DU JAUNAY, PIERRE (Pierre-Luc), prêtre, jésuite et missionnaire, il serait né le 11 août 1704 ou le 10 août 1705 à Vannes, France, décédé à Québec le 16 juillet 1780.

Pierre Du Jaunay entra chez les jésuites de Paris le 2 septembre 1723 et fit ses études théologiques à La Flèche de 1731 à 1734. Après son ordination, il s’embarqua pour le Canada, et l’année suivante, soit en 1735, il accompagna le père Jean-Baptiste de Saint-Pé* à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) où il rencontra pour la première fois les Outaouais auxquels il allait consacrer son ministère pendant près de 30 ans.

Les dangers que comportait le travail apostolique auprès des tribus de l’Ouest apparurent tragiquement à Du Jaunay quand son ami et confrère Jean-Pierre Aulneau* fut tué au lac des Bois, en 1736. Nullement effrayé, il demanda à plusieurs reprises d’être envoyé chez les Mandanes et les autres tribus au cœur même de l’Ouest, mais son supérieur n’exauça pas ses vœux. Sa carrière fut plutôt centrée sur l’établissement et le poste de traite de Michillimakinac et, à partir de cette base, il desservit plusieurs autres petites communautés des pays d’en haut. Le premier baptême qu’il conféra, selon les registres, eut lieu le 21 juin 1738 à Saint-Joseph (Niles, Michigan), mais il semble avoir séjourné peu de temps dans cette mission avant de retourner à Michillimakinac. Il y fit de nouvelles visites en 1742, 1745 et 1752. Il se rendit aussi à Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie, Michigan) où il célébra la messe en 1741. Il n’avait pas à voyager beaucoup, toutefois, du fait que voyageurs et trafiquants des lacs Supérieur, Michigan et Huron se rendaient fréquemment à Michillimakinac. Le registre paroissial y note la présence de gens de Saint-Joseph, de La Baye (Green Bay, Wisconsin), de Sault-Sainte-Marie et de Chagouamigon (près d’Ashland, Wisconsin). Bien qu’il assistât les Français, son intérêt premier allait aux Indiens et certains Blancs, chrétiens de nom, l’affligeaient profondément par leur conduite répréhensible, véritable pierre d’achoppement pour la conversion éventuelle d’autres Indiens.

Le centre même où s’exerçait le ministère de Du Jaunay était l’église faite de troncs d’arbres, dédiée à Sainte-Anne et sise à l’intérieur des palissades de l’établissement. Derrière l’église, une porte pratiquée dans la palissade donnait sur une cour fermée où se trouvaient un four et une glacière. Tout près du presbytère, il y avait une forge où Pascal Soulard et Jean-Baptiste Amiot* travaillaient en vertu d’un contrat d’engagement avec le missionnaire. En 1739, Du Jaunay fournit du maïs et des objets de fer pour l’expédition de Pierre-Joseph Céloron* de Blainville contre les Chicachas.

Quand les Outaouais des environs de Michillimakinac décidèrent de trouver un nouvel emplacement pour leur village, en 1741, Du Jaunay aida à les convaincre de ne pas s’installer plus loin que L’Arbre Croche (Cross Village, Michigan). Dès lors, il partagea ses soins entre le ministère paroissial à Sainte-Anne et la mission de Saint-Ignace à L’Arbre Croche où il avait une ferme. Dans les années 1740, il composa un dictionnaire manuscrit de 396 pages consacré à la langue outaouaise.

En 1743, on construisit une nouvelle église à Michillimakinac afin de répondre aux besoins de la population croissante. Au cours de son ministère dans cette paroisse, de 1742 à 1765, Du Jaunay célébra 25 mariages et 120 baptêmes, ayant ainsi une influence directe sur la vie de la plupart des familles de la région des lacs Supérieur, Michigan et Huron. Des confrères, Claude-Godefroy Coquart*, Jean-Baptiste de Lamorinie* et Marin-Louis (Marie-Louis) Le Franc, travaillèrent avec lui à différentes époques ; plusieurs esclaves indiens et, de temps à autre, des Blancs du village furent à son service.

En 1754, ayant passé près de 20 ans à l’intérieur du pays, Du Jaunay descendit à Montréal. Il semble avoir été absent lors de la désastreuse épidémie de petite vérole qui sévit dans la région de Michillimakinac en 1757 [V. Nissowaquet]. À son retour, peu après, il retrouva une population appauvrie et dans la désolation.

En 1760, à la suite de la prise du Canada par les Britanniques, Du Jaunay prêcha en faveur de l’acceptation paisible du nouveau régime. Son influence facilita une transition en douceur quand les troupes britanniques arrivèrent finalement à Michillimakinac en 1761. Bien qu’il eût persuadé les Français et les Outaouais d’accepter les Britanniques, Du Jaunay n’eut guère de succès avec les Sauteux des environs. Le 2 juin 1763, encouragés par l’attaque de Pondiac* contre Détroit, les Sauteux de Michillimakinac, sous la conduite de Minweweh* et de Madjeckewiss*, surprirent et écrasèrent la garnison britannique. Consterné par la tuerie, Du Jaunay, au risque de sa vie, cacha dans sa maison quelques-uns des soldats et des trafiquants. Peu de temps après, les Outaouais de L’Arbre Croche arrivèrent et prirent les survivants sous leur protection. Dans une lettre à Henry Gladwin, George Etherington, le commandant, notait que le missionnaire était « un excellent homme, et [qu’il avait] beaucoup d’influence sur les sauvages d’ici, qui croiront tout ce qu’il leur dit ». Du Jaunay lui-même porta la lettre à Détroit où il arriva le 18 juin. Deux jours plus tard, Gladwin le renvoya avec des instructions verbales et une ceinture de porcelaine pour les Outaouais. Le pieux missionnaire, qui « jamais de sa vie ne mentit », avait refusé de porter une lettre dont il ne pouvait révéler le contenu s’il était arrêté par des Indiens hostiles. Avant de quitter Détroit, il tint conseil avec Pondiac dans une tentative infructueuse pour libérer les prisonniers anglais.

La situation à Michillimakinac resta perturbée jusqu’à ce que le poste reçût une nouvelle garnison. Du Jaunay essaya de restaurer l’ordre et écrivit à sir William Johnson pour l’assurer de la bienveillance des Français et des Outaouais. Le 22 septembre 1764 ; quand les troupes britanniques revinrent, le missionnaire était sur la grève pour les accueillir. Il fut le premier à signer le serment d’allégeance, et il montra sa bonne foi en fournissant de la nourriture aux troupes et en délivrant un soldat que son serviteur avait racheté des Indiens.

La longue carrière de Du Jaunay à Michillimakinac était sur le point de se terminer. En 1765, il fut rappelé et la mission fut fermée. Après y avoir célébré un dernier baptême, le 3 juillet 1765, il prit les vases sacrés et les porta à Détroit. À Québec, le 2 août 1767, il fut nommé directeur spirituel des ursulines de l’endroit. Cependant, il continua à s’intéresser aux affaires de l’Ouest. En 1769, il fut un moment mêlé aux événements que suscita la comparution de Robert Rogers devant un conseil de guerre. Quand Joseph-Louis Ainsse*, de Michillimakinac, un témoin de la poursuite, fut lui-même accusé de vol, Du Jaunay se rendit à Montréal pour témoigner de sa bonne réputation.

Malgré la tourmente de la Révolution américaine, le vieux jésuite continua son ministère à Québec jusqu’à sa mort, en 1780. À Michillimakinac et à L’Arbre Croche, on se souvint longtemps de lui. En 1824 encore, les Outaouais montraient l’endroit « où Du Jaunay avait l’habitude de marcher de long en large en récitant ses heures ».

David A. Armour

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David A. Armour, « DU JAUNAY, PIERRE (Pierre-Luc) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/du_jaunay_pierre_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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