DICKINSON, MOSS KENT, homme d’affaires et homme politique, né le 1er juin 1822 dans le canton de Denmark, comté de Lewis, New York, fils de Barnabas Dickinson et de Lydia Davenport ; le 25 novembre 1846, il épousa à Toronto Elizabeth Mary Trigge, et ils eurent trois fils et trois filles ; décédé le 19 juillet 1897 à Manotick, Ontario.

Natif de la Nouvelle-Angleterre, le père de Moss Kent Dickinson était un homme plein d’initiative : en plus d’être entrepreneur de transport postal et transitaire, il assura après 1812 des services de transport public par diligence et par bateau à vapeur entre Montréal et Prescott, et compte parmi les fondateurs de Dickinson’s Landing, sur le Saint-Laurent. Il exerça par la suite des activités semblables sur le canal Érié, dans l’état de New York, et fut victime de l’épidémie de choléra en 1832. Il laissa à son fils son goût pour les transports.

Le jeune Moss Kent fréquenta l’école primaire de Cornwall et de Prescott avant de poursuivre ses études dans le canton de Denmark et à Lowville, situé tout près, dans l’état de New York. Après un bref service dans une milice juvénile, à Prescott, pendant la rébellion de 1837–1838, il partit à l’automne de 1838 travailler avec l’ex-associé de son père, Hiram Norton, à titre de commis de magasin à Lockport, dans l’Illinois. De retour dans le Haut-Canada en 1840, il acquit une autre expérience en travaillant au bureau de poste et de douane que dirigeait son beau-frère, Alpheus Jones, à Prescott.

Installé à Kingston en 1844, Dickinson acheta un bateau à vapeur et un chaland pour transporter des produits agricoles par les voies navigables de la Rideau, des Outaouais et du Saint-Laurent, et pour expédier le bois de la vallée de l’Outaouais par le canal Rideau vers Oswego, dans l’état de New York, et un bras du canal Érié. En 1848, il se fixa à Montréal pour mieux gérer un réseau de transit qui avait été étendu vers l’est jusqu’à Québec et vers le sud jusque dans la région du lac Champlain, par les canaux de la rivière Richelieu. Son entreprise, l’Ottawa and Rideau Transportation Line, comptait des bureaux à Kingston, à Ottawa, à Montréal et à Québec, de même qu’en deux endroits des États-Unis : Burlington, dans le Vermont, et Whitehall, dans l’état de New York. La compagnie devint particulièrement apte, après 1850, à approvisionner en bois les marchés de l’est des États-Unis par canal ou par chemin de fer, et elle possédait en 1865 une flottille d’au moins 11 bateaux à vapeur, 55 chalands et plusieurs remorqueurs.

Vers 1850, Dickinson s’était associé, à Bytown (Ottawa), à l’entrepreneur forestier et homme d’affaires bien en vue Joseph Merrill Currier*, pour fabriquer du bois d’œuvre. Les deux hommes semblent aussi avoir géré le commerce de bois de Thomas McKay* et de John MacKinnon à New Edinburgh (Ottawa). En 1858, ils achetèrent des terrains qui longeaient la rivière Rideau, près de l’île Long, et louèrent à bail l’énergie hydraulique produite par un nouveau barrage-déversoir construit dans le chenal ouest de la rivière. Devenu veuf, Dickinson s’était installé à Ottawa au début de 1851. Currier avait fait entrer dans l’entreprise de l’île Long deux mécaniciens d’Ottawa, Horace Merrill* et Nathaniel Sherrald Blasdell. Le petit village de Manotick se forma autour des « Long Island Milling Enterprises » et, en 1863, Dickinson devint seul propriétaire de ce complexe : un moulin à farine qui servait aussi de scierie, auquel s’ajouta cette année-là un atelier de cardage de la laine et d’apprêtage des tissus.

En 1864, Dickinson fut élu maire d’Ottawa. Le groupement qu’il représentait, la Municipal Reform Association of Ottawa, était composé d’organismes des milieux d’affaires, dont le Board of Trade, l’Ottawa Association of Lumber Manufacturers et les entrepreneurs forestiers des chutes des Chaudières, tous furieux de l’endettement considérable de la municipalité et de la hausse des taxes. Pendant ses trois mandats comme maire (1864–1866), il négocia la cession de l’Ottawa and Prescott Railway (alors criblée de dettes et sur laquelle la municipalité détenait une hypothèque) au Grand Tronc, qui la renomma la Compagnie du chemin de fer du Saint-Laurent à l’Ottawa. Pendant la crise fénienne de 1866 [V. Michael Murphy*], il se porta volontaire dans l’Ottawa City Rifle Corps. Il eut la satisfaction de voir la Confédération se réaliser et sa ville devenir la capitale du nouveau dominion.

En 1867, Dickinson réorganisa son entreprise de transit en compagnie par actions et devint membre du conseil d’administration avec Currier, George Heuback de Montréal, Lawrence Barnes de Burlington et Ezra Butler Eddy* de Hull. Deux ans plus tard toutefois, invoquant la concurrence de plus en plus forte des chemins de fer et les problèmes de commercialisation éprouvés depuis l’abrogation de la réciprocité, il vendit ses intérêts dans l’Ottawa and Rideau Forwarding Line et alla s’installer en 1869 ou 1870 à Manotick, où il pouvait accorder toute son attention à la M. K. Dickinson’s General Trading and Manufacturing Depot and Farmer’s Exchange. L’entreprise comptait alors un moulin à blé et à farine, un atelier de rabotage et de fabrication de bardeaux, un magasin général, une tonnellerie et un atelier de menuiserie où l’on fabriquait des meubles de même que des pièces en bois pour les chariots, les voitures et les traîneaux. On y ajouta vers 1875 une fabrique de bondons, de bouchons et de faussets. Autour de l’élégante maison à deux étages de Dickinson, le petit village de Manotick se développa ; en 1879, 400 personnes y vivaient.

Dickinson n’avait jamais épargné ses critiques quant à la façon dont on administrait et entretenait le canal Rideau. En 1864, il négocia la construction d’un pont qui donnerait accès à Manotick par l’île Long. Six ans plus tard, il fit pression sur le ministre des Travaux publics, Hector-Louis Langevin*, pour que le canal soit mieux adapté à l’exportation massive de bois vers Albany, dans l’état de New York. En 1882, après que les moulins en aval du barrage de Poonamalie eurent manqué d’eau pendant six semaines, Dickinson présenta au département des Chemins de fer et Canaux une pétition qui mettait 45 entreprises en cause et demandait qu’on fasse les aménagements nécessaires pour que le réservoir des lacs Rideau s’alimente principalement à la rivière Tay. Même s’il n’était plus transitaire, il considérait toujours les canaux comme des moyens de liaison importants pour le pays.

Comme il avait défendu les intérêts des meuniers, des municipalités et des usagers des canaux, Moss Kent Dickinson se laissa persuader de briguer les suffrages dans Russell aux élections fédérales de 1882. Il représentait le parti conservateur dirigé par son vieil ami sir John Alexander Macdonald, qu’il avait connu à Kingston dans les années 1840. Élu en 1882, il ne disputa pas son siège en 1887 ; de nouveau candidat en 1891, il fut défait par William Cameron Edwards. Dickinson, qui était de religion presbytérienne, mourut à Manotick six ans plus tard. Ses bateaux avaient parcouru la plupart des voies navigables de l’est ontarien, du Québec, des états de New York et du Vermont, mais c’est d’abord pour avoir été l’un des premiers à transiter par le canal Rideau, puis pour s’être consacré au développement de Manotick, que Dickinson mérita le titre de « roi de la rivière Rideau ».

Larry Turner

AN, MG 26, A ; RG 5, B47, 8, Johnstown, entry 8 ; RG 11, B1(a), 185, docket nos 11483, 13210 ; RG 31, C1, 1861, Gower (North), enumeration district 1 : 5 ; RG 43, CI, la, 2007, part. ii : 101–103 ; 2023, part. ii : 328–330.— AO, North Gower Township, abstract index to deeds, broken front concession, lots 1–2 ; deeds, nos 12954 1/2, 13064, 17121–17123, 20809 (mfm).— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 13 : 220 (mfm aux AN).— Canada, Parcs Canada, Ontario Region (Cornwall), Division des parcs et lieux hist. nationaux, « Long Island », (Rideau Canal preliminary site study ser., no 11, 1976).— Ottawa Citizen, 14 févr. 1860.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— E. F. Bush, Commercial navigation on the Rideau Canal, 1832–1961 (Ottawa, 1981).— C. L. Carroll, King of the Rideau : a novel based on the life of Moss Kent Dickinson (Manotick, Ontario, 1974).— J. H. Taylor, Ottawa : an illustrated history (Toronto, 1986).

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Larry Turner, « DICKINSON, MOSS KENT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dickinson_moss_kent_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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