DOW, JEAN ISABELLE (baptisée Jane Isabella), médecin et missionnaire, née le 25 juin 1870 près de Fergus, Ontario, cinquième des huit enfants de Peter Dow et d’Agnes Wilson ; décédée célibataire le 16 janvier 1927 à Pékin (Beijing, république populaire de Chine) et inhumée à Changte (Anyang, république populaire de Chine).

Jean Isabelle Dow est représentative de la première génération de femmes médecins canadiennes qui choisirent d’œuvrer dans les missions. Petite-fille d’immigrants écossais, elle grandit dans une « maisonnée de cultivateurs de la meilleure sorte » où se trouvait une bibliothèque bien garnie. Progressistes, ses parents appartenaient à la congrégation presbytérienne Melville, de Fergus, qui s’occupait beaucoup des missions. C’est dans cette atmosphère que Jeannie, comme on l’appelait, se sentit appelée par le travail missionnaire à l’étranger. Belle, charmante et timide à l’excès, elle était douée d’une intelligence supérieure. À 10 ans, elle terminait ses études primaires, et à 13 ans, ses études secondaires ; à 15 ans, elle enseignait. En 1891, après avoir fréquenté une école modèle à Mount Forest, elle posa sa candidature à la Woman’s Foreign Missionary Society de l’Église presbytérienne en manifestant son intention de s’inscrire au Woman’s Medical College de Toronto. Elle obtint un baccalauréat en médecine du Trinity College en 1895 et, le 30 septembre de la même année, fut affectée en Chine, dans le nord de la province du Henan, où elle succéderait à feu la docteure Lucinda Graham.

Jonathan et Rosalind Goforth, entre autres, avaient fondé là-bas une mission presbytérienne en 1888, mais l’hostilité des Chinois envers les étrangers les avait empêchés de prendre pied dans la province. Finalement, en 1894, ils avaient réussi à louer une maison à Chuwang, « misérable » localité située à l’intérieur de la frontière. Lorsque Mlle Dow arriva, ils en avaient été expulsés, mais le poste fut bientôt rouvert.

Étudier le chinois fut pour la docteure Dow une expérience libératrice : selon son propre témoignage cela « délia [sa] langue anglaise ». Elle apprit les expressions familières employées par les femmes illettrées et les équivalents chinois des termes médicaux. « La médecine était sa profession. Évangéliser était sa passion », dit une biographie. Toujours entourée de femmes, elle leur « parlait de la bonne parole » tout en s’informant de leur famille. « Jour après jour, elles défilent sans fin au dispensaire », écrit-elle. En 1897, elle ouvrit le premier hôpital pour femmes du Henan : un bâtiment aux murs d’adobe, comprenant une salle commune et une chapelle-dispensaire, où 400 malades furent traitées dans le premier mois. En 1900, la rébellion des Boxers provoqua une évacuation vers la côte : la populace molesta les missionnaires. Après cet épisode tragique, la docteure Dow prit un congé au cours duquel elle étudia la médecine tropicale à New York, « pour se dérouiller », selon Margaret H. Brown, historienne de la mission.

De retour en Chine en avril 1902, Jean Isabelle Dow « habita au milieu des ruines » à Chuwang tout en faisant de longues tournées d’évangélisation. À la fermeture du poste de Chuwang, elle s’installa dans la grande ville de Changte, où elle ouvrit un hôpital pour femmes. Unique femme médecin qui travailla dans le nord du Henan durant 20 ans – les autres, mariées, n’exerçaient pas –, elle fut au centre d’une controverse au sujet des installations séparées pour femmes. Les membres du consistoire qui gouvernait la mission du nord du Henan, tous des hommes, jugeaient de telles installations « inutiles et superflues ». Au lieu d’affronter leur opposition, elle la contourna. En 1904 puis en 1913, au moment de la construction d’un nouvel hôpital pour hommes, elle réaménagea les anciens bâtiments pour les femmes.

Dans ses premières années, la docteure Dow avait pratiqué des interventions chirurgicales simples, pour soigner par exemple des cataractes ou des morsures de loup, mais, au fil des ans, elle était passée à des traitements obstétriques compliqués et à l’usage des rayons X. Selon le docteur William McClure, elle se signala surtout en luttant contre le kala-azar, parasitose qui se transmet par piqûre d’un phlébotome et qui décimait les enfants du nord de la Chine. On rapporte que, pendant la famine de 1920–1921, elle sauva 400 femmes enceintes et enfants. Le gouvernement de la Chine lui décerna une médaille pour son héroïsme. À la mission aussi, on lui vouait « la plus haute estime », à la fois en raison de sa beauté physique et spirituelle, de ses qualités de femme forte et de ses compétences médicales.

Bien qu’elle ait parlé couramment le chinois, Jean Isabelle Dow restait timide, ce qui nuisait à ses rapports avec ses collègues. Dans ce domaine, elle put compter durant 30 ans sur l’aide d’une autre missionnaire d’ascendance écossaise, originaire du comté de Wellington – une infirmière du nom de Margaret I. McIntosh – à qui la liait une « belle amitié, fondée sur l’amour mutuel ». Comme la docteure Dow (d’après les souvenirs de Margaret H. Brown) ne fut « jamais à l’aise [pour s’exprimer] en public », lorsqu’il y avait des discussions sur son travail, elle soufflait les réponses à son amie, qui les répétait tout haut. Après l’admission des femmes au comité de direction de la mission, elle occupa pendant plusieurs années, avec bon sens, l’un des deux postes de conseillère. Dans les années 1920, elle dut faire face à une nouvelle génération de professionnels, hommes et femmes, qui prônaient l’intégration des sexes en affirmant que, en les séparant, on avait des installations de moindre qualité. Cependant, la mission se rendit à la volonté des docteures Dow et Isabelle MacTavish et les autorisa à bâtir un hôpital pour femmes, le seul dans le nord du Henan.

Jean Isabelle Dow prit un congé au début des désordres civils en 1925, quelques mois après que la mission eut résolu à l’unanimité d’adhérer à l’Église unie du Canada. Elle retourna en Chine en octobre 1926, à temps pour l’inauguration de son cher hôpital, mais, à peine deux mois plus tard, elle dut être admise au Peking Union Medical Hospital pour une affection interne. Elle y mourut, usée, à l’âge de 56 ans, et fut inhumée dans le cimetière de la mission à Changte.

Si Jean Isabelle Dow était restée au Canada, peut-être ne se serait-elle jamais « délié » la langue ou n’aurait-elle jamais construit d’hôpital. Comme une de ses collègues l’a dit à son service commémoratif, le fait de sortir des sentiers battus « lui a donné la liberté de fixer ses propres idéaux en matière de valeur personnelle et de travail, et elle les a fixés très haut [...] Son action salutaire a touché des multitudes. » Selon des témoignages compilés dans les années 1980, tel était bien l’avis des femmes du Henan qui se souvenaient d’elle.

Alvyn J. Austin

AO, RG 80-2-0-12, nº 19270.— BAC, RG 31, C1, Nichol Township, Ontario, 1871, div. 1 : 58 ; 1881 : 13 (mfm aux AO).— EUC-C, Biog. file ; Fonds 127, 79.205C, boxes 5–9 ; Photographs.— UTA, A1973-0026/87, fichiers pour J. I. Dow (53), son frère le révérend James A. Dow (52), son cousin le docteur James Dow (51) et d’autres parents.— Daily Mail and Empire, 18 janv. 1927.— Evening Telegram (Toronto), 18 janv. 1927.— Globe, 18, 22 janv., 8 févr. 1927.— New Outlook (Toronto), 9 mars, 27 avril 1927.— A. J. Austin, Saving China : Canadian missionaries in the Middle Kingdom, 1888–1959 (Toronto, 1986).— D. McD. Beattie, Pillars and patches along the highway : a history of Nichol Township ([Elora, Ontario, 1984]).— M. H. Brown, « History of the Honan (North China) missions of the United Church of Canada, originally a mission of the Presbyterian Church in Canada, 1887–1951 » (4 vol., texte dactylographié, s.l., [1970] ; exemplaires à l’EUC-C).— Ruth Compton Brouwer, New women for God : Canadian Presbyterian women and India missions, 1876–1914 (Toronto, 1990).— [M. R. Griffith], Jean Dow, m.d. : a beloved physician (Toronto, [193 ?]).— Carlotta Hacker, The indomitable lady doctors (Toronto, 1974).— Presbyterian Record (Montréal), 1895–1926.— Hugh Templin et J. M. Imlah, Melville Church, Fergus : a history of the congregation from 1845 to 1945 (Fergus, Ontario, 1945).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Alvyn J. Austin, « DOW, JEAN ISABELLE (baptisée Jane Isabella) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dow_jean_isabelle_15F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:

Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/dow_jean_isabelle_15F.html
Auteur de l'article:    Alvyn J. Austin
Titre de l'article:    DOW, JEAN ISABELLE (baptisée Jane Isabella)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    1 décembre 2024