DICK, ROBERT, ministre baptiste, journaliste, réformateur et inventeur, né le 12 janvier 1814 à Bathgate (région de Lothian, Écosse), neuvième enfant et quatrième fils de James Dick et de Janet Brown ; le 11 janvier 1838, il épousa Mary Muir, et ils eurent cinq enfants ; décédé le 9 décembre 1890 à Buffalo, New York.

La famille de Robert Dick immigra au Haut-Canada en 1821, en même temps que plusieurs centaines d’Écossais des Lowlands, par l’intermédiaire de la Trongate Society of Lanarkshire, pour qui des terres avaient été réservées dans le district de Johnstown. Malgré la mort de leurs parents au cours du voyage, les enfants prirent possession du lot 13 de la neuvième concession du canton de Lanark ; Robert aida à abattre les arbres, à dresser des clôtures, à faire de la culture et à fabriquer de la potasse.

Bien qu’issus d’une famille presbytérienne, quatre des cinq garçons devinrent ministres de l’Église baptiste Free Will, ainsi nommée parce qu’elle rejetait la doctrine de la prédestination. Il se peut que Robert Dick ait été autorisé par l’Église à prêcher dès l’âge de 16 ans et, peu de temps après, il commença d’étudier les humanités et les mathématiques en vue d’entrer au collège. En 1836, Robert et son frère William (1812–1853), garçon au caractère sombre, furent admis à la Hamilton Literary and Theological Institution de Hamilton, New York, qui allait devenir par la suite la Colgate University. Ils furent parmi les premiers prédicateurs de l’Église baptiste Free Will à fréquenter le collège, après un demi-siècle d’existence de cette secte. Priés de quitter cette institution dès leur première année, parce qu’ils avaient mis sur pied une société antiesclavagiste parmi les étudiants, ils entrèrent au Hamilton College de Clinton, New York. William en sortit diplômé en 1841 mais il semble que Robert ait quitté le collège sans avoir obtenu de diplôme, peut-être parce qu’il s’était marié en 1838. (Le collège lui remettra une maîtrise honorifique ès arts en 1875.) En 1839, il fut ordonné ministre à Ames, dans le comté de Montgomery, New York ; il exerça son ministère dans cette ville ainsi qu’à Middleville, dans le comté de Herkimer, New York, jusqu’en 1843.

Le goût prononcé de Dick pour la polémique se trouva attisé par l’atmosphère de ce qu’on appelait à l’époque le « Burned-over District », cette région du nord de l’état de New York reconnue pour son enthousiasme religieux. En 1842, il rédigea une brochure au nom de l’assemblée trimestrielle de Clinton de l’Église baptiste Free Will, qu’il intitula Close communion, the offspring of arrogance [...], dans laquelle il soutenait que la table de communion devait être accessible à tous les croyants évangéliques, qu’ils soient baptistes ou non. Il fit également campagne contre l’esclavage et pour la totale abstinence. Secrétaire correspondant de la New York Éducation Society – sous le pompeux patronage de laquelle l’assemblée trimestrielle de Clinton fonda, en 1841, le Clinton Seminary, évangélique et abolitionniste, qui devint plus tard le Whitestown Seminary – il contribua à mettre l’accent davantage sur l’éducation que sur l’inspiration dans la formation des prédicateurs de la secte. Dick revint ensuite au Canada où il exerça son ministère à l’église de son village d’adoption, Lanark, de 1843 à 1847 ; également prédicateur itinérant dans les régions avoisinantes, il enseigna pour gagner sa vie et aida William Dick à établir la cause baptiste dans la ville de Bytown (Ottawa). De 1847 à 1849, les deux frères tinrent une école à Brockville. C’est là qu’ils fondèrent, en juin 1848, la première loge canadienne des Sons of Temperance, société américaine de secours mutuel créée sur le principe de la totale abstinence ; l’assemblée de la division du Haut-Canada de cette société se tint à Brockville en avril 1849. C’est là également que Robert Dick commença, en 1849, à publier l’Unfettered Canadian, organe de la Canadian Eclectic Medicine Society, association qui avait adopté le mode de traitement médical mis au point par le médecin américain Samuel Thomson. Cette feuille lutta contre l’adoption d’une loi selon laquelle seuls les diplômés des écoles de médecine traditionnelles auraient été autorisés à exercer au Canada ; elle espérait obtenir pour « tout homme qui le réclame le libre droit de choisir « la philosophie et les moyens [d’assurer sa] santé ».

Toronto étant devenu pour un temps la capitale provinciale, Robert Dick s’y installa avec l’Unfettered Canadian en 1849. Son frère Alexander (1817–1901) y arriva à peu près à la même époque. En deux ans, Robert avait fondé quelque 60 loges des Sons of Temperance à Toronto et dans les environs. Mais lui et son frère Alexander ne tardèrent pas à voir leur influence décliner au sein de la société pour avoir préconisé sans succès la séparation d’avec les loges américaines qui n’admettaient pas les Noirs en leur sein et parce que Robert réclamait 15 shillings, pour couvrir les dépenses, à chaque fois qu’une loge était fondée. Après 1851, il gagna sa vie comme colporteur, vendant des livres et des brochures dont il était parfois l’éditeur ; il donnait aussi des conférences sur la tempérance et prêchait dans les campagnes aux environs de Toronto, arrivant sans s’annoncer pour diffuser l’Évangile aussi bien lors d’un pique-nique que d’un enterrement. À l’été de 1855, la Canada Baptist Union, disparue en 1848, fut réorganisée, en partie à l’instigation de Dick et principalement pour les baptistes évangéliques. Dick devint, à bon droit, directeur du « colportage ».

À cette activité déjà débordante, Dick ajouta la publication à Toronto, de 1854 à 1858, d’un mensuel intitulé Gospel Tribune, for Alliance and Intercommunion throughout Evangelical Christendom, sous-titré par la suite Christian Communionist. Il y défendait la réunion de tous les fidèles évangéliques en une seule Église, l’abstinence totale et le bannissement de toutes les Églises et autres organisations qui excluaient les Noirs et les Indiens. Même s’il affirmait compter 7 000 abonnés en 1856, 1 500 abonnements demeuraient impayés en 1858, année de crise économique où la revue cessa de paraître. C’est en s’attaquant à la liste des abonnés récalcitrants que Dick fit les trouvailles qui devaient lui apporter la fortune. Exaspéré par le temps que prenaient l’inscription des adresses sur les bandes et la vérification des dates d’échéance des abonnements, il mit au point un système permettant d’accélérer ces deux opérations. Il inventa une machine à adresser capable d’apposer en une heure des milliers d’étiquettes préparées à l’avance et de servir en même temps de répertoire et de registre courant. Par la suite, il perfectionna son invention brevetée, l’« Union Mailer », et ses dispositifs annexes, et conçut une nouvelle invention permettant de bloquer les caractères dans les formes d’imprimerie. En 1868, il affirmait que plus de 300 journaux et revues d’Amérique du Nord utilisaient son procédé ; parmi les 12 qui l’employaient au Canada, on comptait le Globe et le Leader, deux journaux de Toronto.

Dick quitta Toronto pour Buffalo où il s’installa de façon permanente en 1859, probablement dans le but de faire reconnaître son brevet aux États-Unis. Bien que ses découvertes l’eussent rendu riche, il n’en continua pas moins de prêcher par les chemins et dans les chapelles, jusqu’à ce que l’âge et la fortune l’amènent à se rapprocher de la secte plus prestigieuse des congrégationalistes, dans les années 1880. Il forma la Buffalo Law and Order Society qui s’opposa à l’ouverture des cabarets le dimanche, mais il refusa toujours de se joindre au parti prohibitionniste, car il trouvait que l’abstinence devait être quelque chose de volontaire. Ses sympathies politiques allaient aux républicains ; ses deux fils s’étaient engagés dans l’armée des États-Unis durant la guerre de Sécession, et l’aîné était mort sous l’uniforme.

Dick décéda d’une pneumonie en 1890 ; il laissait sa femme et une fille qui était veuve. Ses brevets d’invention revinrent à son frère et associé, Alexander, qui avait déménagé avec lui à Buffalo ; Alexander Dick apporta certaines améliorations à la machine à adresser, connue dès lors sous le nom de « Matchless Mailer », et obtint un brevet d’invention à son propre nom pour son « Fairy Nest Cradle », sorte de berceau suspendu, qu’on pouvait balancer à l’aide d’une pédale.

Robert Dick, homme au style direct et déclamatoire, parcourait les campagnes et les villes muni de sacoches pleines de littérature édifiante, dont la plus grande partie avait été écrite ou publiée par lui. Son évangélisme reposait sur sa foi dans le libre arbitre, qui l’amena, en toute logique, à défendre la libre communion pour tous les croyants, l’abstinence totale mais non la prohibition légale, le libre choix et la simplicité dans les soins médicaux et l’abolition des barrières raciales. Même s’il aimait beaucoup présider aux inaugurations d’institutions et assister aux réunions, son perfectionnisme en faisait un homme difficile, créant le vide autour de lui. Mais ce furent finalement son impatience et son ardeur à améliorer les choses qui l’amenèrent à mettre au point les inventions qui firent sa fortune.

Barrie Dyster

Robert Dick est l’auteur de Close communion, the offspring of arrogance : answer of the Clinton quarterly meeting to the circular letter of the Onondaga Association [...] (Utica, N.Y., 1842), et éditeur de Unfettered Canadian (Brockville, Ontario, et Toronto), 1849–1850, de la Gospel Tribune [...] (Toronto), 1854–1858, et du trimestriel Dick’s Patent Expositor (Buffalo, N. Y., et Fort Erie, Ontario) ; un exemplaire de ce dernier, daté de novembre 1868, se trouve aujourd’hui à la Burke Library, Hamilton College et Kirkland College (Clinton, N. Y.), comme pièce annexée à une lettre de Dick à Edward North, 19 janv. 1869.  [b. d.]

APC, RG 1, L3, 295, L20/32 ; 296, L21/61 ; 297a, L2/54 ; 299, L4/18.— General Register Office (Édimbourg), Register of births and baptisms for the parish of Bathgate, 1814.— Anti-Slavery Soc. of Canada, Annual report (Toronto), 1857.— Canada Baptist Union, Annual report [...] (Montréal), 1844–1846.— The Canadian Baptist Register (Toronto), 1856–1860.— Hamilton College, Letter of the half century annalist for the year 1891 [...] (s.l., [1891]).— A memorial of the semi-centennial celebration of the founding of Hamilton College, Clinton, N.Y. (Utica, 1862).— Sons of Temperance, Grand Division of Canada West, Proc. (Brockville et Hamilton, Ontario), 1850–1852.— Globe, 27 août, 14 sept., 28 nov. 1850.— Watchman (Toronto), 9 sept., 11 nov. 1850.— Free Baptist cyclopædia, G. A. Burgess et J. T. Ward, édit. (Chicago, 1889).— The Free Baptist register and year book [...], 1842–1902.— Hamilton College, Complete alumni register, 1812–1922 (Clinton, 1922).— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 106.— W. R. Cross, The Burned-over District ; the social and intellectual history of enthusiastic religion in western New York, 1800–1850 (Ithaca, N. Y., 1950).— Andrew Wilson, A history of old Bytown and vicinity, now the city of Ottawa (Ottawa, 1876).

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Barrie Dyster, « DICK, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dick_robert_11F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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