DE SÈVE, ALFRED (baptisé Joseph-Alfred-Marie Desèves), violoniste, professeur de musique et compositeur, né le 26 janvier 1858 à Montréal, fils d’Alexandre Desèves, avocat, et de Marie-Marguerite Lenoir-Rolland ; en 1880, il épousa Joséphine Bruneau, pianiste, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 25 novembre 1927 à Montréal.
Entouré de deux frères et de plusieurs sœurs, qui presque tous pratiquaient la musique, Alfred De Sève manifesta très tôt une disposition pour le violon. Après quelques leçons avec un certain M. Doré, il entreprit, à l’âge de sept ans, des cours avec Oscar Martel, professeur au petit séminaire de Montréal, où De Sève donna son premier récital après seulement six mois d’étude. En 1869, Martel ayant quitté Montréal pour un an, De Sève trouva en Frantz Jehin-Prume* un maître d’une grande valeur. Son apprentissage devait être irrégulier pendant les sept années suivantes, ses deux professeurs partageant alors leur temps entre le Canada et l’Europe.
De Sève termina ses études classiques en 1873 au petit séminaire de Montréal, qu’il fréquentait depuis 1869. Trois ans plus tard, sous l’impulsion de Jehin-Prume, il s’embarqua pour Paris. Il s’inscrivit d’abord chez le violoniste et compositeur espagnol Pablo de Sarasate, qui voulut le faire entrer au Conservatoire de Paris. De Sève se rendit plutôt chez le virtuose Henri Vieuxtemps, qui, malgré son âge vénérable et son mauvais état de santé, accepta de prendre le jeune Canadien sous sa tutelle. De Sève passa bientôt chez Hubert Léonard, avec qui il étudia pendant 18 mois. Entre février et juin 1878, il se fit entendre avec éclat dans la haute société parisienne. Fort de ses succès, ayant même acquis le titre honorifique de violoniste à la cour d’Isabelle II, reine d’Espagne, il regagna le Canada vers la fin de l’été 1878.
Dès son retour, De Sève donna de nombreux concerts dans les principales villes du dominion, où on lui réserva un accueil chaleureux. À l’occasion d’une soirée à la résidence du gouverneur général à Ottawa, le marquis de Lorne [Campbell*], l’épouse de ce dernier, la princesse Louise* Caroline Alberta, le nomma « violoniste de Son Altesse royale ». En 1880, il se maria avec la pianiste Joséphine Bruneau, dont la mère avait épousé en secondes noces Louis-Olivier Taillon, futur premier ministre de la province de Québec. Joséphine devint alors l’accompagnatrice de son époux jusqu’au moment où une maladie nerveuse la plongerait progressivement dans un état catatonique.
Malgré les promesses d’une belle carrière au Canada, De Sève s’exila à Boston en 1881. En cette ville, qui lui offrait des occasions plus vastes et plus prestigieuses, débuta la période la plus active de sa vie d’artiste. De 1881 à 1889, il enseigna le violon au New England Conservatory of Music, où il devint, selon l’annuaire de l’établissement pour 1888–1889, « l’un des professeurs les plus populaires ». Il fut membre du Boston Symphony Orchestra dès sa fondation en prenant part aux saisons de 1881–1882, 1883–1884 et 1884–1885, où il se fit entendre comme soliste dans le Concerto en mi mineur, op. 64 de Mendelssohn et dans l’Introduction et rondo capriccioso, op. 28 de Saint-Saëns. Il occupa aussi des postes importants dans divers ensembles de Boston qui l’amenèrent à se produire un peu partout aux États-Unis. En 1891, il succéda à Calixa Lavallée* comme maître de chapelle de la cathédrale Holy Cross, à Boston ; les deux hommes entretenaient des liens cordiaux au moins depuis le séjour du violoniste à Paris. De Sève semble avoir amassé une fortune assez considérable de ces activités, qu’il réinvestissait à Montréal dans des propriétés et à la bourse. C’est d’ailleurs la gestion de ses affaires (et probablement aussi son état de santé) qui incita son retour au bercail en 1899.
En 1900, De Sève participa à quelques concerts au Her Majesty’s Theatre de Montréal, en compagnie de son épouse, puis joua dans plusieurs quatuors à cordes jusqu’en 1906, avec des musiciens tels Émile Taranto, Joseph-Jean Goulet* et Jean-Baptiste Dubois. Mais c’est surtout à l’enseignement qu’il consacra le reste de sa vie. Il fut professeur au McGill Conservatorium of Music de 1904 à 1906, puis tint un studio privé, avenue Esplanade. Plusieurs de ses élèves connurent des carrières actives, dont Alexander Brott, Albert Chamberland, Eugène Chartier, Marcel Saucier, Lucien Sicotte et Noël Brunet. De Sève s’éteignit le 25 novembre 1927, victime d’une affection cardiaque dont il souffrait depuis son séjour aux États-Unis. Il laissa plusieurs compositions, surtout pour violon et piano, publiées à Boston. En 1931, on donnerait son nom à une rue de Montréal, dans le quartier Saint-Henri, qui le vit naître.
D’une stature robuste et d’un caractère opiniâtre, Alfred De Sève fut un soliste à la technique solide, d’une fougue parfois excessive, mais dont on louait la sincérité artistique. Il exerça sur ses nombreux élèves un magnétisme imposant. Dans un article qu’il fit paraître dans le Devoir quelques jours après la mort du musicien, Arthur Letondal se souvint de lui « pour son très grand talent, pour sa carrière glorieuse et le lustre qu’il a jeté sur l’art musical au Canada ».
Deux œuvres d’Alfred De Sève sont conservées à la Bibliothèque nationale du Québec (Montréal) : Angels lullaby, op. 7 (Boston, 1918) ; Slumber song (Boston et New York, 1890). Malgré de nombreuses recherches, il a été impossible de retracer l’acte de mariage de De Sève.
ANQ-M, CE601-S6, 26 janv. 1858.— Boston Public Library, Boston Symphony Orchestra scrapbooks, A. A. et M. A. Brown et al., compil. (mfm), 1881–1882.— MUA, RG39, c.68.— « Au conservatoire du McGill : les professeurs canadiens-français », la Patrie, 16 mai 1904.— L.-O. David, « Alfred Desève », l’Opinion publique (Montréal), 10 oct. 1878 ; « Concert Desève », l’Opinion publique, 17 oct. 1878.— Le Devoir, 25 nov. 1927.— Arthur Letondal, « Alfred De Sève », le Devoir, 28 nov. 1927.— Le Monde illustré (Montréal), 13 oct. 1894.— « Mr Desève’s concert », Canadian Spectator (Montréal), 21 déc. 1878.— « Notre violoniste canadien à Paris », l’Opinion publique, 30 mai 1878.— Léon Trépanier, « Petite Histoire locale », la Voix populaire (Montréal), 3, 17, 24, 31 oct., 7 nov. 1951.— « Alfred De Sève », le Canada artistique (Montréal), 1, no 1 (prospectus, déc. 1889) : 1.— Encyclopedia of music in Canada (Kallmann et al.).— J.-A. Houle, « Frantz Jehin-Prume (1839–1899) : son apport culturel au milieu québécois » (thèse, Conservatoire de musique du Québec, Montréal, 1989).— M. A. De Wolfe Howe, The Boston Symphony Orchestra, 1881–1931 (New York, 1931).— Arthur Laurendeau, « Musiciens d’autrefois : Alfred Desève », l’Action nationale (Montréal) 35 (1950) : 186–196.— The musical red book of Montreal [...], B. K. Sandwell, édit. (Montréal, 1907).— New England Conservatory of Music, Calendar (Boston) 1888–1889.— Les Rues de Montréal (Montréal, 1995).
Jacques-André Houle, « DE SÈVE, ALFRED (baptisé Joseph-Alfred-Marie Desèves) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/de_seve_alfred_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
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