DUCHAÎNE, AMABLE-DANIEL, éducateur, homme de sciences, inventeur et auteur, né le 27 mai 1774 à Yamachiche, Québec, fils de Jean-Baptiste Duchaîne, seigneur, et de Marie Paquin ; décédé le 14 novembre1853 à Montréal.
Amable-Daniel Duchaîne appartenait par son père à la famille Lesieur-Duchêne (Duchaîne) qui avait hérité d’une partie de la seigneurie de Grosbois, près de Trois-Rivières, vers la fin du xviiie siècle. Il fit ses études classiques au collège Saint-Raphaël de 1792 à 1800. L’introduction de l’enseignement des sciences dans cette institution vers la fin du xviiie siècle par les sulpiciens français Claude Rivière, Jean-Baptiste-Jacques Chicoisneau* et Antoine-Jacques Houdet*, arrivés d’Europe à cette époque avec des ouvrages sur la physique, la chimie, les mathématiques, l’électricité et les sciences naturelles, devait renforcer l’inclination de Duchaîne pour ces matières. À sa sortie du collège, il commença sa théologie et fut tonsuré par Mgr Pierre Denaut*, évêque de Québec, le 23 septembre 1800. Il ne fut jamais ordonné prêtre, mais comme il continuait de porter la soutane et le rabat, les gens prirent l’habitude de l’appeler l’abbé Duchaîne. En 1803, le curé de Nicolet, Alexis-Basile Durocher, ouvrit dans sa paroisse une école latine où Duchaîne enseigna de 1804 à 1806 avec Jean-Baptiste Roupe et y poursuivit peut-être ses études théologiques. En 1806, cette école devint un véritable collège classique, mais Duchaîne ne figura pas parmi ses premiers professeurs.
On perd ensuite Duchaîne de vue jusqu’en 1821, année où il rédigea et fit approuver par plusieurs personnes dont il ne dévoila pas les noms un plan d’éducation élémentaire et le prospectus d’une université. Dans ce plan, Duchaîne distingue deux sortes d’éducation : l’éducation commune, destinée aux futurs agriculteurs, artisans et ouvriers, et l’éducation complète, à l’intention de ceux qui se préparent à occuper des charges publiques ou à exercer des professions. L’éducation commune est un cours primaire comprenant l’enseignement du français, de l’anglais, de la religion, de l’histoire sacrée et profane, de la géographie, de l’arithmétique et des sciences. En plus de comporter ces matières, l’éducation complète est un cours classique amputé du latin, sauf pour ceux à qui il serait nécessaire, incluant la jurisprudence et l’étude des lois du pays, et s’étendant à toutes les branches de la philosophie et des sciences dont la longue énumération témoigne de l’érudition de Duchaîne. On doit comprendre qu’il s’agit d’une université. Située dans un village ou à la campagne, cette université ne sera pas un pensionnat, les étudiants étant logés chez les habitants, et les plus dépourvus seront instruits gratuitement. Sous la protection bienveillante du gouvernement qui l’aidera financièrement à ses débuts et sous celle des amis de l’éducation qui seront des souscripteurs, elle sera régie par une corporation composée du directeur, des professeurs, de notables, de prêtres et de ministres des différents cultes, et la tolérance s’appliquera aussi aux professeurs et aux étudiants. À cet égard, cet établissement ressemble à l’école militaire que le capitaine Anthony Gilbert Douglas voulait établir à Trois-Rivières quelques années plus tôt. Mais si la coexistence se révèle impossible entre ces différents éléments, il y aura deux universités, l’une pour les Canadiens français et l’autre pour les Canadiens anglais. Par contraste, ce plan constituait une critique de l’enseignement des collèges et des contraintes physiques, intellectuelles et religieuses que ceux-ci imposaient à leurs élèves.
En 1837, Duchaîne publia sous forme de brochure son plan d’éducation. Cet ouvrage sera vertement dénoncé la même année par un personnage qu’il identifiera comme un instituteur d’origine étrangère, porte-parole d’une coterie cléricale. Il fera paraîtré son plan dans l’Aurore des Canadas en 1841 et dans l’Encyclopédie canadienne en 1843 et, cette année-là, Michel Bibaud aura lui aussi quelques réticences à son sujet.
Entre-temps, au cours des années 1820, Duchaîne aurait enseigné la théologie dans le Haut-Canada, au dire de ses contemporains, et il semble qu’il ait eu des liens avec l’Iona College, à St Raphael (St Raphael West) ; à cette époque, il s’était aussi adonné ex professo aux sciences exactes. Vers 1830, il se trouvait à Montréal où il rencontra Pierre Beaudry, grand fabricant de savon, de perlasse et de chandelles. Le savant fit profiter le fabricant de ses connaissances scientifiques, si bien que ce dernier le logea gratuitement dans deux pièces meublées d’une de ses maisons et, en 1843, lui en assura par testament la jouissance pour le reste de sa vie. Duchaîne y donna des cours privés à des élèves, traduisit ou rédigea des textes sur la grammaire, les belles-lettres, l’histoire, la logique, les mathématiques et la physique. À la même époque, il travailla pour la Minerve, préparant les calculs astronomiques et les éphémérides du calendrier, premier du genre publié en français au Bas-Canada, et, dans la même veine, il rédigea pendant plusieurs années un almanach. En janvier 1832, Duchaîne mit au point un procédé de construction de ponts en bois qui, n’étant appuyés qu’à leurs extrémités, devaient résister à la crue des eaux, à la violence des courants et aux débâcles. Le gouvernement du Bas-Canada lui accorda pour ce procédé des lettres patentes et un droit exclusif qui constituèrent alors probablement une autre source de revenus pour lui.
Toujours en janvier, Mgr Bernard-Claude Panet*, évêque de Québec, informa Mgr Jean-Jacques Lartigue*, évêque auxiliaire de Québec à Montréal, qu’il n’ordonnerait pas Duchaîne prêtre. « Cet abbé est âgé de 58 ans, notait Mgr Panet ; il sera bientôt incapable et ne pourra qu’être à charge aux évêques. » Duchaîne dira plus tard à ce propos : « Si je ne lui [la religion] ai pas rendu des services plus importants, chacun sçait très-bien que ce n’a point été de ma faute, et que c’est parce que l’injustice humaine m’en a empêché. »
En 1837, Duchaîne fit aussi paraître un article sur les paratonnerres et sur la manière de les installer. Publié dans différents journaux, puis dans les Mélanges religieux en 1841, cet article suscita une courte polémique. Se fondant sur les théories de Benjamin Franklin, Duchaîne affirmait que la pointe des paratonnerres soutirait le fluide électrique des nuages. Sous le pseudonyme d’Un ami des sciences, Isaac-Stanislas Lesieur-Désaulniers* répliqua, en s’appuyant sur les travaux de François Arago, que, chargée d’électricité terrestre, la pointe des paratonnerres neutralisait au contraire l’électricité des nuages. Jean-Baptiste Meilleur*, qui s’était lié d’amitié avec Duchaîne, intervint dans le débat, suggérant une autre théorie fondée sur les lois de Newton. Seul vrai physicien parmi les trois hommes, Lesieur-Désaulniers ridiculisa cette hypothèse. Duchaîne riposta : « il n’est pas nécessaire pour être au niveau du siècle, de fronder les théories des siècles passés, d’adopter à la légère, par amour de la nouveauté et par manie, toutes les hypothèses et les théories nouvelles que l’on pourrait imaginer [...] Au reste, il est connu dans tout le pays et dans les pays étrangers mêmes, que j’ai fait beaucoup de découvertes que le siècle n’a pas encore faites ; je suis donc un peu en avant du siècle. » Cet homme, dont le savoir encyclopédique mais superficiel et dépassé éblouissait ses contemporains, ne manquait pas de suffisance.
Amable-Daniel Duchaîne continua d’enseigner avec un indiscutable succès quelques années encore, mais il semble que la maladie l’ait cloîtré dans sa maison vers 1845. Un membre de sa famille, Pierre Duchaîne, faisait ses commissions et lui rendait plusieurs autres services. Duchaîne vivait pauvrement à la fin de sa vie et mourut le 14 novembre 1853, à l’âge de 79 ans, à l’hospice Saint-Joseph des Sœurs de la charité de la Providence. Les registres de la paroisse Notre-Dame de Montréal mentionnent qu’il fut inhumé dans les décombres de la cathédrale Saint-Jacques, détruite lors du grand incendie de 1852. L’inventaire de ses biens après décès révèle qu’il possédait une bibliothèque d’environ 250 volumes, riche en ouvrages sur la théologie, en regard d’une trentaine se rapportant de près ou de loin aux sciences. Son ami Meilleur a dit des textes littéraires de Duchaîne qu’ils étaient « nombreux et diffus ».
Amable-Daniel Duchaîne est l’auteur de : Nouveau Plan d’éducation ou Plan d’établissements littéraires adaptés aux besoins du pays (Montréal, 1837).
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Léon Lortie, « DUCHAÎNE, AMABLE-DANIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/duchaine_amable_daniel_8F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
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