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DUMOULIN, SÉVÈRE (baptisé Sévère-Joseph-Nicolas), prêtre catholique, missionnaire et auteur, né le 5 décembre 1793 à Sainte-Anne-de-Bout-de-l’Île (Sainte-Anne-de-Bellevue, Québec), fils de François Dumoulin et de Louise Cressé ; décédé le 27 juillet 1853 à Trois-Rivières, Bas-Canada.
Le père de Sévère Dumoulin est suisse et protestant d’origine, mais il se marie dans la religion catholique à la fille de feu Louis-Pierre Poulin* de Courval Cressé. Héritière du tiers de la seigneurie de Courval, cette dernière en devient la seule propriétaire en 1796, au moment où son frère Pierre-Michel Cressé* lui rétrocède sa part ; les Dumoulin s’installent alors parmi leurs censitaires. Plus tard, ils vont résider à Nicolet où trois de leurs fils étudieront au séminaire de l’endroit : Sévère y suit son cours classique et y fait des études théologiques de 1807 à 1816, Pierre-Benjamin y est élève de 1810 à 1815 et Jean-Emmanuel fréquente l’institution à partir de 1810.
Dumoulin est ordonné prêtre le 23 février 1817 et nommé vicaire à la cathédrale Notre-Dame de Québec ; en 1818, Mgr Joseph-Octave Plessis* l’envoie fonder la mission de la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) en compagnie de l’abbé Joseph-Norbert Provencher. Vivement désirés par lord Selkirk [Douglas*] et la population catholique de cette colonie, les missionnaires reçoivent néanmoins l’ordre de faire de l’évangélisation des Indiens « le premier objet » de leurs travaux.
Dumoulin quitte Québec le 24 avril 1818 et, après avoir passé quelques jours dans sa famille, arrive à Montréal le 8 mai. Retardé par une organisation déficiente et encore plus par des querelles larvées entre la North West Company et la Hudson’s Bay Company, dont lord Selkirk est actionnaire, le « canot apostolique » transportant trois ecclésiastiques – le séminariste William Edge accompagne les deux prêtres – quitte Montréal le 19 mai pour atteindre la Rivière-Rouge le 16 juillet. Débrouillard de nature et « léger de graisse », Dumoulin a facilement supporté les inconvénients et fatigues du long voyage. Il a également eu ses premiers contacts avec les Indiens et déjà s’est imposée à son esprit la certitude, dont il ne déviera guère, que leur conversion serait plus facile « si l’on pouvait venir à bout de les rassembler tous en village ». Ce point de vue va à l’encontre des opinions de Provencher et de Plessis qui croient plutôt que le missionnaire devrait s’adapter au mode de vie des Indiens et, si nécessaire, voyager avec eux pour leur prêcher l’Évangile.
Si Dumoulin doit commencer son travail en exerçant son ministère auprès de la population blanche et métisse de la colonie, il se met aussi à l’étude des langues indiennes. Le 13 septembre 1818, il quitte la colonie avec Edge pour Pembina (Dakota du Nord), dont il fait son lieu de résidence principal. Il y rencontre une importante population indienne, métisse et blanche à cause de la proximité des troupeaux de bisons et, malgré certains obstacles imprévus – deux tentatives d’assassinat par un Indien mécontent, l’arrivée du pasteur protestant John West* en 1820 et le manque de « présents » –, il réussit à créer une chrétienté vigoureuse. Dès son arrivée, Dumoulin ouvre une première école, où Edge dispense l’enseignement et qui comptera bientôt une soixantaine d’élèves ; peu après, il envoie un jeune Canadien français, Legacé, instruire les enfants dans les campements de chasse au bison éloignés du village. Dans une lettre à Plessis datée de février 1819, Provencher l’informe que Legacé, qui passe l’hiver dans les plaines, a encore plus d’élèves qu’Edge. À Pembina, Dumoulin donne au village un caractère sédentaire et permanent grâce à la construction d’un presbytère, d’une école et d’une chapelle, qui ouvrira ses portes en 1821.
À l’été de 1819, Dumoulin fait un voyage apostolique de trois mois qui l’amène au lac à la Pluie (Ontario) et, l’été suivant, il repart pour sept semaines, se rendant jusqu’à la baie d’Hudson. Ces pérégrinations apportent peu de résultats et ne sont, tout comme ses visites dans la paroisse Saint-Boniface qu’a fondée Provencher à la Rivière-Rouge, que des diversions par rapport à son travail dans la mission de Pembina. Jusqu’en juin 1821, Dumoulin note 326 baptêmes, 56 mariages et 31 sépultures, et jubile de pouvoir écrire : « J’ai réussi cette année à faire semer un bon nombre de sauvages qui se sont mis par petits vilages. » Mais déjà, en 1818, l’avenir de la mission de Dumoulin était compromis : un traité, signé la même année avait fixé la frontière entre les États-Unis et le territoire britannique à l’ouest du lac Supérieur et placé Pembina en territoire américain. La mort de Selkirk en 1820 et les instructions qu’avait reçues John Halkett, administrateur de la succession, lui enjoignant d’abandonner Pembina et de ramener les colons à la Rivière-Rouge, obligent Provencher à rappeler Dumoulin en 1823. Déçu de cette décision, Dumoulin demande la permission de retourner au Canada et, malgré la déception de Provencher et de Plessis, il quitte l’Ouest en 1823, regretté de ses néophytes.
De retour au Bas-Canada, Dumoulin reçoit la cure de Saint-François-de-Sales (à Saint-François-de-Montmagny), mais il continue de s’intéresser aux missions qu’il a quittées. Dès 1824, il publie Notice sur les missions de la Rivière-Rouge et du Sault Ste-Marie, dans lequel il soutient la nomination de Provencher comme évêque de Juliopolis et coadjuteur de Plessis pour le Nord-Ouest et répond aux critiques de certains membres du clergé bas-canadien. En même temps, il ouvre une souscription au profit des missions, qui rapporte au delà de £600. En 1837–1838 et en 1840, il met son expérience missionnaire au service de Mgr Joseph Signay* en acceptant d’aller chez les Têtes-de-Boules à Weymontachingue, sur le haut Saint-Maurice.
En octobre 1825, Dumoulin était devenu le neuvième curé de Sainte-Anne, à Yamachiche, et il allait le demeurer jusqu’à sa mort. Son administration est mémorable d’abord par le démembrement de Sainte-Anne, devenue trop populeuse, et la création de deux nouvelles paroisses, soit Saint-Barnabé en 1835 et Saint-Sévère en 1850 ; ensuite par l’élan qu’il donne aux institutions paroissiales : reconstruction de l’église et du presbytère, fondation d’un couvent sous la direction de la Congrégation de Notre-Dame en 1852 et d’une école de garçons confiée aux Frères des écoles chrétiennes en 1853 ; enfin par un nouvel essor donné à la dévotion à sainte Anne.
Pendant l’été de 1853, Sévère Dumoulin se sent malade et quitte sa paroisse pour aller chez son frère Pierre-Benjamin, avocat à Trois-Rivières, où il se place sous les soins d’un médecin de l’endroit ; c’est là qu’il meurt le 27 juillet à l’âge de 59 ans. « Son service fut le plus solennel qui eût été chanté dans l’église d’Yamachiche », note un chroniqueur. Pendant longtemps, ses paroissiens continuèrent à vénérer leur ancien curé comme un saint et à lui attribuer certaines faveurs insignes.
La correspondance de Sévère Dumoulin se trouve, en très grande partie, aux AAQ, sous la cote 330 CN, I–II, et aux Arch. de l’évêché de Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), Paroisses, Sainte-Anne (Yamachiche). La plupart de ses lettres de la Rivière-Rouge, éditées par Grace Lee Nute, ont été publiées dans Documents relating to northwest missions, 1815–1827 (St Paul, Minn., 1942). Les lettres envoyées à Dumoulin sont en majorité copiées aux AAQ, 210 A, IX-XXI.
Sa brochure, Notice sur les missions de la Rivière-Rouge et du Sault Ste-Marie (Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, Québec, 1824), a été réimprimée sous le titre de Notice sur la Rivière-Rouge dans le territoire de la baie d’Hudson (Montréal, 1843). Le texte manuscrit de cette notice, portant le titre d’« Exposé naïf sur la mission de la Rivière-Rouge suivi d’une souscription » et datée du 19 février 1824, est conservé aux ASN, AP-G, L.-É. Bois, D, 14, no 67.
J.-E. Bellemare, Histoire de Nicolet, 1669–1924 (Arthabaska, Québec, 1924).— Napoléon Caron, Histoire de la paroisse d’Yamachiche (précis historique) (Trois-Rivières, 1892).— J.-É. Champagne, les Missions catholiques dans l’Ouest canadien (1818–1875) (Ottawa, 1949).— Georges Dugas, Monseigneur Provencher et les Missions de la Rivière-Rouge (Montréal, 1889).— Marcel Giraud, le Métis canadien ; son rôle dans l’histoire des provinces de l’Ouest (Paris, 1945).— A.-G. Morice, Histoire de l’Église catholique dans l’Ouest canadien, du lac Supérieur au Pacifique (1659–1905) (3 vol., Winnipeg et Montréal, 1912).— J.-A. Pellerin, Yamachiche et son histoire, 1672–1978 ([Trois-Rivières], 1980).— Antoine d’Eschambault, « la Compagnie de la baie d’Hudson et l’Effort missionnaire », SCHÉC Rapport, 12 (1944–1945) : 83–99.— Albert Tessier, « Un curé missionnaire : l’abbé S.-N. Dumoulin (1793–1853) », Cahiers des Dix, 16 (1951) : 117–131.
Nive Voisine, « DUMOULIN, SÉVÈRE (baptisé Sévère-Joseph Nicolas) (1793-1853) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dumoulin_severe_1793_1853_8F.html.
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Auteur de l'article: | Nive Voisine |
Titre de l'article: | DUMOULIN, SÉVÈRE (baptisé Sévère-Joseph Nicolas) (1793-1853) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |