (Montréal, 1977).— [J.-H. Prétot], Mère Marie-Rose, fondatrice de la Congrégation des SSNoms de Jésus et de Marie au Canada (Montréal, 1895).— Pierre Lambert, « Eulalie Durocher et les filles de Belœil », Soc. d’hist. de Belœil-Mont-Saint-Hilaire, Cahiers (Belœil, Québec), 10 (févr. 1983) : 11–30.— André Lemay, « Mère Marie Rose », Bull. eucharistique (Montréal), 8 (août 1945) : 226–256.

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Marguerite Jean, « DUROCHER, EULALIE (baptisée Mélanie), dite mère Marie-Rose », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/durocher_eulalie_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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