Titre original :  Marie-Sophie-Louise Dubuc (Soeur Saint-Jean-de-la-Croix)

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DUBUC, SOPHIE-LOUISE, dite Saint-Jean de la Croix, sœur de la Congrégation de Notre-Dame, professeure et supérieure générale de la communauté, née le 24 août 1826 à Montréal, fille aînée de Jean (John) Dubuc, apothicaire, et de Sophie Guertin ; décédée le 14 octobre 1908 au même endroit.

Sophie-Louise Dubuc fréquente l’académie de la Visitation à Montréal, dirigée par les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. Son père, qui se joint aux patriotes en 1837, se retrouve en prison, mais réussit à s’enfuir à Boston, où sa famille le rejoint vers 1839. Sophie-Louise y apprend tout au moins l’anglais. En 1849, elle entre au noviciat de la Congrégation de Notre-Dame, à Montréal. Après avoir prononcé ses vœux le 21 août 1851, elle prend le nom de sœur Saint-Jean de la Croix et reçoit sa première obédience au pensionnat de Yamachiche. En 1853, on l’envoie au pensionnat Saint-Roch, à Québec, comme maîtresse d’anglais, fonction qu’elle remplit par la suite à celui de Villa-Maria à Montréal. En 1857, elle se rend à Arichat, en Nouvelle-Écosse, pour fonder la première maison de la congrégation dans les Maritimes. Cette mission difficile accomplie, on la nomme sous-maîtresse des novices de langue anglaise au noviciat en 1859, puis maîtresse d’anglais à Villa-Maria en 1861. En dix ans, elle a convaincu ses supérieures de la variété de ses talents et de la vivacité de son intelligence.

En 1864, sœur Saint-Jean de la Croix commence à assumer une longue série de responsabilités qui la conduiront à tous les échelons de gouvernement de la Congrégation de Notre-Dame. D’abord supérieure à Saint-Roch, elle est à l’origine de la décision prise par la congrégation d’acquérir le domaine Bellevue, propriété de Thomas Gibb, sur les hauteurs de Sainte-Foy, dans le but d’ouvrir le deuxième pensionnat de la congrégation dans la région de Québec. Toutefois, cette intention, qui, selon Mgr Charles-François Baillargeon*, « a causé de vives inquiétudes et de grandes craintes [aux] Communautés vouées à l’éducation », marque le début d’une longue controverse. Malgré tout, sœur Saint-Jean de la Croix tente d’obtenir la permission d’aller de l’avant, en suscitant des pétitions parmi la population et en alléguant que la concurrence redoutée ne pourrait que « donner une nouvelle impulsion » à l’éducation, comme à Montréal. Cependant, en août 1865, la supérieure essuie le refus formel de l’évêque coadjuteur. Cet épisode est typique de la vive concurrence qui oppose entre elles les diverses communautés enseignantes pour le « marché » de l’éducation des filles au xixe siècle, rivalité où les protections épiscopales sont indispensables. Bellevue reste donc provisoirement une maison de vacances. De 1867 à 1869, sœur Saint-Jean de la Croix se charge d’organiser le pensionnat Mont-Sainte-Marie, à Montréal, puis, de retour à Saint-Roch, elle reprend le projet de Bellevue, après que Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau* eut levé, en 1872, l’interdiction d’y construire un pensionnat ; elle finit par mener à bien cette entreprise en décembre 1873. La maladie l’empêche cependant de poursuivre la tâche.

Après un bref supériorat à l’académie Saint-Denis, à Montréal, en 1875, sœur Saint-Jean de la Croix va diriger durant quatre ans la mission de Charlottetown. Devenue assistante générale en 1880, elle collabore au quatrième supériorat de mère Saint-Victor, qui coïncide avec la construction d’une imposante maison mère sur le mont Royal, à Montréal. En 1882, nommée mère vicaire à Québec, elle établit plus fermement la présence de la congrégation dans le diocèse de Québec, en dépit des difficultés qui se poursuivent à Bellevue.

Élue supérieure générale en 1885, mère Saint-Jean de la Croix gère de manière efficace l’expansion constante de la congrégation. Le nombre de religieuses passe de 726 en 1882 à 1 002 en 1890 et celui des élèves, de 10 331 à 15 723. Elle veille à la construction de sept maisons au Québec, trois dans les Maritimes, quatre en Ontario et trois aux États-Unis, ainsi qu’à l’agrandissement ou à la reconstruction de 12 anciennes maisons, sans oublier le chantier permanent de la maison mère de la montagne à Montréal. Le mouvement d’expansion, qui a débuté vers 1850, semble connaître son apogée pendant son généralat. Après 1891, en effet, la congrégation s’orientera plutôt vers la diversification de l’enseignement dans ses pensionnats, le travail dans les écoles publiques et l’approfondissement de la pédagogie. Au chapitre de 1888, au cours de son second mandat, mère Saint-Jean de la Croix procède à l’importante réorganisation de la congrégation en provinces canoniques, terminant ainsi un processus de régionalisation commencé en 1864. Elle préside aussi au transfert, à la maison mère, des restes de la fondatrice, Marguerite Bourgeoys*. En 1889, elle apprend la conclusion heureuse du procès en vue de la béatification de cette dernière et, le 28 juin, elle reçoit le décret officiel de l’approbation pontificale de la règle. Elle fait preuve d’une conception élargie dans son administration en ayant recours autant aux mesures symboliques qu’aux décisions de type organisationnel.

Mère Saint-Jean de la Croix ne néglige pas pour autant le gouvernement interne de la congrégation. À mesure qu’apparaissent les techniques modernes et que « l’esprit du siècle » pénètre dans les maisons, elle multiplie, dans ses lettres circulaires, les interprétations qu’il convient de donner à la règle. Elle se distingue par un attachement scrupuleux aux usages et aux coutumes de la communauté, par exemple en maintenant, en dépit des besoins suscités par l’expansion de la congrégation, l’exigence de deux ans pour la durée du noviciat.

Après son généralat, on confie à mère Saint-Jean de la Croix la direction de petites maisons, notamment celle d’Oka où elle apprend, en 1893, la nouvelle de l’incendie de la maison mère de la montagne. « Priez donc notre bon père Saint-Joseph de [...] suggérer [...] de rebâtir une maison-mère plus simple et modeste que celle que nous avons perdue », écrit-elle alors à une correspondante. En 1894, on lui assigne la délicate mission de libérer la maison de New York de l’ingérence administrative du curé Frédéric Tétrault. Elle accepte, deux ans plus tard, le supériorat de l’académie Saint-Sauveur à Québec, où elle gagne l’affection et l’admiration de tous. Ayant pris sa retraite en 1903, elle passe les dernières années de sa vie à l’infirmerie. Elle meurt le 14 octobre 1908, dans la nouvelle maison mère de la rue Sherbrooke, à Montréal, où elle était déménagée quelques mois plus tôt.

Sœur Saint-Jean de la Croix est certainement une de ces femmes remarquables qui ont pu trouver dans la vie religieuse l’occasion d’exercer de très grandes responsabilités avec un talent hors du commun. Son cas est d’autant plus exceptionnel si l’on considère le caractère très humble de ses origines.

Micheline Dumont

L’incendie de la maison mère de la Congrégation de Notre-Dame en 1893 a détruit les pièces essentielles du généralat de mère Saint-Jean de la Croix.

ANQ-M, CE1-51, 25 août 1826.— Arch. de la Congrégation de Notre-Dame (Montréal), Albums souvenirs ; Annales [reconstituées] de la maison mère, 1885–1891, 1908 ; Annales du pensionnat Bellevue ; Circulaires des supérieures générales, 1 (1864–1903), sect. iv ; Sophie-Louise Dubuc, dite Saint-Jean de la Croix, Dossier.— Marta Danylewycz, Profession : religieuse ; un choix pour les Québécoises (1840–1920), P.-A. Linteau et al., édit., Gérard Boulard, trad. (Montréal, 1988).— [D.-A. Lemire-Marsolais, dite Sainte-Henriette, et] Thérèse Lambert, dite Sainte-Marie-Médiatrice, Histoire de la Congrégation de Notre-Dame (11 vol. en 13 parus, Montréal, 1941–  ), 10, tome 2.

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Micheline Dumont, « DUBUC, SOPHIE-LOUISE, dite Saint-Jean de la Croix », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dubuc_sophie_louise_13F.html.

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Auteur de l'article:    Micheline Dumont
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    1 décembre 2024