DRUMMOND, GEORGE EDWARD (connu jusqu’en 1875 sous le nom de George Edward Drumm), homme d’affaires, auteur et consul général, né le 21 octobre 1858 à Tawley (république d’Irlande), fils de George Drumm, constable, et d’Elizabeth Morris Soden ; le 20 février 1890, il épousa à Brantford, Ontario, Elizabeth Foster Cockshutt, fille d’Ignatius Cockshutt* et d’Elizabeth Foster, et ils eurent deux fils et deux filles qui lui survécurent ; décédé le 17 février 1919 à Londres.
George Edward Drummond arriva à Montréal en 1864, en compagnie de ses parents et de ses trois frères, William Henry*, John James et Thomas Joseph. La disparition prématurée de son père, deux ans plus tard, ne l’empêcha pas de poursuivre des études à la Royal Arthur School de Montréal. Au terme de celles-ci, il fut engagé par la maison de commerce montréalaise A. and C. J. Hope and Company [V. Adam Hope*], spécialisée dans l’importation de métaux. C’est là qu’il rencontra à la fin des années 1870 James Tod McCall, son futur associé en affaires.
À l’insu de leur employeur, Drummond et McCall prirent la décision en 1881 de fonder leur propre maison de commerce, misant sur la possibilité de devenir les agents exclusifs d’une importante entreprise sidérurgique de Glasgow avec laquelle ils avaient déjà pris contact. Il faut dire qu’à cette époque l’économie canadienne se rétablissait de la crise de 1873 et des six années de récession qui s’ensuivirent ; en outre, le gouvernement conservateur de sir John Alexander Macdonald* venait d’annoncer son intention de financer la construction d’un chemin de fer transcontinental pour lequel de lucratifs contrats d’approvisionnement en rails et autres produits en fer étaient à prévoir. C’est donc dans ce contexte que fut créée en août 1881 la firme de négociants commissionnaires Drummond, McCall and Company. L’entreprise ne tarda pas à faire ses preuves. Ainsi, trois ans après sa fondation, le capital initial de la maison, qui était de 400 $, fut porté à 5 000 $, alors que la valeur des ventes atteignit 30 000 $. Il semble que deux facteurs aient largement contribué au succès des deux associés à leurs débuts : d’abord, la très haute qualité de la fonte Calder importée d’Écosse puis la chance qu’ils eurent de conserver bon nombre de leurs anciens clients de chez A. and C. J. Hope. En 1884, Thomas Joseph Drummond, jeune frère de George Edward, se joignit à l’entreprise. Logée dans un édifice du Custom House Square, près du port de Montréal, la firme importait non seulement de la fonte en gueuse mais aussi des articles de coutellerie, de l’outillage, des pièces de fer forgé, des rails en acier, des robinets et des bouches d’eau, qui lui valurent d’ailleurs des affaires d’or. En 1885, la Drummond, McCall and Company était la représentante exclusive à Montréal de 12 manufacturiers de fer et d’acier britanniques, dont trois d’Écosse ; par l’entremise de la W. Heybrock Jr and Company d’Amsterdam, elle était aussi le courtier de marchands de café. L’entreprise vendait ses stocks de métaux à des fabricants de clous montréalais, tels que la Pillow and Hersey Manufacturing Company Limited et la Montreal Rolling Mills Company, et à des producteurs de chaudières, de moteurs ou de machines agricoles en Ontario.
En 1888, George Edward et Thomas Joseph Drummond s’associèrent à Patrick Henry Griffin, fabricant de roues de wagons originaire de Buffalo, New York, pour mettre sur pied la Montreal Car Wheel Company Limited. Dotée d’un capital de départ de 75 000 $, la nouvelle compagnie entendait livrer une vive concurrence au quasi-monopole exercé par John McDougall* sur le marché montréalais des roues de wagons de chemins de fer. Les associés firent ériger à Lachine, en banlieue de Montréal, un petit complexe d’ateliers, où travaillèrent bientôt une centaine d’ouvriers qualifiés (mouleurs, machinistes, et autres). Toutefois, le coût élevé de la fonte brute en provenance des États-Unis incita rapidement les propriétaires de l’entreprise à acquérir un haut fourneau de façon à mieux contrôler le prix et la qualité de cette matière première. C’est ainsi qu’en 1889 Drummond créa avec cinq autres associés, dont James Tod McCall, la Canada Iron Furnace Company, dans l’intention d’acheter les forges Radnor [V. Auguste Larue*], propriété de la succession de George Benson Hall*. La transaction fut conclue cette année-là moyennant la reconnaissance des dettes de la succession. À cette époque, le complexe sidérurgique de Radnor comprenait un haut fourneau au charbon de bois, situé dans le village de Fermont (Saint-Maurice), un tronçon de voie ferrée qui reliait le village au chemin de fer des Piles, des droits miniers dans la région du lac à la Tortue, riche en fer des marais, des droits de coupe sur des terres de la couronne à Grandes-Piles et une fonderie de roues de wagons à Trois-Rivières. Après avoir réussi à réunir d’importants capitaux d’investisseurs locaux et étrangers, les propriétaires de la Canada Iron Furnace entreprirent d’ériger dès 1892 un nouveau haut fourneau sur l’emplacement des forges Radnor, au coût de 165 000 $. La conception des plans et la supervision des travaux de construction furent confiées à John James Drummond, frère aîné de George Edward. Fort de son expérience technique acquise dans les forges américaines au cours des années 1880, John James fit construire un haut fourneau au charbon de bois de 40 pieds de hauteur, muni d’une bouche de 9 pieds de diamètre, ce qui en faisait le plus gros spécimen du genre en Amérique. Par la même occasion, on remplaça la soufflerie de l’ancien haut fourneau, qui fonctionnait à la vapeur, par un moteur à compression Weimer qui permit d’accroître la production. Au cours de l’année 1893, les forges Radnor produisirent plus de 7 423 tonnes de fonte au charbon de bois d’après des estimations ; le complexe employait en période de pointe autour de 850 ouvriers, dont au moins 700 étaient des cultivateurs des régions avoisinantes qui travaillaient soit au ratissage du minerai de fer dans les marais, soit à la coupe du bois puis à sa carbonisation, ou encore au transport des matières premières. Le grave incendie survenu en 1896 ne semble pas avoir affecté l’entreprise, qui connut une croissance continue sous la gouverne de George Edward Drummond, son directeur administratif.
De 1895 à 1909, Drummond rédigea de nombreux articles sur l’état de l’industrie de la métallurgie au Canada qui furent pour la plupart publiés dans la Canadian Mining Review (Ottawa) et le Journal (Ottawa et Montréal) de l’Institut canadien des mines. Sa notoriété grandissante dans le domaine de la sidérurgie lui valut d’occuper un des postes de vice-président de l’institut en 1899–1900 et en 1908–1909.
À la fin du xixe siècle, la Canada Iron Furnace entreprit, sous la direction de Drummond, de s’implanter en Ontario. En 1899, on décida d’investir dans la construction d’un immense haut fourneau au charbon de bois à Midland, en bordure de la baie Géorgienne. Selon ses promoteurs, les nouvelles installations de Midland devaient hisser le Canada au même rang que la Suède comme producteur mondial de sidérurgie. Ce haut fourneau, qui fut mis en activité l’année suivante, pouvait produire jusqu’à 80 tonnes de fonte par jour. Toutefois, en 1901, on dut convertir les installations pour une production de fonte à base de coke, probablement à cause des coûts trop élevés du charbon de bois. Par ailleurs, la Canada Iron Furnace érigea en 1902 une fonderie à Fort William (Thunder Bay, Ontario) dans le but d’avoir la haute main sur le marché des conduites d’eau et des roues de wagons dans l’Ouest canadien. Cet établissement s’ajoutait aux fonderies de Hamilton, de St Thomas, en Ontario, de Montréal, de Trois-Rivières et de Londonderry, en Nouvelle-Écosse, dont la compagnie avait l’exclusive propriété.
Cette même année, la Canada Iron Furnace acheta l’ancien haut fourneau de la Londonderry Iron Company, en Nouvelle-Écosse, lequel fut remis à neuf afin de porter sa capacité de production à 100 tonnes de fonte par jour. Dans cette affaire, la compagnie s’était associée aux descendants de feu John McDougall, également propriétaires de complexes sidérurgiques à Drummondville et à Saint-Pie-de-Guire. À cette époque, Drummond était toujours administrateur délégué au sein du conseil d’administration de la Canada Iron Furnace qui comptait alors neuf membres ; trois Américains, deux Ontariens et quatre Montréalais.
Le vent commença néanmoins à tourner au début du xxe siècle. D’abord, les techniques de conversion au charbon de bois s’avéraient de plus en plus coûteuses par rapport à celles au coke ; par ailleurs, les progrès de la chimie moderne laissaient entrevoir la place prédominante que l’acier occuperait dans un avenir rapproché. C’est ainsi qu’à partir de 1906 les forges Radnor commencèrent à fonctionner au ralenti pour finalement fermer quatre ans plus tard. Autre fait important, en 1908, la Canada Iron Furnace et la Canadian Iron and Foundry Company de la famille McDougall fusionnèrent pour former un puissant consortium, la Canada Iron Corporation Limited. Fruit d’un effort de consolidation des actifs du secteur de la sidérurgie primaire au Canada, la Canada Iron Corporation Limited intégrait dans un seul réseau cinq mines, cinq hauts fourneaux au coke et plusieurs fonderies réparties dans sept villes et deux provinces. Malgré tout, la compagnie dut liquider ses biens en 1913 afin de rembourser ses créanciers, dont le principal était la Montreal Trust Company, qui comptait alors Drummond dans son conseil d’administration. Il semble que Drummond ait tenté par la suite de remettre sur pied, avec plus ou moins de succès, un certain nombre de fonderies de tuyaux. Quoi qu’il en soit, Drummond demeurait toujours à la tête de la Drummond, McCall and Company et avait commencé à réaffecter son portefeuille d’investissement dans le secteur financier. Ainsi, en 1912, il faisait partie du conseil d’administration de la Liverpool and London and Globe Insurance Company, de la Montreal Trust Company et de celui de la Banque Molson.
Au cours de sa carrière, Drummond s’était aussi fait connaître comme un lobbyiste de talent. Sur le plan commercial, il était un ardent défenseur de la Politique nationale mise en place par le gouvernement Macdonald en 1879. D’ailleurs, il attribuait à la nouvelle grille de tarifs de 1887 le fait que les producteurs montréalais en étaient venus à accaparer un sixième du marché canadien de la sidérurgie primaire. Toutefois, quand les libéraux de Wilfrid Laurier arrivèrent au pouvoir en 1896, il ne cacha pas ses appréhensions quant à la politique commerciale du Canada et à l’avenir de l’industrie. En 1905, il réitéra, à titre de président de l’Association des manufacturiers canadiens (il avait été élu en septembre 1903), sa foi en une politique tarifaire coercitive à l’endroit des producteurs manufacturiers américains, tout en se montrant favorable au maintien de tarifs préférentiels réciproques avec la Grande-Bretagne. Son discours devant les membres de l’association, publié sous le titre West and east : their interests identical, résume bien son point de vue sur la question. Son expertise dans le domaine du commerce international lui valut également d’être nommé en 1909 au poste de consul général du Danemark à Montréal.
Par ses positions politiques, Drummond se rapprochait généralement de l’idéologie impérialiste des tories. Ainsi, au cinquième Congrès des chambres de commerce de l’Empire, tenu à Montréal en 1903, c’est lui qui fit adopter une résolution en faveur d’une contribution coloniale à l’effort de défense de la Grande-Bretagne impériale.
Reconnu comme un anglican très engagé au sein de son Église et un philanthrope sensible à de nombreuses causes, comme en témoigne sa participation à maintes associations, George Edward Drummond était aussi un amateur de sports, surtout de la pêche. Vers la fin de sa vie, il se rendait fréquemment en Angleterre assister, à titre de délégué, à des congrès sur le commerce impérial. D’ailleurs, c’est à Londres qu’il s’éteignit le 17 février 1919, laissant dans le deuil deux fils et deux filles.
Nous tenons à remercier l’historien René Hardy de l’université du Québec à Trois-Rivières pour nous avoir permis de consulter la documentation du Centre de recherche sur l’évolution de la sidérurgie québécoise au xixe siècle.
George Edward Drummond est l’auteur d’un certain nombre de brochures sur des sujets qui lui tenaient à cœur comme l’industrie de la sidérurgie, la politique commerciale canadienne et la défense impériale. Mentionnons : Early days of iron industry in the province of Quebec (Montréal, [1893] ; réimpr., [1951]) ; The iron industry ; what it is to Great Britain and the United States ; what it may be to Canada [...] ([Montréal ?, 1894 ?]) ; et West and east : their interests identical ([Toronto, 1905]), paru d’abord dans Industrial Canada (Toronto). [r. t.]
AC, Montréal, Cour supérieure, Déclarations de sociétés, 9, no 1021 (1881) ; 16, no 488 (1892) ; 29, no 41 (1908).— AN, MG 28, I 394 ; MG 30, A88, 1.— AO, RG 80-5-0-175, no 1396.— Gazette (Montréal), 25 févr. 1919.— Montreal Daily Star, 18 févr. 1919.— The book of Montreal, a souvenir of Canada’s commercial metropolis, E. J. Chambers, édit. (Montréal, 1903), 206.— J. D. Borthwick, History and biographical gazetteer of Montreal to the year 1892 (Montréal, 1892).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Canadian mining manual [...] (Ottawa), 1894–1896, 1901–1903.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— Jean Hamelin et Yves Roby, Histoire économique du Québec, 1851–1896 (Montréal, 1971).— René Hardy, la Sidérurgie dans le monde rural : les hauts fourneaux du Québec au
Robert Tremblay, « DRUMMOND, GEORGE EDWARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/drummond_george_edward_14F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Tremblay |
Titre de l'article: | DRUMMOND, GEORGE EDWARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |