Drouin, Joseph (baptisé Joseph-Firmin), avocat et généalogiste, né le 15 novembre 1875 à Sainte-Scholastique (Mirabel, Québec), fils de Firmin Drouin, cultivateur, et de Mathilde Lafrance ; le 22 novembre 1904, il épousa dans la paroisse Saint-Jacques, à Montréal, Orpha Leduc, et ils eurent trois garçons et trois filles ; décédé le 6 octobre 1937 à Montréal et inhumé trois jours plus tard au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, dans la même ville.

Joseph Drouin fit ses études classiques au petit séminaire de Sainte-Thérèse. Il obtint de brillants résultats qui lui permirent de fréquenter la faculté de droit de la McGill University, où il fut lauréat de deux médailles du prince de Galles. Il fut admis au Barreau de la province de Québec en 1904. Pendant sa carrière, il s’associa à divers avocats et formerait, par exemple, la firme Drouin et Chaussé vers la fin des années 1920. Il s’adonna aussi à la généalogie, dont il ferait une activité commerciale. Il réalisa ses premières généalogies à sa résidence d’été de Pointe-au-Père (Rimouski) autour de 1913, puis, vers 1920, il se mit à les rédiger à son bureau d’avocat de Montréal, qui changea de localisation au fil du temps.

Lorsque, pour des amis, Drouin commença ses premières généalogies, il ne possédait guère d’outils fiables. Certes, les sept volumes du Dictionnaire généalogique des familles canadiennes depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours de l’abbé Cyprien Tanguay*, parus de 1871 à 1890, constituaient un ouvrage colossal et significatif ; ils demeuraient toutefois incomplets et comportaient de nombreuses erreurs. Les recherches de Drouin furent donc longues et coûteuses – il devait se déplacer souvent pour consulter les registres des églises et des villages –, mais il persévéra et élabora une méthode de travail efficace. En 1917, il publia, à l’imprimerie du quotidien montréalais le Devoir, une brochure de 15 pages intitulée Votre généalogie. Alors que les généalogistes travaillaient sur la filiation des personnes de même nom, Drouin s’intéressait plutôt à la généalogie ascendante directe : il recherchait tous les ancêtres paternels et maternels d’une personne. Au moment de la publication de Votre généalogie, il avait déjà créé une centaine d’arbres généalogiques.

Drouin fit quelques voyages en France, où il se procura de nombreux ouvrages de référence en histoire et en recherche héraldique. Il n’hésitait pas à dire et à écrire qu’il faisait partie de la Société historique de Montréal. Il partageait sa passion de la généalogie avec le franciscain Archange Godbout*, également membre de la société et qui séjourna lui aussi en France soit pour y enseigner, soit pour mieux se documenter. Beaucoup plus connu que Drouin, il faisait cependant de la généalogie pour son plaisir.

Premier à faire de la généalogie une entreprise commerciale, Drouin utilisait deux raisons sociales : les Généalogies Drouin enregistré et Joseph Drouin généalogies et armoiries. Il dressa au fil des ans environ 1 200 généalogies et rédigea plus de 500 000 fiches. La méthode de ce bourreau de travail était rigoureuse, les résultats de ses recherches étant vérifiés et appuyés par des références aux sources. Chaque généalogie était dactylographiée en un unique exemplaire et reliée avec une couverture rigide. Drouin commençait ses ouvrages par un bref historique de certains des ancêtres du client et laissait quelques pages blanches, à la fin, pour que ce dernier puisse ajouter les noms de ses descendants collatéraux. Il offrait aussi, en complément, un superbe arbre généalogique d’assez grande dimension, d’une couleur et d’une calligraphie magnifiques. Cet arbre permettait, selon ce que Drouin expliquait dans Votre généalogie, « de voir d’un seul coup d’œil et sans aucun renvoi les 511 ancêtres de la première à la huitième génération ».

Drouin recherchait une clientèle aisée et réputée. Il dressa notamment les généalogies des propriétaires des quotidiens montréalais la Presse et la Patrie, respectivement Arthur Berthiaume et Louis-Joseph Tarte, du notaire Victor Morin, de personnalités politiques comme sir Lomer Gouin*, Louis-Athanase David* et Esioff-Léon Patenaude*, de même que de nombreux prêtres, avocats et industriels.

Drouin publia son dernier ouvrage connu le 19 janvier 1937. L’étude de 31 pages, en vente au journal le Devoir, fut élaborée très rapidement à la suite du décès du célèbre frère André [Alfred Bessette], survenu le 6 janvier précédent. Intitulée le Frère André : sa généalogie – ses plus frappants miracles, elle est élémentaire et ne rend pas justice à l’ensemble de l’œuvre de Drouin. Peu de temps après la mort de ce dernier, son fils Gabriel acheta l’entreprise et la renomma Institut généalogique Drouin, qui existerait encore au début du xxie siècle. Relogée au 4184, rue Saint-Denis, à l’angle de la rue Rachel, elle connaîtrait une expansion fulgurante grâce au sens des affaires de son nouveau propriétaire.

Malgré un succès commercial mitigé, l’entreprise de Joseph Drouin a acquis une crédibilité dans le milieu restreint de la généalogie. Le fondateur, dont le peintre Léo Ayotte fit le portrait, a établi une méthode et a légué un fonds de recherches qui ont permis à la firme de prendre son envol, tout en sensibilisant un nombre important de familles à s’intéresser à leurs ancêtres et à l’histoire de leurs familles. L’outil de recherche dont il fut à l’origine est devenu indispensable aux généalogistes.

Michel Pratt

BAnQ-CAM, CE606-S22, 16 nov. 1875.— FD, Saint-Jacques-le-Majeur, cathédrale [Saint-Jacques], 22 nov. 1904.— Le Devoir, 7 oct. 1937.— C.-I. Caron, Se créer des ancêtres : un parcours généalogique nord-américain, xixe et xxe siècles (Sillery [Québec], 2006).— Généalogies Drouin enreg., Liste des généalogies faites par les Généalogies Drouin enreg. [...] ([Montréal ?], s.d.).— Instit. généal. Drouin, Une œuvre nationale : son histoire, sa documentation, son caractère professionnel, son personnel, son avenir, ses œuvres, ce qu’on en dit ([Montréal], 1944).— René Jetté, « les Pionniers de la généalogie au Québec », Cap-aux-Diamants (Québec), no 34 (été 1993) : 14–17.

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Michel Pratt, « DROUIN, JOSEPH (baptisé Joseph-Firmin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/drouin_joseph_16F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2015
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