DMYTRIW, NESTOR, prêtre de l’Église catholique grecque (rite oriental), interprète et auteur, né en 1863 à Utishkiv (Ukraine) ; décédé le 27 mai 1925 à Elizabeth, New Jersey.
Nestor Dmytriw naquit dans une famille paysanne de Galicie (Ukraine). Pendant ses études de théologie au séminaire catholique grec de Lemberg (Lviv, Ukraine), il appartint à un groupe d’élèves qui mettait l’accent sur le dévouement à la communauté. Au début des années 1890, soit au moment où de forts groupes d’habitants des régions ukrainiennes de l’Empire austro-hongrois (la Galicie, la Bucovine et, dans une moindre mesure, la Transcarpatie) commençaient à émigrer en Amérique du Nord, Dmytriw et ses amis pressèrent de jeunes prêtres de suivre ces émigrants, car les Églises grecque catholique et orthodoxe auraient besoin de chefs spirituels dans le Nouveau Monde.
En 1895, après son ordination, Dmytriw arriva aux États-Unis, où il fit du travail missionnaire auprès des travailleurs industriels ukrainiens de la Pennsylvanie tout en pratiquant le journalisme. Il s’associa au premier journal nord-américain de langue ukrainienne, Svoboda (Liberté), fondé à Jersey City, au New Jersey. Cette publication, qui contenait des articles sur la vie des immigrants aux États-Unis et au Canada, avait un large public en Galicie. Elle devint donc le premier organe de liaison important entre l’Amérique du Nord et l’Ukraine autrichienne.
Après que le journal Svoboda eut reçu des lettres dans lesquelles des colons ukrainiens installés dans l’Ouest canadien réclamaient désespérément un prêtre, une société d’entraide fondée peu de temps auparavant aux États-Unis, la Ruthenian National Association (rebaptisée Ukrainian National Association en 1914) envoya Dmytriw au Canada. Avec l’aide de Jósef Olesków*, qui serait reconnu comme le père de l’immigration ukrainienne au Canada, Dmytriw, qui parlait ukrainien, allemand et anglais, obtint un poste d’interprète au service canadien de l’immigration. Le premier agent d’immigration ukrainien, Cyril Genyk, travaillait déjà dans ce service. À titre d’interprète, Dmytriw pourrait observer attentivement le processus de colonisation.
Bien qu’il ait séjourné au Canada seulement d’avril 1897 à août 1898, Dmytriw y fit sa marque. Premier prêtre ukrainien au pays, il organisa les premières paroisses ukrainiennes, soit celles de Terebowla (Valley River) et de Stuartburn au Manitoba et celle d’Edna (Star), Alberta. Il apporta une assistance spirituelle aux colons à l’époque où ceux-ci en avaient le plus besoin. En outre, il préconisa la formation d’une Église grecque catholique au Canada. Ce projet, auquel la hiérarchie catholique s’opposa d’abord fermement [V. Adélard Langevin*], se concrétiserait finalement en 1912 par la nomination de Nykyta Budka* à la fonction d’exarque apostolique des catholiques ukrainiens du Canada. Les quelque 150 000 Ukrainiens installés au pays à cette date étaient en grande majorité des catholiques.
Toutefois, ce fut surtout en tant qu’auteur que Dmytriw contribua à l’histoire du Canada. Ses écrits les plus connus et sans doute les plus influents parurent d’abord sous forme d’articles dans Svoboda en 1897 et furent rassemblés la même année dans un livret intitulé Canadian Ruthenia. D’autres textes publiés dans Svoboda, inspirés de son expérience et de ses observations perspicaces, méritent d’être mentionnés : « Z Halifaksu do Winnipegu » (De Halifax à Winnipeg), « Vona vyishala za menonita » (Elle a épousé un mennonite), « Obrazky z Kanady » (Images du Canada), « Tymko Hawryliuk », « Assimilation » et « Rus’ka paskha a frantsuz’kyi ks’ondz » (les Pâques ruthéniennes et le prêtre français). Ces écrits, souvent pimentés de satire et de sarcasme, mettaient en évidence le choc culturel et physique éprouvé par les immigrants au cours de leur adaptation au Canada. Dmytriw était un prêtre dévoué qui inspirait confiance. Il se considérait comme le gardien et le guide des pionniers ukrainiens désorientés. La plupart de ses histoires, écrites dans un style vivant, insistaient sur leurs difficultés et leurs échecs, grandement attribuables selon lui à leur manque de préparation. Mal renseignés sur le Canada et incapables de parler anglais, ils recevaient peu de conseils des autorités de l’immigration. En fait, bon nombre d’entre eux tombaient aux mains de spéculateurs fonciers dénués de scrupules. À l’instar d’Olesków, Dmytriw pensait que le Canada ne convenait pas à tout le monde. Pour exploiter une concession statutaire, il fallait non seulement trimer dur, mais aussi avoir du capital et de l’intelligence. Par conséquent, seuls les paysans dotés de moyens et d’une certaine instruction pouvaient envisager de réussir dans cette voie. En outre, Dmytriw reconnaissait que, du point de vue psychologique, s’adapter à une région aussi inhospitalière que les Prairies canadiennes était difficile. Pourtant, il donnait beaucoup de conseils pratiques à ceux qui étaient déterminés à s’y établir.
En parcourant le Canada, Dmytriw constata que les colons de plus longue date méprisaient les Ukrainiens. En raison de cas d’ivrognerie et de manque de savoir-vivre – attribuables selon lui à un passé de servage –, on les jugeait indésirables. Il blâmait l’intelligentsia et le clergé ukrainiens de ne pas éduquer la paysannerie. Pour lui, les modèles à suivre étaient les immigrants ukrainiens qui s’efforçaient d’apprendre l’anglais, d’acquérir les méthodes d’agriculture canadiennes et de s’initier à la culture de leur nouvelle patrie, plus raffinée que la leur selon lui. Sous ses dehors pessimistes, il était convaincu que les enfants des immigrants réussiraient au Canada.
Épuisé et aux prises avec des difficultés financières, Nestor Dmytriw dut retourner aux États-Unis en 1899 pour prendre un repos bien mérité. Il continua à collaborer à Svoboda en rédigeant des articles sur des questions sociales et religieuses. La popularité de ses histoires canadiennes l’amena à publier ses observations sur la vie des Ukrainiens en Pennsylvanie. À l’occasion, il encouragea même des mineurs et ouvriers industriels au chômage à se faire agriculteurs dans l’Ouest canadien. Il desservit plusieurs paroisses catholiques ukrainiennes en Pennsylvanie et au New Jersey. Penseur libéral et militant social, il eut souvent des conflits avec les éléments conservateurs de l’Église ukrainienne. On ne sait presque rien de ses dernières années.
Nestor Dmytriw est l’auteur de Canadian Ruthenia (Jersey City, N.J., 1897 ; réimpr., Winnipeg, 1972) [texte en ukrainien].
Encyclopedia of Ukraine, Volodymyr Kubijovyc, édit. (5 vol. en 6, Toronto, 1984–1993).— V. J. Kaye, Early Ukrainian settlements in Canada, 1895–1900 ; Dr. Josef Oleskow’s role in the settlement of the Canadian northwest (Toronto, 1964).— M. H. Marunchak, Biographical dictionary to the history of Ukrainian Canadians (Winnipeg, 1986) [texte en ukrainien].— Jaroslav Petryshyn, Peasants in the promised land : Canada and the Ukrainians, 1891–1914 (Toronto, 1985).— Jubilee book of the Ukrainian National Association, in commemoration of the fortieth anniversary of its existence, Luka Myshuha, édit. (Jersey City, 1936) [texte en ukrainien].— Julian Stechishin, History of Ukrainian settlements in Canada (Edmonton, 1975) [texte en ukrainien traduit par Isidore Goresky sous le titre A history of Ukrainian settlement in Canada, David Lupul, édit. (Saskatoon, Saskatchewan, 1992)]
Oleh W. Gerus, « DMYTRIW, NESTOR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dmytriw_nestor_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
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