DEWART, HERBERT HARTLEY, avocat et homme politique, né le 9 novembre 1861 à Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec), fils d’Edward Hartley Dewart* et de Dorothy Matilda Hunt ; le 5 février 1891, il épousa à Sparta, Ontario, Emma J. Smith ; décédé le 7 juillet 1924 près d’Uxbridge, Ontario.

Herbert Hartley Dewart vit le jour à Saint-Jean à l’époque où son père, Irlandais d’origine et ministre de l’Église méthodiste wesleyenne, y était prédicateur. En 1865, les Dewart s’établirent à Toronto, où le révérend atteindrait la notoriété en tant que rédacteur en chef du Christian Guardian et membre du conseil d’administration de la Victoria University. Des études à la Toronto Model School et au Toronto Collegiate Institute préparèrent le jeune Herbert Hartley à réussir dans la vie publique. Son père, auteur d’un opuscule intitulé The Canadian speaker and elocutionary reader (Toronto, 1868), encouragea sans doute ses dons d’orateur. La politique libérale et la tempérance étaient deux des causes les plus chères au révérend. Le jeune Dewart embrasserait la première, mais non la seconde.

Dewart obtint une licence ès arts de la University of Toronto en 1883. Sachant que le droit était un bon prélude à une carrière politique, il étudia à l’Osgoode Hall et fut admis au barreau en 1887. Pendant ses études de droit, il avait participé à la formation du Young Men’s Liberal Club, dont il fut président en 1887–1888. Il exerça à Toronto avec divers associés, entre autres William Edgar Raney*, un de ses futurs adversaires politiques. En 1891, il fut nommé procureur de la couronne dans le comté d’York.

Le spectaculaire procès pour meurtre de la couturière Clara Ford, en 1895, donna à Dewart l’occasion de se faire remarquer, car Britton Bath Osler* se retira de la poursuite à cause du décès de sa femme. L’issue de l’affaire semblait évidente – l’accusée avait avoué – mais l’avocat de la défense, Ebenezer Forsyth Blackie Johnston*, était un vieux renard et, à la surprise générale, le jury prononça un verdict d’acquittement. Néanmoins, les interventions brillantes (et souvent acerbes) de Dewart avaient suscité l’admiration de la presse et de ses collègues du barreau. En 1899, il reçut le titre de conseiller de la reine. Sa participation à la poursuite dans certaines des plus singulières affaires criminelles du début du siècle accrut sa renommée. Malgré son ascension ultérieure en politique, bon nombre de ses contemporains l’estimeraient davantage en tant qu’avocat. Après avoir démissionné de son poste de procureur de la couronne en 1904, il continua à faire de la pratique privée : il prit des affaires civiles, assura la défense dans des causes criminelles et fut conseiller juridique de plusieurs grandes entreprises, dont la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Membre éminent du barreau, il serait élu au conseil de la Law Society of Upper Canada en 1911. Par ailleurs, à l’instar de son père, il trouva le temps de s’intéresser à l’enseignement supérieur (en 1906, il fut élu au conseil de la University of Toronto, où il fut examinateur en anglais), d’écrire (notamment sur la poésie irlando-canadienne) et de donner des conférences. Ainsi, en janvier 1906, devant le Young Men’s Liberal Club, il parla du « caractère populaire de la politique du gouvernement libéral à l’égard du pouvoir des entreprises ».

Tout en pratiquant le droit, l’ambitieux Dewart, fervent admirateur de sir Wilfrid Laurier*, cultivait ses relations avec les organisations libérales fédérale et ontarienne. En prenant part à quelques enquêtes publiques à titre d’avocat de la partie adverse, il comprit mieux les manœuvres électorales et gouvernementales. Candidat défait à deux élections fédérales – en 1904 dans Toronto South et en 1911 dans York Centre –, il accéda enfin à l’Assemblée législative de l’Ontario en août 1916 à la suite d’une élection partielle dans Toronto Southwest, première circonscription torontoise remportée par les libéraux depuis 1890. Dépourvu d’expérience parlementaire, il ne tarda pourtant pas à briller par sa pugnacité dans les débats, son éloquence et ses talents d’avocat.

Mû par une propension à l’indépendance qui lui nuisait parfois, Dewart adopta des positions controversées sur des sujets aussi délicats que la prohibition et la conscription, auxquelles il s’opposa en invoquant des arguments constitutionnels. Dès son élection, il désavoua ouvertement la politique libérale sur la tempérance, ce qui déclencha une querelle entre lui et le chef du parti, Newton Wesley Rowell*. L’entrée de Rowell au gouvernement fédéral de coalition en 1917 n’arrangea pas les choses : comme les autres « libéraux de Laurier », Dewart avait ce gouvernement en horreur. L’accession de Dewart à la direction des libéraux de l’Ontario, en juin 1919, provoqua des dénonciations de la part de Rowell et de la presse libérale. Pour le Christian Guardian, Dewart n’était que le « principal représentant des marchands d’alcool à l’Assemblée législative ».

Peu après avoir pris la tête des libéraux, Dewart subit sa première épreuve : les élections d’octobre 1919. Même si les libéraux n’avaient pas exercé le pouvoir depuis 14 ans, il aspirait au fauteuil de premier ministre. C’était viser trop haut. Non seulement son parti était-il divisé, mais lui-même commit l’erreur de s’en prendre surtout à son vieux rival George Howard Ferguson*, directeur de la campagne (et futur chef) des conservateurs. En plus, il sous-estima le mécontentement des ruraux ontariens, comme bien des hommes politiques urbains. Le vote de protestation alla à un nouveau parti, les Fermiers unis de l’Ontario. Durant leur tumultueux mandat de quatre ans, l’irascible Dewart les assaillit, en attaquant principalement le premier ministre Ernest Charles Drury* et le procureur général William Edgar Raney. Cependant, les libéraux manquaient trop de cohésion pour qu’il réussisse à leur faire jouer le rôle de l’opposition efficacement. En 1921, malade et las de ces chicanes, il céda la direction au whip libéral, Francis Wellington Hay*. Sa combativité en Chambre ne faiblit pas pour autant. En mai 1922, au moment où une loi parrainée par Raney et autorisant la perception d’une taxe sur les champs de courses allait recevoir la sanction royale, Dewart, dans un geste « sans précédent » et « spectaculaire », se leva et demanda au lieutenant-gouverneur Henry Cockshutt* s’il avait reçu des avis sur la constitutionnalité de cette loi. Sa carrière en politique électorale prit fin en juin 1923 par sa défaite cuisante au profit d’un quelconque conservateur.

Loin d’opter pour une vie contemplative, Herbert Hartley Dewart continua de faire de la pratique privée. Plus tard en 1923, il fut nommé à la commission chargée de produire une nouvelle refonte des lois du pays. La même année, on parla de son accession prochaine à la Cour suprême du Canada – honneur qu’il devait ardemment souhaiter. Âgé de 62 ans, il mourut – de surmenage, d’après les nécrologies – à Brookdale, sa maison de campagne près d’Uxbridge, et fut inhumé cimetière Necropolis de Toronto. Il laissait dans le deuil sa femme, sa mère et son frère. Le premier ministre du pays, William Lyon Mackenzie King*, figurait parmi ceux qui tenaient les cordons du poêle et des personnages tel Ernest Lapointe*, ministre de la Justice dans le cabinet de King, envoyèrent des messages de condoléances. Ces témoignages suggèrent que, si Dewart avait vécu, il aurait fort bien pu recevoir d’autres récompenses pour ses longues années de service à la collectivité et de loyauté envers le Parti libéral.

Carolyn Strange

ANQ-M, CE604-S32, 12 févr. 1862.— AO, RG 80-5-0-185, nº 2567.— BAC, MG 27, II, F1.— Globe, 8–10 juill. 1924.— Annuaire, Toronto, 1887–1923. — Canadian annual rev., 1915—1923.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— H. [W.] Charlesworth, Candid chronicles : leaves from the note book of a Canadian journalist (Toronto, 1925).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 3.— Peter Oliver, G. Howard Ferguson : Ontario Tory (Toronto, 1977).— Margaret Prang, N. W. Rowell, Ontario nationalist (Toronto et Buffalo, N.Y., 1975).— Carolyn Strange, « Wounded womanhood and dead men : chivalry and the trials of Clara Ford and Carrie Davies », dans Gender conflicts : new essays in women’s history, Franca Iacovetta et Mariana Valverde, édit. (Toronto, 1992), 149–188.

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Carolyn Strange, « DEWART, HERBERT HARTLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dewart_herbert_hartley_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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