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DUBÉ, JOSEPH-EDMOND (baptisé Marc-Edmond), médecin, professeur, auteur, copropriétaire et codirecteur d’une revue médicale, né le 10 mars 1868 dans la paroisse Notre-Dame, à Montréal, fils de Pierre Dubé, menuisier, et d’Henriette Lévèque ; le 1er mai 1894, il épousa au même endroit Marie-Louise Quintal, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 25 novembre 1939 à Montréal.
Après des études classiques au collège Joliette, Joseph-Edmond Dubé entre en 1890 à la faculté de médecine de l’université Laval à Montréal, qui lui délivre un diplôme avec grande distinction en 1894. Pendant deux ans, il poursuit sa formation à l’université de Paris, où il obtient le titre de docteur en médecine en juillet 1896.
De retour à Montréal, Dubé est nommé en 1897 médecin à l’Hôtel-Dieu, chargé de la microbiologie. Il y appuie le médecin Amédée Marien dans l’établissement de la méthode aseptique. En 1898–1899, il assiste Isaïe Cormier, médecin de l’hôpital Notre-Dame, dans la mise en place du premier service médical à la crèche de la Miséricorde. En 1898, il accède au poste de professeur à la faculté de médecine de l’université Laval à Montréal. En 1908, il doit réduire considérablement son activité professionnelle à cause d’un décollement bilatéral de la rétine qui le confine à la maison pendant environ deux années. De 1913 à 1921, il occupe la chaire de phtisiologie, dont il est premier titulaire. Il devient membre du conseil de la faculté en 1921 et le reste jusqu’à sa retraite, qu’il prend officiellement le 29 juillet 1938 avec le titre de professeur émérite.
Très tôt dans sa carrière, Dubé a collaboré à des œuvres médico-sociales. Cet engagement revêt plusieurs formes : lutte contre la mortalité infantile, la tuberculose et l’alcoolisme, et promotion de l’hygiène. C’est d’abord dans le combat contre la mortalité infantile qu’il s’investit. Dans une conférence à la Société médicale de Montréal en décembre 1900, il rappelle les réalisations du professeur Pierre Budin, à Paris, et de l’officier de santé George Washington Goler, à Rochester, dans l’État de New York, et propose de suivre leur exemple en fondant une clinique de consultation pour nourrissons, avec distribution de lait sain, dans un des quartiers populeux de la ville. Avec la collaboration de femmes charitables et de médecins, il croit possible de mettre sur pied ce service qui, ailleurs, obtient de bons résultats. En dépit des préjugés de certains collègues, il est persuadé que les mères peuvent apprendre à donner les soins appropriés à leurs enfants et à les amener voir un médecin en cas de problème. Il profite aussi de cette conférence pour dénoncer le manque d’appui du gouvernement de la province de Québec et du conseil de la ville de Montréal aux œuvres de charité. Avec l’ouverture d’une clinique de consultation, pour les francophones, appartenant au mouvement des Gouttes de lait, le projet se réalise dès l’été suivant. À cause d’un financement insuffisant, la clinique de consultation doit fermer après huit mois de fonctionnement. La relève sera assurée en 1910 par le médecin Séverin Lachapelle*. Dubé participe aux débuts de l’hôpital Sainte-Justine (1907) [V. Irma Le Vasseur*] en devenant le premier président de son bureau médical en 1908–1909.
À l’aube du xxe siècle, Dubé a également entrepris une lutte sans merci contre la tuberculose. Au cours d’une conférence prononcée devant la Société médicale de Montréal en mai 1901, il se range résolument dans le camp de ceux qui considèrent que cette maladie bacillaire se transmet par contagion, et non par hérédité. Il faut, selon lui, communiquer cette vérité au grand public par tous les moyens d’information possibles, notamment par l’école. Dubé préconise la création de dispensaires et de sanatoriums pour les tuberculeux pauvres, de même que la lutte contre l’alcoolisme et les habitations insalubres. Il collabore à la fondation (1902) et aux œuvres de la Montreal League for the Prevention of Turberculosis (connue officieusement en français sous les noms de Ligue anti-tuberculeuse ou Ligue anti-tuberculose de Montréal), dont le but est de vulgariser les moyens de protéger la population contre la contagion et le tuberculeux contre lui-même. L’association ouvre un premier dispensaire en 1904 (qui deviendra le Royal Edward Institute en 1909 [V. Jeffrey Hale Burland*]) et tient une importante exposition à Montréal en 1908.
En 1909, Dubé est membre de la commission royale de la tuberculose, présidée par Emmanuel-Persillier Lachapelle*. Dans son rapport, déposé en 1910, ce dernier recommande entre autres le lancement de campagnes d’éducation populaire et l’établissement de dispensaires, ce à quoi Dubé se consacrera durant tout le reste de sa carrière. Dans l’un de ses nombreux articles (plus d’une centaine) publiés dans l’Union médicale du Canada, Dubé déclarera en 1919 que « la tuberculose étant une maladie sociale, il fallait pour la combattre une organisation médico-sociale, et comme dans toute lutte il faut commencer par arrêter les progrès de l’ennemi, il nous a fallu penser d’abord à prévenir ». Pour lui, la première forme de prévention, la plus indispensable, est l’éducation populaire. Chaque fois que Dubé en a l’occasion, il ne manque pas d’inviter la classe dirigeante à secouer son apathie par rapport à la lutte antituberculeuse.
En 1911, l’Institut Bruchési, premier dispensaire antituberculeux pour les francophones, est fondé avec la participation active de Dubé comme membre du conseil d’administration (il le dirigera de 1936 à 1939) et président du bureau médical. Dubé collabore à la création des camps de santé du dispensaire pour les enfants en contact avec des parents tuberculeux. Par ses relations sociales, son grand esprit de philanthropie et son enthousiasme inlassable, il réussit à obtenir les fonds nécessaires pour les œuvres qu’il accepte de patronner.
Selon Dubé, on ne peut pas combattre efficacement la tuberculose sans s’attaquer en même temps à l’alcoolisme, cet autre fléau qui, a-t-il affirmé dans un article publié le 1er décembre 1910 dans l’Union médicale du Canada, « est la plus grande cause de la tuberculose ». À l’invitation du comité de tempérance de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste [V. Marie Lacoste*], il a prononcé, en 1909 et en 1910, plus d’une centaine de conférences populaires un peu partout dans la province pour expliquer les effets néfastes de l’alcoolisme sur la santé.
Dubé considère que la promotion de l’hygiène comme moyen de prévention des maladies infectieuses passe par la famille et l’école. Ainsi, dans une communication au congrès de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord en 1906, il a énoncé les règles d’hygiène pour les enfants âgés de sept ans et plus. En septembre 1916, dans une conférence prononcée à la réunion de l’Association canadienne pour l’enrayement de la tuberculose, tenue à Québec, il affirme que, pour rattraper le retard en matière de prévention de la tuberculose et des autres maladies infectieuses, il faut enseigner l’hygiène dans les écoles primaires, les collèges et les couvents, les séminaires et les écoles normales, les écoles techniques et les universités.
L’intérêt de Dubé pour la presse médicale, la formation continue des médecins et l’organisation professionnelle s’est manifesté très tôt. En 1900, il devient un des sept copropriétaires et directeurs de l’Union médicale du Canada, fonctions qu’il conservera jusqu’à la fin de sa carrière. Pendant cette même année, il participe activement à la renaissance de la Société médicale de Montréal, qu’il préside en 1902. C’est également en 1902 qu’il compte parmi les fondateurs de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord [V. Michel-Delphis Brochu], dont il est président en 1920–1922 ; il prend la direction du comité d’organisation du congrès de 1922. Durant les années 1934–1935, il assume la présidence de la Société de gastro-entérologie.
Dubé a aussi à cœur la promotion de la profession d’infirmière. C’est ainsi que, comme représentant du conseil de la faculté de médecine auprès du comité de direction, il a participé à la fondation de l’école d’hygiène sociale appliquée de l’université de Montréal en 1925, destinée à former des infirmières-hygiénistes. Dubé est par la suite l’un des membres les plus actifs de la commission des gardes-malades de la faculté de médecine de l’université.
Après la sanction, en 1921, de la Loi établissant le service de l’assistance publique de Québec, qui prévoyait notamment la prise en charge partagée du coût de l’hospitalisation des indigents, les médecins hospitaliers, qui avaient l’habitude de soigner gratuitement les personnes défavorisées dans les salles publiques et les dispensaires, ont commencé à remettre en cause cette situation. Pour appuyer leurs réclamations, ils fondent en 1935 l’Association des médecins des hôpitaux de Montréal qui, sous la présidence d’Albert Le Sage et la vice-présidence de Dubé, s’engage dans une longue lutte pour obtenir le droit à la rémunération. Par ailleurs, remarquant que le réseau hospitalier francophone est insuffisamment développé par rapport à celui de la minorité anglophone, Dubé réclame avec insistance l’intervention des pouvoirs publics pour soutenir l’initiative privée des communautés religieuses et des laïques.
Dubé ne manque pas une occasion de se porter à la défense des malades ou des accidentés, victimes d’abus ou de négligence. Ainsi, déjà en 1906, dans un article publié dans l’Union médicale du Canada, il a constaté que Montréal est devenu un grand centre industriel donnant de l’emploi à des milliers de personnes, ce qui a fatalement conduit à la multiplication des accidents de travail. Il se demande si l’ouvrier travaille dans un milieu sécuritaire et si, en cas de problème, ses employeurs s’occupent bien de lui et offrent une juste compensation. Sa réponse est non. Dubé décrit comment les procès pour dommages intentés par des ouvriers tournent à l’avantage des patrons, parce que ces derniers se paient les meilleurs avocats et médecins experts. Les associations ouvrières pourraient former des « bureaux de défense » qui, affirme-t-il dans le même article, rendraient l’ouvrier plus fort devant les tribunaux.
Joseph-Edmond Dubé s’est distingué tout au long de sa carrière professionnelle par son engagement social. Il a été à la fois un clinicien et un professeur respecté, un apôtre de la médecine préventive et sociale, un promoteur de l’éducation médicale continue, un défenseur du droit des médecins hospitaliers à une juste rémunération et un ardent partisan du développement du réseau hospitalier. Dans les jours qui ont suivi son décès, plusieurs personnalités ont tenu à lui rendre hommage en soulignant sa contribution remarquable. La médecine sociale, définie, selon la tradition de Rudolf Virchow, médecin et homme politique allemand, comme la recherche des causes sociales des maladies et l’intervention dans le domaine socioéconomique, a trouvé chez Dubé un de ses plus illustres représentants dans la province de Québec.
Entre 1896 et 1939, Joseph-Edmond Dubé a rédigé de nombreux articles, dont plusieurs ont été utiles à la préparation de cette biographie. Dans l’Union médicale du Canada (Montréal), il a publié : « la Mortalité infantile et les moyens de la diminuer », 30 (1901) : 12–26 ; « les Accidents de travail : l’ouvrier et les grandes compagnies », 35 (1906) : 77–81 ; « Alcoolisme et tuberculose », 39 (1910) : 720–726 ; « Montréal la plus importante ville du dominion se doit d’être au premier rang dans la lutte antituberculeuse », 48 (1919) : 572–582 ; « Nos hôpitaux : le passé, leur évolution, le présent », 61 (1932) : 148–234 ; « les Débuts de la lutte contre la mortalité infantile à Montréal : fondation de la première “Goutte de lait” », 65 (1936) : 879–891, 986–993, 1088–1102 ; « la Lutte pour notre survivance économique », 68 (1939) : 1322–1325. Dans l’Action médicale (Montréal), il a fait paraître : « la Situation hospitalière à Montréal », 4 (1928), no 9 : 208–214 ; no 11 : 263–264 ; no 12 : 269–275. En collaboration avec Albert Le Sage, il a écrit : « Les hôpitaux et les médecins : rapport au conseil des ministres de la province de Québec », l’Union médicale du Canada, 64 (1935) : 1183–1200.
BAnQ-CAM, CE601-S51, 12 mars 1868, 1er mai 1894.— Le Devoir, 27 nov. 1939.— La Presse, 1er déc. 1939.— E.-P. Benoît, « Joseph-Edmond Dubé », l’Union médicale du Canada, 68 (1939) : 1285–1286.— Marcel Cadotte, « Historique du laboratoire de pathologie de l’Hôtel-Dieu de Montréal : de sa création en 1896 à l’arrivée du professeur Pierre Masson en 1928 », l’Union médicale du Canada, 108 (1979) : 479–494.— Rita Desjardins, « Hôpital Sainte-Justine, Montréal, Québec (1907–1921) » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1989) ; « l’Institutionnalisation de la pédiatrie en milieu franco-montréalais, 1880–1980 : les enjeux politiques, sociaux et biologiques » (thèse de ph.d., univ. de Montréal, 1998).— Sara Gosselin, Camp David-Perron de l’Institut Bruchési de Montréal inc. : notes historiques ([Montréal ?, 1931 ?]).— Denis Goulet, « Des miasmes aux germes : l’impact de la bactériologie sur la pratique médicale au Québec (1870–1930) » (thèse de ph.d., univ. de Montréal, 1992).— Denis Goulet et André Paradis, Trois siècles d’histoire médicale au Québec : chronologie des institutions et des pratiques (1639–1939) (Montréal, 1992).— Guy Grenier, 100 ans de médecine francophone : histoire de l’Association des médecins de langue française au Canada (Sainte-Foy [Québec], 2002).— Yves Lajoie, « Histoire de l’Institut Bruchési et son engagement dans la lutte contre la tuberculose à Montréal (1911–1945) » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 2002).— Albert Le Sage, « In memoriam : Dubé », l’Union médicale du Canada, 68 (1939) : 1277–1284 ; « Une chaire de phtisiothérapie à Laval, de Montréal », l’Union médicale du Canada, 42 (1913) : 311–315.
Georges Desrosiers, « DUBÉ, JOSEPH-EDMOND (baptisé Marc-Edmond) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dube_joseph_edmond_16F.html.
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Auteur de l'article: | Georges Desrosiers |
Titre de l'article: | DUBÉ, JOSEPH-EDMOND (baptisé Marc-Edmond) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |