DESPARD, JOHN, officier et administrateur colonial, né en Irlande en 1745, cinquième fils de William Despard ; il épousa Harriet Anne Hesketh, et ils eurent une fille ; décédé le 3 septembre 1829 à Swan Hill, Oswestry, Angleterre.

John Despard commença sa carrière militaire le 21 avril 1760, date à laquelle il devint enseigne dans le 12th Foot. L’année suivante, il reçut son baptême du feu en Allemagne, à la bataille de Vellinghausen, et, le 12 mai 1762, il acheta une commission de lieutenant. Mis à la demi-solde au retour de la paix en 1763, il passa au 7th Foot le 1er septembre 1768 et arriva dans la province de Québec avec son régiment en 1773. Il retourna en Angleterre l’année suivante pour y faire du recrutement et revint à Québec en mai 1775. En novembre, il faisait partie de la troupe cantonnée au fort Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu) qui se rendit aux soldats de Richard Montgomery*. Libéré à la suite d’un échange de prisonniers en décembre 1776, il fut aussitôt envoyé à New York. Il reçut le grade de lieutenant-capitaine le 25 mars 1777, puis celui de capitaine le 7 octobre. En octobre également, il participa à la prise du fort Montgomery, dans l’état de New York. En mai 1778, il fut nommé major dans une unité de loyalistes, les Volunteers of Ireland, et, en décembre 1779, il s’embarqua pour la Caroline du Sud en qualité d’adjudant général adjoint de l’armée qui était envoyée là-bas. Présent à la capitulation de Charleston, en Caroline du Sud, en mai 1780, il continua à combattre sous les ordres de lord Cornwallis en Caroline du Nord, en Caroline du Sud et en Virginie, jusqu’à la reddition des Britanniques à Yorktown, en Virginie, au mois d’octobre 1781. Il s’illustra particulièrement pendant cette période de sa carrière : il participa à 24 engagements et frôla deux fois la mort lorsque ses chevaux furent tués sous lui.

Despard fut promu major dans le 7th Foot le 13 juin 1789 et lieutenant-colonel le 13 juillet 1791. Il rejoignit son régiment à Québec en 1793 et, l’année suivante, il reçut l’ordre du prince Edward* Augustus, commandant des forces des provinces Maritimes et colonel du 7th Foot, de surveiller le recrutement en Angleterre pour les besoins du régiment, tâche dont il s’acquitta avec succès. Despard revint servir sous les ordres du prince à Halifax en 1795 et, le 21 juin de la même année, il fut promu colonel dans l’armée. Il semble qu’Edward Augustus ait eu une grande confiance dans les capacités de Despard, et les promotions de ce dernier se multiplièrent : Parce qu’il était major général (grade qu’il reçut le 21 juin 1798), il fut nommé au commandement militaire du Dorset en 1799. Toutefois, il n’exerça que peu de temps ses nouvelles fonctions, car il fut pressenti par Edward Augustus, devenu duc de Kent, et George III, pour occuper le poste de commandant militaire (et celui d’administrateur civil, par voie de conséquence) de la colonie du Cap-Breton. Despard se rendit à leur demande et, au mois d’août 1799, il était nommé à l’état-major des forces armées de la Nouvelle-Écosse.

La première difficulté à laquelle Despard eut à faire face venait de sa nomination. En effet, le général de brigade John Murray ne voulait pas résigner ses fonctions d’administrateur civil. Quand Despard arriva à Halifax en mai 1800, le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, sir John Wentworth*, l’informa donc que sa commission ne l’autorisait qu’à remplir le rôle de commandant militaire. Despard se rendit à Sydney le 16 juin et, au début, il ne fit aucune tentative pour supplanter Murray au poste d’administrateur. Cependant, au mois d’août, ayant décidé de défier Murray, il exigea que celui-ci lui remette les rênes du gouvernement. En septembre, Wentworth se ravisa et annonça à Despard qu’à titre de commandant militaire il était, d’office, administrateur civil. Cette déclaration incita Despard à agir. Le 17 septembre, il convoqua le Conseil exécutif de la colonie pour se faire reconnaître comme administrateur et, en même temps, il ordonna à la milice locale de se tenir en alerte. Sydney vivait alors dans un état de grande animation, créé par les deux factions qui cherchaient à gagner des appuis. Une foule favorable à Murray se rassembla, et la violence ne fut évitée que grâce à la présence des miliciens. Par cette démonstration de force, Despard brisa la résistance de Murray et de ses partisans au conseil, qui avaient à leur tête le révérend Ranna Cossit*. Ils ne se présentèrent pas à la réunion du conseil et furent éclipsés par les alliés de Despard, dirigés par Archibald Charles Dodd. Une fois qu’il eut pris la tête du gouvernement et qu’il eut reçu l’appui du conseil, Despard entreprit d’améliorer la situation économique de la colonie. En novembre 1801, il loua les mines de charbon au procureur général intérimaire, William Campbell ; toutefois, n’étant pas satisfait du travail de ce dernier, il prit la direction des mines au nom de la couronne en février 1804. Il nomma alors John Corbett Ritchie, marchand de Halifax, au poste de surintendant. Sous la gouverne de Ritchie, les galeries des mines furent prolongées, un nouveau puits fut creusé et le quai desservant les mines fut renforcé et rallongé jusqu’en eau plus profonde, afin de faciliter le chargement des gros navires. Grâce à ces améliorations, la production du charbon s’accrut substantiellement, augmentant d’environ 2 000 chaldrons (72 000 boisseaux) entre 1805 et 1807. Sydney pouvait dès lors expédier du charbon en quantité suffisante à Halifax et à Terre-Neuve.

Au début du mandat de Despard, la colonie se trouvait dans une situation économique précaire, parce que l’absence d’une chambre d’Assemblée l’empêchait de se procurer des revenus. Par contre, Despard estima que 10 000 gallons de rhum étaient importés chaque année et qu’une taxe de 1s 3d par gallon rapporterait annuellement £600 au gouvernement, laquelle somme pourrait servir à apporter des améliorations dont les services publics, surtout les chemins, avaient grand besoin. En décembre 1800, il soumit cette idée au conseil, qui convint qu’une ordonnance coloniale pourrait imposer une telle taxe. Le projet fut ensuite présenté à la Trésorerie. Ayant persuadé cette dernière que sans cette taxe les contribuables britanniques auraient à supporter le coût des améliorations, Despard reçut en juillet 1801 l’approbation demandée, même si l’on admettait qu’une pareille mesure était illégale.

En même temps, Despard s’attaqua au problème des terres. En interdisant la concession des terres à partir de 1790, le gouvernement britannique avait chassé les colons éventuels, tandis que d’autres s’étaient simplement approprié des lots, privant ainsi la colonie de revenus. Despard découvrit qu’un grand nombre de terres qui avaient déjà été concédées aux loyalistes par le lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres, en particulier 100 000 acres autour de la rivière Mira, avaient été abandonnées ou n’avaient jamais été occupées. Avec l’approbation du gouvernement britannique, Despard institua un tribunal d’escheat afin de reprendre possession de ces terres, et c’est ainsi que de nombreux lots furent disponibles pour la vente ou l’affermage.

La stabilité du climat politique ainsi que la possibilité pour la colonie de toucher des revenus et de disposer des terres créèrent une conjoncture des plus favorables. Au début d’août 1801, un navire bondé d’Écossais, le premier à se rendre directement à l’île du Cap-Breton, arriva à Sydney avec 415 passagers. Cette arrivée massive fut à l’origine de la grande vague d’immigrants qui allait faire de l’île le territoire le plus peuplé d’Écossais dans tout le Canada. Désirant vivement recruter des colons, Despard offrit aux nouveaux arrivants des terres et une aide financière. Cette prompte intervention, jointe à des mesures financières et agraires efficaces, fut sans doute un facteur déterminant dans l’afflux incessant de colons écossais au Cap-Breton. En cinq ans, la population de la colonie passa de 2 500 à près de 5 000 habitants, et de nouveaux établissements surgirent tout le long du littoral. En juillet 1803, on autorisa la construction à Sydney d’une nouvelle halle destinée à recevoir les produits de l’île, qui se faisaient de plus en plus nombreux. En outre, des moulins à farine apparurent à divers endroits et, de 1801 à 1805, le nombre de navires construits dans la colonie augmenta de presque 25 %, passant de 217 à 267.

À mesure que la population et l’économie évoluaient, la situation politique se transformait elle aussi. L’esprit de dissension égoïste d’autrefois changeait peu à peu et s’alignait sur des principes idéologiques. Ce changement était l’œuvre de Richard Collier Bernard DesBarres Marshall Gibbons, fils de l’ancien juge en chef de la colonie. Il s’éleva contre la taxe sur le rhum et, dès 1805, il réclama une chambre d’Assemblée afin que les revenus du rhum puissent être légalement perçus. Gibbons devint le porte-parole de l’ancienne faction de Cossit et, au début, il dut faire face à l’opposition de Dodd, alors doyen des conseillers, qui jugeait que la colonie était encore trop petite pour se payer une chambre d’Assemblée. Despard lui-même montra peu d’enthousiasme pour le projet de Gibbons, soucieux qu’il était du bien-être matériel de la colonie. En outre, il escomptait probablement que l’impopularité de Gibbons allait freiner ce mouvement en faveur d’une chambre d’Assemblée, mouvement que la prospérité économique avait déjà empêché de se propager trop rapidement.

Gibbons continua néanmoins à réclamer une chambre d’Assemblée. Quand Dodd fut nommé juge en chef en 1806, il commença lui aussi à douter de la légalité de la taxe sur le rhum. Constatant que Dodd et Gibbons se rapprochaient de plus en plus, Despard décida de se retirer. Il abandonna ses fonctions en juillet 1807, non seulement à cause de la situation politique, mais aussi en raison de son état de santé et probablement de certains problèmes familiaux survenus à la suite de l’exécution de son frère en 1803 pour haute trahison.

Despard passa la fin de sa vie dans une semi-retraite en Angleterre. Il reçut promotion par-dessus promotion : il fut nommé colonel du 12th Royal Veteran Battalion le 25 juin 1808, colonel du 5th West India Regiment le 29 décembre 1809, et général le 4 juin 1814. Il fut finalement emporté par des « ulcères d’intestin », mal dont il avait déjà souffert pendant son séjour au Cap-Breton.

Gouverner la colonie du Cap-Breton exigeait de la patience, de l’imagination, de la sensibilité, ainsi que des talents d’administrateur et d’homme d’affaires, qualités qu’on ne prête pas habituellement aux militaires. John Despard possédait tous ces traits de caractère, lesquels joints à sa « nature [...] douce et joyeuse » le rendirent populaire auprès des autorités britanniques et en firent l’administrateur colonial le plus compétent et le plus efficace de l’île du Cap-Breton.

Robert J. Morgan

APC, MG 11, [CO 217] Nova Scotia A, 131.— PANS, MG 1, 262B ; RG 1, 53.— PRO, CO 217/117–125.— Gentleman’s Magazine, juill. –déc. 1829 : 369–370.— DNB.— The royal military calendar, containing the service of every general officer in the British army, from the date of their first commission [...], John Philippart, édit. (3 vol., Londres, 1815-[1816]), 1 : 129–130.— R. J. Morgan, « Orphan outpost » ; « Sydney’s debt to John Despard administrator of Cape Breton, 1800–1807 », Essays in Cape Breton history, B. D. Tennyson, édit. (Windsor, N.-É., 1973), 24–34.

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Robert J. Morgan, « DESPARD, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/despard_john_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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