DAWSON, sir JOHN WILLIAM, géologue, paléontologue, auteur, professeur, fonctionnaire, éditeur, rédacteur et administrateur scolaire, né le 13 octobre 1820 à Pictou, Nouvelle-Écosse, fils de James Dawson et de Mary Rankine ; décédé le 19 novembre 1899 à Montréal.

John William Dawson (qui fut toujours connu sous son second prénom) était fils d’immigrants écossais. À sa naissance, son père exploitait un florissant commerce d’import-export, possédait des navires et tenait une librairie-papeterie à Pictou. La crise économique du milieu des années 1820 et une série de catastrophes maritimes qui touchèrent ses navires le laissèrent dans de graves difficultés financières. Ses créanciers l’autorisèrent à consolider ses dettes à condition qu’il rembourse le montant avec intérêt au cours des décennies suivantes, et qu’il limite son activité commerciale à ses occupations de libraire, de papetier et d’imprimeur. Dans les années 1840, après plus de dix ans d’une décente misère, la famille Dawson était devenue relativement aisée par rapport aux autres habitants de Pictou. Néanmoins, la dette demeura un souci constant, jusqu’à son extinction, dans les années 1850.

William Dawson, fervent chrétien, estimait que son devoir filial lui imposait de participer à l’acquittement de la dette et cette conviction eut des conséquences déterminantes sur les débuts de sa vie d’adulte. Il tenait son ardente foi de son père, conseiller presbytéral de l’Église presbytérienne et adepte d’une théologie fortement évangélique. Un ami intime de la famille, le révérend James Drummond MacGregor*, anti-burgher convaincu, joua aussi un rôle dans la formation des croyances du jeune William. Pour Dawson, celles-ci faisaient partie intégrante de la vie ; elles allaient d’ailleurs fortement influencer ses vues sur la science et l’éducation.

Dawson reçut ce qu’il appelait sa « formation générale » du révérend Thomas McCulloch*, à la Pictou Academy qui était avant tout un collège préparatoire pour ministres presbytériens. À la fin de son cours, il possédait une base solide en latin, en grec, en physique et en biologie ainsi qu’une connaissance pratique de l’hébreu. De sa propre initiative, il dévorait tous les ouvrages de géologie et d’histoire naturelle qui lui tombaient sous la main. Tant dans la campagne qui environnait Pictou que dans la forêt pétrifiée de South Joggins (Joggins), située à 70 milles à l’est, il recueillait des minéraux, des coquillages et des spécimens naturels de toutes sortes. Pour enrichir son impressionnante collection, il faisait des échanges avec des géologues et des naturalistes néo-écossais, tels Abraham Gesner*, Thomas Trotter* ou Isaac Logan Chipman, et même avec des naturalistes de Boston. À l’automne de 1840, il entra à la University of Edinburgh, où il suivit des cours de géologie et de taxidermie ; il y apprit aussi à préparer des coupes fines d’animaux et de plantes fossiles pour l’observation au microscope. Dans les années 1850 et 1860, ses études microscopiques de fossiles lui vaudront une réputation enviable qui allait durer toute sa vie, et il fut un pionnier canadien dans ce domaine. Au printemps de 1841, il dut cependant abandonner ses études et rentrer à Pictou en raison des difficultés financières de sa famille.

En 1842, Charles Lyell, considéré aujourd’hui comme le père de la géologie moderne par la plupart des spécialistes des sciences de la terre, se rendit à Pictou pour étudier les imposants dépôts houillers d’Albion Mines (Stellarton), au sud de la ville. Son principal guide fut Dawson, et de cette rencontre naquit une amitié durable, basée sur le respect mutuel. Vers 1845, encouragé et conseillé par Lyell, Dawson effectua, en Nouvelle-Écosse, énormément de travaux sur le terrain, dont il publia les résultats dans le Quarterly Journal de la Geological Society of London. Au même moment, il entreprit sous contrat des programmes d’exploration pour des entrepreneurs miniers qui cherchaient, dans la province, des dépôts minéraux et houillers à exploiter.

Au cours de ces années, Dawson envisagea sérieusement de se faire ordonner ministre presbytérien. Il y renonça pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu’il ne voyait pas comment un salaire de pasteur pourrait lui permettre d’aider son père à acquitter le solde, encore élevé, de sa dette. En outre, il était très épris de Margaret Ann Young Mercer, qu’il avait rencontrée à Édimbourg en 1840 (elle était la fille d’un marchand aisé de cette ville). Malgré qu’ils aient dû se séparer lorsque Dawson était rentré en Nouvelle-Écosse en 1841, ils poursuivirent une correspondance assidue jusqu’à son retour à Édimbourg en janvier 1847. Ils se marièrent le 19 mars, avec la bénédiction du père de la jeune fille. Opposée à cette union, la mère de celle-ci n’assista pas à la cérémonie et demeura brouillée avec sa fille durant des années.

Au début de 1847, Dawson s’était inscrit de nouveau à la University of Edinburgh pour suivre un cours de chimie appliquée qui l’aiderait à faire ses explorations à des fins commerciales. Toujours à Édimbourg, il fit lithographier une petite carte géographique de la Nouvelle-Écosse, qu’il avait dressée à partir de diverses sources. Elle parut dans A hand book of the geography and natural history of the province of Nova Scotia, qu’il publia pour la première fois en 1848 à Pictou ; adopté plus tard par les écoles néo-écossaises, ce manuel connut de nombreuses rééditions. Imprimé en format de poche, il décrivait en détail la géographie de la province, comté par comté, et contenait de brèves sections sur ses institutions politiques et judiciaires ainsi que sur ses confessions religieuses. Il présentait aussi une analyse statistique de la population et les grandes lignes de la géologie, de la faune et de la flore néo-écossaises.

Dawson rentra en Nouvelle-Écosse, au printemps de 1847 ; il était le premier habitant d’Amérique du Nord britannique à avoir reçu une formation de géologue d’exploration. Dans les années suivantes, il fit beaucoup de travaux pratiques, tant en Nouvelle-Écosse que dans diverses régions du Bas et du Haut-Canada, sur des dépôts de houille, de fer, de cuivre et de phosphate. Sa première mission importante, en août et septembre 1848, consista à évaluer, pour le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, les possibilités d’exploitation des gisements de charbon du sud de l’île du Cap-Breton. Par ailleurs, il donna des cours d’histoire naturelle et de minéralogie appliquée à la Pictou Academy en 1848 et au Dalhousie College en 1850.

Dawson prenait à cœur les problèmes que connaissait sa province natale en matière d’éducation, particulièrement l’ignorance des fermiers néo-écossais sur la chimie agricole et d’autres aspects scientifiques de l’agriculture. Il rédigea des textes techniques et des articles de journal sur le moucheron du blé, un insecte nuisible de la région, et sur une maladie venue d’Europe, la rouille de la pomme de terre, qui faisaient tous deux des ravages dans la province. En 1850, ses amis de la chambre d’Assemblée, Joseph Howe* et George Renny Young*, le persuadèrent d’accepter le nouveau poste de surintendant de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse. Howe avait trouvé l’argument décisif : comme ses fonctions l’amèneraient à parcourir toute la province, Dawson pourrait continuer à y faire ses propres études géologiques.

Dawson se plongea dans son nouveau travail avec le zèle et l’enthousiasme qui le caractérisaient. Sa première mesure à titre de surintendant fut de visiter les écoles publiques du Massachusetts, du Connecticut et de l’état de New York, afin de se renseigner sur les programmes, les écoles normales, la construction des écoles et leur financement. Il se rendit compte dès le début de la nécessité d’un soutien public pour les réformes qu’il projetait ; il visita donc systématiquement tous les districts scolaires de la province, et autant d’écoles qu’il le put. Dans les grands centres, il suscita la formation d’associations d’enseignants, et il mit sur pied, à leur intention, un certain nombre d’instituts, des cours d’une semaine sur divers sujets suivis de discussions ouvertes sur les problèmes particuliers à chaque région. Après deux ans de déplacements (1850 et 1851) dans la province et d’enquêtes sur tous les aspects de l’éducation, il recommanda l’introduction, dans toutes les écoles, d’un programme uniforme, enseigné par des professeurs qualifiés. Il prôna aussi l’instauration d’un système d’imposition pour financer les écoles et il souligna l’importance de l’école normale. Il lança à Halifax en 1851 un périodique qui expliquait et analysait les réformes proposées : le Journal of Education for Nova Scotia, dont il écrivait une bonne partie des articles.

Le gouvernement fut lent à réagir à ses propositions, et Dawson démissionna en 1852 après avoir remis son rapport, invoquant « les exigences de ses préoccupations et devoirs personnels ». Il avait joué un rôle majeur dans la fondation de la Normal School de Truro, qui ouvrit enfin ses portes en 1855, et il fut l’un des premiers commissaires de cette école provinciale. Il avait imprimé une poussée vigoureuse à l’enseignement de la chimie agricole et, voyant qu’aucun manuel approprié n’était disponible, il en rédigea plusieurs, dont Scientific contributions towards the improvement of agriculture in Nova Scotia, paru à Pictou en 1853, et Practical hints to the farmers of Nova-Scotia [...], publié à Halifax en 1854. Refondus et révisés à l’intention des écoles de la province de Québec, ces deux manuels seraient publiés en 1864 à Montréal par John Lovell sous le titre de First lessons in scientific agriculture : for schools and private instruction [...].

En 1852, Lyell revint en Nouvelle-Écosse et étudia, avec Dawson, l’intérieur des troncs d’arbre fossiles que laissaient voir les falaises du rivage de Joggins. Les deux chercheurs découvrirent les plus anciens vestiges reptiliens alors connus en Amérique du Nord (et rares ailleurs dans le monde). Par la suite, on baptisa Dendrerpeton acadianum le reptile en question. Au même endroit, ils trouvèrent les restes, tout aussi rares, d’un escargot qui reçut le nom de Pupa vetusta. La découverte de ces formes de vie si anciennes dans l’échelle géologique eut une grande importance pour les paléontologues, puis pour les évolutionnistes. Jusqu’à la fin de sa vie, Dawson se consacrera, à diverses reprises, à l’étude et à la description de ces animaux aérobies trouvés à Joggins. En 1863, il publiera à Montréal et à New York sa plus précieuse contribution sur le sujet, Air-breathers of the coal period [...], monographie qui suscite encore l’admiration des paléontologues. Sa dernière communication importante sur ces animaux, publiée par la Société royale du Canada dans ses Mémoires de 1894, s’intitulera « Synopsis of the air-breathing animals of the Palæozoic in Canada, up to 1894 ».

Élu membre de la Geological Society of London en 1854, Dawson termina la même année le manuscrit d’une œuvre monumentale, Acadian geology [...], qui parut à Édimbourg et à Londres l’année suivante. Il s’agissait d’un guide pratique sur la géologie et les ressources économiques de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard, qui fit autorité. La quatrième et dernière édition, révisée et mise à jour, parut en 1891 ; elle comptait près de 700 pages alors que la première en avait 388.

On comprendra donc sans peine que Lyell ait recommandé chaleureusement la candidature de Dawson à la chaire d’histoire naturelle de la University of Edinburgh lorsqu’elle devint vacante en 1854. Selon un géologue britannique de l’époque, John Jeremiah Bigsby*, il aurait alors dit : « à présent, je compte surtout sur Dawson [...] pour faire avancer réellement la philosophie de la géologie ». Cependant, en août 1855, au moment où Dawson s’apprêtait à s’embarquer pour l’Angleterre afin d’aller promouvoir sa candidature, il apprit qu’on avait confié la chaire au botaniste George James Allman, surtout à cause des pressions de la faculté de médecine de l’université, qui voulait un botaniste plutôt qu’un géologue.

Presque en même temps, Dawson eut la surprise de se voir offrir la direction du McGill College de Montréal (il deviendrait le cinquième directeur de l’établissement). Les recommandations du gouverneur en chef, sir Edmund Walker Head*, avaient beaucoup pesé dans cette décision du conseil d’administration. C’est en 1852, au moment où il était lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, que Head avait connu Dawson par l’entremise de son vieil ami Lyell. Dawson l’avait tellement impressionné que deux ans plus tard on l’avait invité à faire partie d’une commission d’enquête sur la situation du King’s College de Fredericton [V. Edwin Jacob*], avec le surintendant des écoles du Haut-Canada, Egerton Ryerson*, les hommes politiques néo-brunswickois James Brown* et John Hamilton Gray*, ainsi que John Simcoe Saunders*. Les travaux de cette commission débouchèrent sur la fondation d’une université provinciale non confessionnelle, la University of New Brunswick. De par ses fonctions de gouverneur en chef, Head était d’office visiteur du McGill College. C’est lui qui convainquit les membres du conseil d’administration de nommer, à la tête de l’établissement, non pas un distingué humaniste de Grande-Bretagne, mais un scientifique sensible aux besoins éducationnels d’un jeune pays en pleine expansion et qui jouissait déjà d’une réputation internationale. Découragé par l’échec d’Édimbourg, Dawson accepta l’offre, même s’il connaissait peu Montréal et McGill. Toutefois, il se rendit d’abord en Grande-Bretagne, où il prononça plusieurs communications à l’assemblée annuelle de la British Association for the Advancement of Science.

Lorsque Dawson arriva à McGill en 1855 avec sa femme et ses enfants, il se trouva devant une situation déprimante. La faculté des arts était moribonde ; les deux édifices du collège (dont l’un devait servir en partie de résidence au directeur) étaient en ruine ; les vaches broutaient sur les terrains du collège, qui étaient reliés à la ville de Montréal par un tortueux chemin charretier à peu près impraticable une fois la nuit tombée. Les fonds faisaient défaut. Heureusement – et c’étaient là les deux seuls points encourageants – la faculté de médecine était florissante [V. Andrew Fernando Holmes*] et le conseil d’administration regroupait des hommes de valeur. On y trouvait, entre autres, Charles Dewey Day*, James Ferrier* et William Molson*, qui allaient donner sans compter temps et argent pour aider McGill à progresser. À l’instar de Dawson, ils estimaient que dans une société coloniale l’enseignement supérieur devait obéir à des considérations pratiques. À cette époque, comme le Canada-Uni avait besoin de personnes qui possèdent des compétences professionnelles, Dawson et le conseil d’administration se préparèrent à en former.

Les administrateurs purent constater que Dawson était bien l’homme dont le collège avait besoin. Ses préoccupations et ses compétences étaient aussi bien théoriques que pratiques. La University of Edinburgh lui décerna une maîtrise ès arts en 1856, en partie à cause de ses publications. Éducateur chevronné, doté d’une expérience du commerce et de la finance, Dawson était un conférencier brillant, un auteur populaire et un fervent chrétien. Sa grande énergie et sa détermination ne l’empêchaient pas d’être, en général, calme, bienveillant et courtois ; son humour était parfois lourd, mais toujours inoffensif. Au fil des ans, Dawson fit figure de véritable patriarche sur le campus de McGill, aimé et respecté pour sa prévenance et sa patience par des générations d’étudiants, dont le plus élogieux fut sir William Osler*. Chaque trimestre, il invitait tous les élèves, par petits groupes, à prendre le thé chez lui, ce qui donnait souvent lieu à des concerts improvisés.

En 1857, Dawson connut son premier succès à McGill en établissant une école normale subventionnée par le gouvernement. Il allait être directeur et professeur de sciences à la McGill Normal School durant environ 13 ans, ce qui lui imposerait de lourds sacrifices (comme il s’en plaindrait plus tard). En effet, les cours n’y finissaient pas au début de mai, comme au collège, mais tard en juin, et il avait ainsi moins de temps à consacrer à sa passion : les travaux sur le terrain. Outre ses deux postes de directeur, Dawson assuma au début celui de professeur de chimie, d’agriculture et d’histoire naturelle (géologie, zoologie et botanique) ; il avait donc une pleine charge d’enseignement. Tout de même, il trouva le temps d’aménager le parc du collège, appelé aujourd’hui campus inférieur de McGill, et aida, avec sa femme, à planter les grands ormes qui ornèrent les lieux jusqu’à ce qu’une maladie les détruise presque un siècle plus tard. Un peu plus de dix ans après l’arrivée de Dawson à Montréal, le McGill College était un établissement florissant, qui commençait à se faire un nom dans l’est de l’Amérique du Nord. La recherche innovatrice et créative de Dawson en géologie, science la plus populaire du milieu du xixe siècle, ainsi que ses efforts pour regrouper un corps professoral compétent en biologie, physique et génie jetèrent les fondations de la réputation de McGill. Comme allait l’écrire le célèbre humoriste Stephen Butler Leacock*, professeur d’économie à McGill : « Plus que celle de n’importe quel individu ou groupe, McGill est son œuvre. »

En s’installant à Montréal, en 1855, Dawson se rapprocha des hommes de science américains et d’organismes comme la Smithsonian Institution de Washington et le Museum of Comparative Zoology de la Harvard University. Il noua de longues amitiés avec une foule d’hommes de science américains réputés, tels James Hall, John Strong Newberry, James Dwight Dana et Samuel Hubbard Scudder. Le directeur Dawson, comme on l’appelait généralement dans les cercles scientifiques, entretenait aussi des liens étroits avec des établissements britanniques et d’éminents géologues de Grande-Bretagne comme Lyell, Bigsby, William Crawford Williamson et Philip Herbert Carpenter. En 1888, il préconisera la formation d’une association impériale de géologie, mais sa proposition n’aura pas de suite.

En 1857, Dawson accueillit à Montréal les membres de l’American Association for the Advancement of Science, qui tenait pour la première fois son assemblée annuelle hors des États-Unis. Peu auparavant, la Société d’histoire naturelle de Montréal l’avait élu président ; il allait occuper ce poste pendant plus de 19 mandats et publier énormément dans le périodique de la société, le Canadian Naturalist and Geologist. En outre, il travaillait avec enthousiasme aux côtés de sir William Edmond Logan*, Thomas Sterry Hunt, Elkanah Billings* et d’autres membres de la Commission géologique du Canada (dont le siège était alors à Montréal) à faire rayonner dans le monde les recherches géologiques qui se faisaient dans cette ville.

Une fois installé à McGill, Dawson eut beaucoup moins souvent qu’auparavant l’occasion de faire de longues expéditions sur le terrain. Ses fonctions y étaient pour quelque chose, mais de plus il estimait nécessaire d’épargner à sa famille la chaleur de l’été montréalais. Pendant la plus grande partie des années 1860, la santé de son fils aîné, George Mercer*, fut un constant sujet d’inquiétude. (Le premier-né des Dawson, James Cosmo, était mort en 1849, peu après sa naissance.) Au printemps de 1860, George était tombé dans un ruisseau (celui dont le domaine de Burnside, propriété de James McGill*, tirait son nom, « burn » voulant dire « ruisseau » en écossais). Victime d’un refroidissement, il souffrit d’une infection de la moelle épinière qui fit cesser sa croissance et le laissa bossu. Dawson suivit de près l’éducation de son fils qui, une fois adulte, devint l’un des plus grands géologues explorateurs du Canada. C’est par souci de la santé des siens que Dawson choisit d’étudier principalement, pendant l’été, les plantes fossiles de la Gaspésie et du Maine. Ces endroits, faciles d’accès, étaient propices à de courtes expéditions de cueillette. En outre, ils recélaient les plus anciennes plantes connues de la colonne géologique, et les travaux que Dawson a faits sur elles se classent parmi ses plus grandes réalisations scientifiques. Ainsi, « On fossil plants from the Devonian rocks of Canada », article publié dans le Quarterly Journal de la Geological Society of London en 1859, a fait date dans l’histoire de la paléobotanique. Tout aussi importants furent ses travaux sur les plantes fossiles des formations canadiennes du dévonien et du silurien supérieur, publiés par la Commission géologique du Canada en 1871.

À son arrivée à McGill, Dawson avait entrepris une étude attentive des dépôts et fossiles glaciaires des environs de Montréal. Par la suite, il fit des études semblables dans la vallée du bas Saint-Laurent, où il participa à la fondation d’une colonie estivale et d’une église presbytérienne à Métis Beach (Métis-sur-Mer). Ses contributions à la connaissance de la flore et de la faune fossiles de la grande période glaciaire furent reconnues à leur juste valeur de son vivant. Cependant, il continuait d’adhérer à la théorie selon laquelle les principaux agents de l’action glaciaire avaient été les glaces flottantes, c’est-à-dire des morceaux de glace qui s’étaient détachés des glaciers et avaient charrié des blocs erratiques du soubassement rocheux strié pendant les périodes où la surface terrestre était partiellement immergée. Son attachement à cette position et son refus d’accepter la théorie de la grande calotte polaire, énoncée pour la première fois en Écosse par Louis Agassiz en 1840, créaient un grave conflit entre lui et d’autres géologues. De plus, Dawson avait constamment des critiques à formuler contre les théories de Dana et de Newberry. Il faut rappeler qu’il avait grandi sur les rivages de la Nouvelle-Écosse, l’un des deux seuls endroits habités au monde où l’on peut observer chaque année les effets des glaces flottantes. En étudiant les matériaux glaciaires de la province de Québec, il trouva nombre d’indices de la formation des dépôts sous l’action des glaces flottantes. Ce qu’on ignorait alors, c’est qu’à l’époque du recul de l’inlandsis laurentidien, qui par son seul poids avait abaissé le territoire où il se trouvait, une nappe d’eau qu’on appelle maintenant la mer de Champlain occupait toute la vallée du Saint-Laurent et s’étendait jusque dans le lac Champlain. Une grande quantité d’icebergs bourrés de blocs erratiques avaient flotté sur cette mer et laissé leur empreinte sur les dépôts sous-jacents. Dawson rassembla ses principaux travaux sur le sujet dans une monographie publiée à Montréal en 1872, Notes on the post-Pliocene geology of Canada [...] ; elle reparut en 1893 à Montréal, en version révisée et augmentée, sous le titre The Canadian Ice Age [...]. Dans ce dernier ouvrage, il admettait l’existence de grands glaciers dans les Laurentides et les Appalaches, mais n’acceptait pas encore tout à fait la théorie des nappes glaciaires. Ce n’est qu’après sa mort que fut résolu le mystère de la glaciation et que cette théorie s’imposa.

En 1864, le directeur de la Commission géologique du Canada, William Logan, demanda à Dawson d’examiner au microscope des restes apparemment organiques qui provenaient de la série laurentienne du Bouclier canadien, les plus anciennes roches alors connues au monde et que l’on croyait azoïques (sans vie). Dawson conclut que ces restes étaient organiques et les identifia comme ceux de foraminifères géants, forme primitive de vie animale. Carpenter, considéré à l’époque comme l’autorité britannique en matière de foraminifères, ainsi que plusieurs éminents paléontologues confirmèrent son identification. Le fossile, baptisé par Dawson Eozoön canadense (animal qui date de l’aube de la vie au Canada), fut présenté officiellement par Dawson, Logan, Carpenter et Hunt dans des communications publiées pour la première fois dans le Quarterly Journal de la Geological Society of London en février 1865. Le monde scientifique tout entier salua cette découverte soigneusement documentée qui allait établir une nouvelle époque géologique. L’ère éozoïque de Dawson allait accéder au même rang que d’autres ères, tel le paléozoïque. Puis, l’année suivante, deux géologues irlandais, William King et Thomas H. Rowney, eurent l’audace d’affirmer que l’Eozoön était inorganique : selon eux, c’était le produit de l’action de la chaleur et de composants chimiques sur le calcaire. Une querelle scientifique passionnée naquit autour de l’Eozoön canadense. La controverse allait faire rage presque jusqu’à la mort de Dawson (en 1895, il défendait encore son cher Eozoön contre une nouvelle attaque), et il n’abandonna jamais la conviction que les restes en question étaient organiques. Finalement, l’énigme fut résolue à la satisfaction de la plupart des spécialistes des sciences de la terre lorsque l’on découvrit, en 1895, des formes semblables à l’Eozoön parmi les projections volcaniques du Vésuve, en Italie. Aujourd’hui, on considère que l’Eozoön est inorganique.

Dawson avait publié en 1860, dans le Canadian Naturalist and Geologist, un examen critique de l’ouvrage de Charles Darwin paru depuis peu, On the origin of species [...]. Il y relevait les faiblesses de l’argumentation darwinienne en ce qui a trait aux renseignements trouvés dans les fossiles, faiblesses qui soulèvent encore de fervents débats, plus d’un siècle après. Aussi est-il ironique de constater qu’au moment où la Royal Society of London envisagea de donner à Dawson le titre de membre, en 1892, Darwin fut l’un des signataires de la recommandation qui aboutit à son élection. Bien sûr, Dawson avait d’autres motifs d’attaquer les théories évolutionnistes de Darwin. Chrétien fervent, il croyait fermement en un Dieu créateur – la nature ne pouvait pas être dépourvue d’intelligence et d’un plan. En outre, il estimait que la religion n’avait rien à craindre de la science : interprétées correctement, les Écritures étaient en harmonie avec elle, comme il le fit valoir dans Archaia [...], paru à Montréal et à Londres en 1860, et dans The origin of the world, according to revelation and science, publié en 1877 à Montréal. Carl Clinton Berger résume le point de vue de Dawson en soulignant que ce dernier s’opposait au darwinisme en raison de sa vision athée non seulement de la nature mais de l’homme. Il voyait dans le darwinisme la destruction des croyances religieuses et de la morale sociale. En 1890, il lança à Londres un ouvrage qui résumait sa position : Modern ideas of evolution [...]. Déjà, il pressentait qu’une vision athée de la nature conduirait l’homme à la dégrader. « Quand on considère l’homme comme un agent d’amélioration et d’innovation dans le monde, beaucoup de choses laissent supposer qu’il y a conflit entre lui et la nature, et qu’au lieu d’être l’élève de son milieu il en devient le tyran. Ainsi l’homme, et surtout l’homme civilisé, apparaît-il comme l’ennemi de la nature vierge, de sorte que, dans les régions où sa domination s’exerce le plus, nombre d’animaux et de plantes ont été exterminés, et presque toute la surface de la terre a subi l’action de ses procédés de culture et a perdu les caractéristiques de son état primitif [...] Par certaines opérations auxquelles il donne le nom de culture, l’homme tend à épuiser et à appauvrir le sol, qui cesse de subvenir à ses besoins et se transforme en désert [...] La progression de l’épuisement vers l’Ouest nous avertit qu’un jour peut-être, même dans des contrées relativement nouvelles comme l’Amérique, la terre cessera de pourvoir aux besoins de ses habitants. » Par la suite, Dawson devint un fidèle correspondant du Victoria Institute de Londres, qui se vouait à l’harmonisation de la Bible et de la science.

À compter de 1855, et jusqu’à peu de temps avant sa mort, Dawson prononça chaque année une quantité incalculable de conférences très prisées du public sur la science et la Bible, et sur des sujets connexes, devant les membres d’organismes comme la Young Men’s Christian Association (non seulement à Montréal mais dans tout l’Ontario) et l’institut des artisans. Pendant les vacances de Noël, il faisait de même dans de nombreuses villes américaines, dont New York, Boston, Philadelphie et Baltimore. Ces grands cycles de conférences furent à l’origine de livres populaires comme Nature and the Bible [...], paru à New York en 1875, The geological history of plants, publié dans la même ville en 1888, et Facts and fancies in modern science [...], lancé à Philadelphie en 1882.

Le populaire magazine hebdomadaire britannique Leisure Hour, publié par la Religious Tract Society à Londres, commanda à Dawson, en 1872, une série d’articles qui, comme il le disait lui-même, ne présenteraient « aucune trace d’agnosticisme ». Ils reparurent en 1873 à Londres dans un recueil intitulé The story of the earth and man, qui connut une douzaine d’éditions autorisées et deux éditions illégales aux États-Unis. Par la suite, Leisure Hour publia plusieurs autres séries d’articles de sa main. En un temps où le principe selon lequel « l’homme est d’abord fait pour rendre gloire à Dieu et l’aimer toujours » régissait encore la vie de la plupart des gens, Dawson se fit largement connaître, par ces textes destinés au grand public, comme un éloquent défenseur du christianisme contre la science athée ou agnostique. Il y présentait la science naturelle et l’anthropologie culturelle de façon à la fois sérieuse et vivante, sans jamais cesser d’attaquer le darwinisme. Cependant, ces textes ternirent sa réputation auprès des scientifiques de la génération suivante et ont eu tendance à éclipser, durant près d’un siècle, son œuvre exceptionnelle de scientifique et d’éducateur.

C’est par ses grands écrits scientifiques que Dawson fit de Montréal un centre international de géologie et de paléobotanique. Son zèle, sa haute moralité, sa courtoisie et sa bonté lui ouvrirent les demeures des riches familles montréalaises, qui acceptaient facilement son opposition absolue aux boissons alcooliques et versaient des fonds à McGill. On peut se demander si un fervent partisan de la théorie darwinienne de l’évolution aurait obtenu un tel appui à Montréal, où l’esprit de clocher et la crainte de Dieu régnaient encore. Dawson, lui, y parvint parce qu’il affirmait que la science, en tant qu’étude des œuvres de Dieu, était à la fois un devoir chrétien dont une université devait s’acquitter et une nécessité pratique pour un pays neuf.

Au cours de sa vie, Dawson publia quelque 350 textes scientifiques, imposants ou modestes. De ce nombre, environ 200 étaient consacrés à la paléontologie : plus de la moitié de ceux-ci traitaient de paléobotanique, environ un quart, de la paléontologie des invertébrés (à l’exclusion de l’Eozoön), un dixième, de la paléontologie des vertébrés (surtout des amphibies et des reptiles du carbonifère), et les autres, de l’Eozoön canadense. Ces proportions montrent l’importance relative de ses divers domaines d’intérêt scientifique. Parmi ses autres publications scientifiques, beaucoup traitaient de la glaciologie canadienne (notamment de la paléontologie du pléistocène). Dawson publia, à Montréal, plusieurs manuels pour les étudiants des universités canadiennes, dont Handbook of zoology [...], paru en 1870, qui avait l’originalité de présenter des exemples de fossiles de la région montréalaise, coraux et autres animaux marins. En 1880, parut Lecture notes on geology and outline of the geology of Canada [...], puis en 1889 une version beaucoup plus considérable de cet ouvrage, sous le titre de Handbook of geology for the use of Canadian students.

En creusant des fondations pour construire des maisons près du collège, des ouvriers avaient trouvé en 1860 divers vestiges d’un village aborigène, dont des ossements. Dawson en dirigea la récupération et, après examen, les déclara contemporains de la visite de Jacques Cartier* dans l’île de Montréal en 1535. Selon lui, ce site avait été celui du village indien d’Hochelaga. La même année, il décrivit en détail cette découverte dans le Canadian Naturalist and Geologist. Bien que par la suite des anthropologues aient contesté que ce site ait vraiment été celui d’Hochelaga, il reste que Dawson contribua à conserver, pour la postérité, un élément unique du patrimoine archéologique canadien.

À la fin des années 1860, à Montréal comme ailleurs, des pressions en faveur de l’accès des femmes à l’enseignement supérieur commençaient à se faire sentir. En 1870, Dawson et sa femme profitèrent donc d’un voyage dans les îles Britanniques pour observer ce qui se faisait dans ce domaine en Angleterre et en Écosse. À son retour à Montréal, plus tard dans l’année, Dawson consulta notamment Lucy Stanynought (Simpson) et Anne Molson, puis il préconisa la formation d’un groupement semblable à celui qui venait de voir le jour à Édimbourg. Le 10 mai 1871, naquit la Montreal Ladies’ Educational Association, dont le but était d’offrir des conférences sur divers sujets et de fonder par la suite un collège affilié à McGill. Dawson conçut et donna le cours d’histoire naturelle. Il était convaincu du bien-fondé des études supérieures pour les femmes, mais les obstacles ne manquaient pas à McGill : opposition résolue de la faculté des arts, pénurie de fonds, controverse irritante sur la formation de classes mixtes. En 1884, Donald Alexander Smith* fit une donation de 50 000 $ pour financer à la faculté des arts les deux premières années d’études en classes séparées pour les femmes. Par la suite, Dawson reconnut préférer les classes de ce genre, car il fallait protéger la nature délicate et sensible des jeunes femmes contre la rudesse des jeunes gens. Toutefois, il n’hésitait pas à dire qu’il aurait accepté des classes mixtes si Smith en avait fait une condition.

Insatisfait de vivre à Montréal, Dawson avait postulé en 1868 le rectorat de la University of Edinburgh. Il se sentait entravé dans ses travaux scientifiques par sa double charge d’administrateur et de professeur, le peu de temps qu’il pouvait consacrer à la recherche scientifique créative et l’isolement qu’il ressentait par rapport aux grands courants britanniques, européens et américains de la pensée scientifique. Ses quelques collègues montréalais prenaient de l’âge – c’était le cas de son grand ami Logan – ou vivaient désormais ailleurs, comme Hunt. Malgré des recommandations très élogieuses du Canada et d’outre-mer, il n’eut pas le poste. Cependant, sa libération de la direction de l’école normale en 1870 (William Henry Hicks lui succéda) et la création, en 1871, du département de sciences appliquées dont il rêvait depuis longtemps l’incitèrent à demeurer à McGill.

Dawson eut une influence marquante sur le développement et le maintien de l’enseignement protestant dans la province de Québec, tant avant qu’après la loi qui, en 1867, établit un système protestant distinct dans la province. Pendant de nombreuses années, il fit partie du Bureau des commissaires des écoles protestantes de la cité de Montréal et du comité protestant du conseil de l’Instruction publique. Dans son esprit, le système éducatif de la province avait la forme d’une pyramide : au sommet se trouvaient McGill et l’école normale, au milieu les collèges communautaires, comme le Morrin College de Québec [V. Joseph Morrin*], puis la pyramide s’élargissait de plus en plus jusqu’à la base, constituée des écoles élémentaires. Dawson apporta toujours un appui ferme aux instituteurs et il participait souvent à leurs réunions professionnelles. Jusqu’à sa mort, il s’intéressa aux réformes qui touchaient tous les niveaux de l’enseignement au Canada et contribua à adapter la formation aux besoins du pays.

Tout en affirmant l’absolue nécessité de maintenir, dans la province de Québec, un système protestant d’écoles séparées, Dawson n’approuvait pas l’établissement de systèmes catholiques distincts en Nouvelle-Écosse ou ailleurs au Canada, au Manitoba par exemple. D’après lui, il fallait un seul système public pour que l’enseignement soit éclairé, progressiste et non sectaire. Un système séparé ne se justifiait que dans la province de Québec, où la majorité franco-catholique donnait une forte teinte religieuse à toutes les composantes de son système d’éducation et refusait d’offrir le type de formation qu’il souhaitait.

Dawson participa toujours fidèlement aux œuvres de son Église. En Nouvelle-Écosse, il avait travaillé pour la Foreign Missionary Society de l’Église presbytérienne et avait été trésorier du synode de l’Église libre de la Nouvelle-Écosse en 1849 et en 1850. En outre, il avait milité dans le mouvement de tempérance, comme il allait le faire toute sa vie. À Montréal, il participa au mouvement des écoles du dimanche et dressa plus de 40 plans détaillés de textes bibliques à l’intention des instituteurs de ces écoles. Il s’opposait fermement à ce que l’on joue de la musique d’orgue pendant les offices religieux : elle distrairait les fidèles, et l’argent affecté à l’achat d’un orgue pourrait servir à des bonnes œuvres plus urgentes. À cause de la controverse que cette question souleva dans sa propre congrégation, il quitta l’église presbytérienne Erskine en 1874 et fonda, avec d’autres, l’église presbytérienne Stanley Street. De plus, il fut président de la branche montréalaise de la British and Foreign Bible Society.

En 1871, même si ses obligations à Montréal lui laissaient peu de temps pour la recherche, Dawson, avec l’aide de son futur gendre Bernard James Harrington*, professeur de chimie et de minéralogie à McGill, fit des levés à l’Île-du-Prince-Édouard et publia à Montréal, pour le gouvernement de cette province, Report on the geological structure and mineral resources of Prince Edward Island [...].

En 1878, le College of New Jersey, à Princeton (alors l’un des foyers de la lutte contre les théories darwiniennes de l’évolution), offrit à Dawson un poste de professeur d’histoire naturelle. Son salaire dépasserait le revenu qu’il gagnait à McGill et, ce qui comptait davantage, il aurait l’occasion de diriger des expéditions paléontologiques dans l’Ouest américain, où l’on avait fait peu de temps auparavant d’importantes découvertes d’animaux et de plantes fossiles. Pourtant, Dawson déclina l’offre en expliquant qu’il devait rester à Montréal afin de continuer à se battre pour que les protestants de la province conservent leurs droits et leurs établissements d’enseignement. Un autre facteur avait influé sur sa décision : s’il demeurait au collège, son ami Peter Redpath ferait un don à McGill pour la construction et la dotation d’un musée d’histoire naturelle. Toute sa vie, Dawson avait rêvé d’un établissement de ce genre. Inauguré en 1882, le Peter Redpath Museum domine encore le campus inférieur de McGill. Bien en vue, dans le hall d’entrée, se trouvait une plaque enluminée où l’on pouvait lire : « O Lord, how Manifold are Thy works ! All of them in wisdom thou hast made. » (« Ô Dieu, que tes œuvres sont en grand nombre ! Toutes, elles témoignent de ta sagesse. »)

En 1881, la Geological Society of London décerna la médaille Lyell à Dawson pour ses contributions exceptionnelles à la géologie. La même année, le marquis de Lorne [Campbell*], gouverneur général, lui confia le mandat de fonder une société royale au Canada. Dawson songea à créer une société semblable à la Royal Society de Londres, mais Lorne tenait à ce qu’elle ait une vocation plus large et embrasse non seulement les sciences, mais aussi les arts et la littérature. En effet, il avait compris que c’était le seul moyen d’intéresser un tant soit peu les érudits et les membres des professions libérales de la communauté francophone. Un comité provisoire rencontra donc Lorne, chez Dawson, en décembre 1881. Étaient présents Dawson, Hunt, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau*, Narcisse-Henri-Édouard Faucher de Saint-Maurice, Daniel Wilson, Goldwin Smith*, Charles Carpmael, Alfred Richard Cecil Selwyn*, George Lawson et John George Bourinot*. Ensemble, ils rédigèrent une constitution et proposèrent le nom de certains candidats. La société compterait deux sections d’humanités et deux de sciences. Dawson, président fondateur, déclara dans son discours à la première assemblée de la Société royale du Canada, en mai 1882, que seuls seraient admis « des hommes représentatifs et triés sur le volet, qui [auraient] accompli eux-mêmes une œuvre originale connue au moins au Canada ». La société, disait-il, créerait « un lien entre les travailleurs dispersés alors dans les diverses régions du dominion ». Les Mémoires, dans lesquels Dawson allait publier de nombreux articles, surtout sur les plantes fossiles de l’Ouest canadien, furent pendant des années l’un des principaux organes canadiens des savants du pays.

En 1882, l’American Association for the Advancement of Science se réunit de nouveau à Montréal, sous la présidence de Dawson. L’ouverture officielle du Peter Redpath Museum fut l’une des grandes attractions du congrès, qui fit date dans l’histoire des sciences au Canada. En 1884, la British Association for the Advancement of Science tint aussi son assemblée annuelle à Montréal ; cet événement n’avait encore jamais eu lieu en dehors des îles Britanniques. Deux ans plus tard, elle élut Dawson président, ce qu’il considéra comme le couronnement de sa carrière. Il devenait ainsi le seul homme à avoir occupé la présidence des sociétés américaine et britannique, les deux associations scientifiques les plus prestigieuses de l’époque.

Dawson prit sa première et unique année sabbatique en 1884 et se rendit en Italie, en Égypte et en Terre Sainte avec sa femme et leur fille aînée, Anna Lois. Ces « vacances » l’amenèrent à produire une masse d’articles sur la géologie et l’anthropologie de l’Égypte, du Liban et de la Syrie ainsi qu’un imposant ouvrage intitulé Modern science in Bible lands, qui parut à New York en 1887 et connut plusieurs éditions. Depuis le 24 mai 1881, Dawson était compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges. On le fit chevalier le 11 septembre 1884 ; la même année, son alma mater, la University of Edinburgh, lui décerna un doctorat en droit (McGill avait fait de même en 1857).

En 1892, après avoir souffert d’une grave pneumonie, Dawson reçut de ses médecins l’ordre de passer l’hiver dans un climat plus chaud. Il partit donc pour la Floride mais, à son retour à Montréal, au printemps, on lui conseilla de restreindre ses activités, car sa santé était encore chancelante. À regret, après avoir dirigé McGill durant 38 ans, il prit sa retraite en juin. Sous la direction de cet éducateur d’une énergie et d’une perspicacité extraordinaires, le collège, devenu la McGill University en 1885, avait connu une croissance sans précédent et avait atteint, par son envergure et son influence, le rang des grandes universités du monde – « surpassé seulement par Harvard en Amérique du Nord », dirait la notice nécrologique de Dawson dans le Times de Londres en 1899. Actif même durant sa retraite, Dawson présida, plus tard en 1893, l’assemblée annuelle de la Geological Society of America, dont il était le cinquième président, indice de la considération dont il jouissait dans les cercles de géologues américains. La même année, il publia à Londres Some salient points in the science of the earth, que l’on peut considérer comme son autobiographie scientifique. En 1896, à l’âge de 75 ans, il prononça l’allocution principale du cinquantenaire de l’Evangelical Alliance en Angleterre. En août, il lut une intéressante communication sur les fossiles précambriens à l’assemblée annuelle de la British Association for the Advancement of Science et fit des travaux sur le terrain au pays de Galles. Dans les années 1890, il produisit plusieurs de ses écrits religieux les plus longs, dont Eden lost and won [...], paru à Londres en 1895, et The seer of Patmos and the twentieth century, publié à New York et à Londres en 1898. En outre, il publia à Montréal, en 1898, la troisième édition d’une conférence prononcée pour la première fois en 1848 devant la Pictou Total Abstinence Society, The testimony of the Holy Scriptures respecting wine and strong drink [...].

Sir John William Dawson s’éteignit le 19 novembre 1899 après une longue maladie. On le pleura à Montréal et dans toute sa province d’adoption ; on parla de lui dans les journaux de bien des villes d’Amérique du Nord et d’outre-mer. Il laissait dans le deuil lady Dawson, trois fils, George Mercer, William Bell et Rankine, ainsi que deux filles, Anna Lois et Eva.

Peter R. Eakins et Jean Sinnamon Eakins

L’autobiographie de sir John William Dawson fut publiée après son décès sous le titre de Fifty years of work in Canada, scientific and educational [...], Rankine Dawson, édit. (Londres et Édimbourg, 1901). Dawson est l’auteur de plus de 400 volumes et articles traitant de plusieurs sujets. Le National union catalog et le British Library general catalogue contiennent des listes des volumes. Quant aux articles écrits par Dawson, le lecteur se référera aux bibliographies des ouvrages biographiques cités plus bas. Les auteurs ont déposé aux McGill Univ. Arch. une bibliographie de toutes les publications de Dawson.

McGill Univ. Arch., MG 1022 ; RG 2, J. W. Dawson, 1855–1893.— McGill Univ. Libraries, Dept. of Rare Books and Special Coll., ms coll., CH380.S342–4.— G. M. Dawson, The life of George Mercer Dawson [...] 1849–1901, Lois Winslow-Spragge, compil. ([Montréal, 1962]).— SRC, Index des Mémoires et autres publications, 1882–1982, R. H. Hubbard, compil. (Ottawa, 1987).— C. [C.] Berger, Science, God, and nature in Victorian Canada (Toronto, 1983).— T. H. Clark, « Sir John William Dawson, 1820–1899 », les Pionniers de la science canadienne, G. F. G. Stanley, édit. (Toronto, 1966), 101–113.— Frost, McGill Univ.— S. [B.] Leacock, Montreal, seaport and city (Garden City, N.Y., 1943).— A. B. McKillop, A disciplined intelligence : critical inquiry and Canadian thought in the Victorian era (Montréal, 1979).— G. P. Merrill, The first one hundred years of American geology (New Haven, Conn., 1924 ; réimpr., New York, 1969).— C. F. O’Brien, Sir William Dawson, a life in science and religion (Philadelphie, 1971).— Morris Zaslow, Reading the rocks : the story of the Geological Survey of Canada, 1842–1972 (Toronto et Ottawa, 1975).— H. M. Ami, « Sir John William Dawson, a brief biographical sketch », American Geologist (Minneapolis, Minn.), 26 (1900) : 1–49.

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Peter R. Eakins et Jean Sinnamon Eakins, « DAWSON, sir JOHN WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dawson_john_william_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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