DUNLOP, ALEXANDER FRANCIS, architecte, né le 4 août 1842 à Montréal, fils de Charles John Dunlop, marchand, et de Sophie Fellow ; le 9 juin 1868, il épousa à Montréal Catherine Austin Ekers, et ils adoptèrent une fille ; décédé le 30 avril 1923 au même endroit.

Après avoir étudié à Montréal, plus précisément à la Philips School et à la Montreal Collegiate School, dirigée par Charles Nichols, Alexander Francis Dunlop entreprit son initiation à l’architecture en devenant, selon la tradition de l’époque, apprenti dans un bureau de praticiens. Il travailla ainsi chez les architectes George Browne* et John James Browne*, mais aussi chez l’arpenteur Joseph Rielle, expérience qui, selon Dunlop lui-même, lui serait bénéfique. Il termina sa formation par un séjour à Detroit, chose inhabituelle pour un homme de sa génération. En 1874, il commença à exercer à son compte à Montréal. Sauf pour un court épisode où il fut associé à John Charles Allison Heriot (1893–1895), il dirigea seul son agence jusqu’à sa retraite vers 1913.

Malgré une production circonscrite pour l’essentiel à Montréal et sa région, Dunlop fut à la tête d’un des bureaux canadiens les plus importants pour cette époque de l’histoire de l’architecture, alors perturbée par les importants changements que la société industrielle lui imposa. Dans ce contexte, les architectes durent redéfinir leur statut social dans une perspective professionnelle, afin de maintenir le caractère artistique de leur travail tout en acceptant les contraintes de productivité et d’économie. Les associations leur apparurent alors comme le lieu tout désigné pour débattre de ces questions et défendre leurs intérêts. Dunlop fut particulièrement actif à cet égard. En 1883, il fut nommé membre associé de l’Académie royale des arts du Canada [V. John George Edward Henry Douglas Sutherland Campbell* ; John William Hurrell Watts*]. Il en devint membre académicien en 1890, conseiller en 1892 et vice-président de 1907 à 1913. Entre 1881 et 1912, il participa régulièrement aux expositions organisées par l’institution. En 1890, il figura également parmi les membres fondateurs de l’Association des architectes de la province de Québec, qui visait entre autres à réglementer le droit de pratique de la profession, et appartint au conseil jusqu’en 1893. En 1908, l’Institut d’architecture du Canada fut officiellement créé pour promouvoir la profession d’architecte dans tout le pays. Dunlop en devint le premier président, poste qu’il occupa jusqu’en 1910.

Dans un contexte de plus en plus protectionniste et nationaliste, les deux associations professionnelles permirent aux architectes canadiens de réagir devant un establishment qui avait pendant longtemps favorisé les architectes étasuniens pour les commandes de prestige. Tout en reconnaissant le besoin de faire valoir le talent de ses compatriotes, Dunlop défendit la nécessité d’entretenir de bons rapports avec les Américains. Il dut également venir à bout des craintes de ses confrères quant aux risques de chevauchement des mandats des deux instances.

Soucieux d’améliorer la qualité de l’architecture canadienne, Dunlop fut particulièrement sensible à la question de la formation. Soulignant la pauvreté des bibliothèques et l’absence d’école d’architecture, il plaida en faveur de l’implantation d’un enseignement de la profession à la McGill University et à l’université Laval à Montréal. Il dirigea, avec Edward Maxwell, les cours de dessin offerts par l’Association des architectes de la province de Québec et reçut dans son atelier de nombreux architectes qui figureraient parmi les meilleurs de leur génération : Edward Maxwell, David Robertson Brown, John Melville Miller, Robert Findlay, Kenneth Guscotte Rea, Théodore Daoust et Georges-Alphonse Monette.

L’œuvre de Dunlop – dont Stephen Robinson a recensé quelque 55 réalisations – reste conforme à l’évolution de l’architecture de son temps : après avoir débuté, entre 1880 et 1900, avec les éclats victoriens du xixe siècle, les travaux de Dunlop s’assagirent ensuite peu à peu avec la montée de l’académisme, ce qui explique la grande diversification de son œuvre en matière de construction, de matériaux, de couleurs, de styles et de types d’usage. En 1890, par exemple, l’architecte défendit la mode du néoroman. Ce style, affirmait-il, convenait au climat et à la pierre que l’on retrouvait au pays et pouvait être traité de façon à offrir des décorations sculptées. Toujours selon Dunlop, la pierre devait être préférée au bois et à la brique. L’immeuble qu’il dessina avec Heriot pour la Ekers’ Brewery (1893–1894, actuel Musée Juste pour rire), dirigée par son beau-frère Henry Archer Ekers qui serait élu maire de Montréal en 1906, témoigne de cette vision du style. Avec l’édifice Temple (1889–1890) et l’hôtel Queen’s (1891–1893), grands immeubles d’affaires aujourd’hui démolis dont le traitement éclectique était caractéristique de la fin du xixe siècle, Dunlop devint un des premiers architectes montréalais à utiliser des structures d’acier ; de plus, il y fit preuve de son intérêt pour les nouvelles méthodes de construction mises au point aux États-Unis. En 1909, il réalisa la Sarah Maxwell Memorial School, construite sur l’emplacement de l’Hochelaga School, dont le tragique incendie en 1907 avait fait plusieurs victimes parmi les jeunes élèves. Dès lors, la révision des critères d’incombustibilité et des normes de sécurité incomba à Dunlop, qui fut d’autre part à l’origine de la construction de plusieurs écoles pour le Bureau des commissaires des écoles protestantes de la cité de Montréal.

Deux autres réalisations de Dunlop se démarquèrent plus encore et seraient reconnues comme ses plus remarquables. La première est l’église méthodiste St James (1887–1889), rue Sainte-Catherine, notable pour la qualité du traitement néogothique. Dans le rapport entre l’intérieur et l’extérieur, elle constitue un exemple de trompe-l’œil, jeu souvent goûté au cours de la période victorienne. En effet, le chevet donne l’impression qu’il s’agit d’une église traditionnelle, au plan en croix latine, où la lumière filtrée par les vitraux doit baigner de toutes parts. Il n’en est rien. En fait, suivant les prescriptions de la liturgie méthodiste, l’immeuble est divisé en deux : la partie avant correspond à l’église elle-même, traitée en forme de théâtre, alors que la partie arrière comprend, entre autres, l’école du dimanche. Tout à l’opposé de cet exercice qui se moque avec bonheur des conventions de franchise dans l’art, Dunlop conçut, avec Heriot, un véritable modèle d’application des règles classiques : la maison de Hugh Graham* (devenue ensuite la maison Atholstan à cause du titre de baron qui serait conféré à l’homme d’affaires en 1917), rue Sherbrooke. Le traitement rigoureux et très raffiné des façades contraste avec les débordements frivoles si répandus, à la même période, avec le style Queen Anne ; l’intérieur fut étudié avec autant de sensibilité. L’édifice a été sauvegardé en 1980 par la société Alcan Aluminium Limitée, qui y a installé ses bureaux de direction. Réalisée en 1894–1895, la maison anticipa de quelques années la vogue du renouveau classique et de l’académisme beaux-arts.

Mieux que tout autre projet, la maison Atholstan illustre l’attrait que les modes venues du Sud exerçaient sur Alexander Francis Dunlop. Habile architecte et homme de bon conseil, sachant s’entourer des meilleurs apprentis, Dunlop savait cependant éviter les excès de fantaisie. La retenue et le sens de l’équilibre distinguent, de manière générale, l’œuvre de cet architecte profondément engagé dans la promotion de sa profession.

Jacques Lachapelle

ANQ-M, CE601-S51, 3 sept. 1842 ; S63, 9 juin 1868.— BAC, MG 28, I 126 ; I 239.— Institut royal d’architecture du Canada (Ottawa), Alcide Chaussé, « History of the inception of RAIC » (Ottawa, 1939).— Gazette (Montréal), 1er mai 1923.— Commission des biens culturels du Québec, les Chemins de la mémoire (3 vol., Montréal, 1990–1999), vol. 2 (Monuments et Sites historiques du Québec, 1991).— « Organization of the Province of Quebec Association of Architects », Canadian Architect and Builder (Toronto), 3 (1890) : 112–116.— Guy Pinard, Montréal : son histoire, son architecture (6 vol. parus, Montréal, 1986– ), 1.— Stephen Robinson, « An architect discovered : the work of A. F. Dunlop » (mémoire de m.a., Concordia Univ., Montréal, 1992).

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Jacques Lachapelle, « DUNLOP, ALEXANDER FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dunlop_alexander_francis_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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