DAVIS, SAMUEL, marchand, manufacturier et philanthrope, né le 4 juillet 1834 à Londres, fils de David Davis, gentleman-farmer ; en 1857, il épousa Minnie Falk, et ils eurent cinq fils et deux filles ; décédé le 30 novembre 1895 à Montréal.
Samuel Davis était tout jeune encore quand il débarqua à New York et s’y établit dans le commerce du tabac. Par la suite, il s’installa à Montréal, où il ouvrit en 1862 une petite manufacture de tabac qui produisait entre autres des cigares, ce qui était assez peu courant dans la ville à l’époque. Dès 1867, il faisait du commerce de gros, tenait deux magasins de détail à Montréal et finançait seul toute son affaire. La même année, son entreprise remporta un premier prix à l’Exposition universelle de Paris. À l’été de 1868, il prit un associé, Lyon Silverman, mais la compagnie connut des difficultés, si bien qu’au début de 1870 elle était sous séquestre.
Davis conclut une entente avec ses créanciers et se relança en affaires – grâce à des amis de New York, selon un agent de la maison d’évaluation du crédit des sociétés R. G. Dun and Company. Cependant, son principal bailleur de fonds était un prêteur sur gages de Montréal, Jacob Moss, qui investit environ 20 000 $ en 1872. Dès lors, la compagnie connut un essor rapide. En octobre 1874, elle employait 75 cigarières et cigariers, et son chiffre d’affaires annuel s’élevait à 300 000 $ environ. Sa cote de crédit était telle que la Banque de la cité et la Banque Molson, toutes deux montréalaises, lui prêtèrent de fortes sommes, ce qui la rendit moins dépendante de New York. En 1876, ses cigares remportèrent un premier prix à l’Exposition universelle de Philadelphie. On lui décernait régulièrement des honneurs semblables à des expositions provinciales.
Au début des années 1880, Davis prit trois de ses fils comme associés et, en 1883–1884, l’entreprise fit construire une vaste manufacture rue Côté. Le secteur manufacturier de la ville était en pleine expansion, et le tabac en était devenu un élément important. En fait, Montréal était la capitale canadienne du cigare : sa production était presque quatre fois supérieure à celle de ses deux grandes rivales prises ensemble, Toronto et Hamilton. La S. Davis and Sons était la plus importante des fabriques montréalaises de cigares. En 1888, celles-ci comptaient en moyenne 74 employés ; Davis en avait 457 et son principal concurrent, Jean-Marie Fortier, 275. Vers 1894, à peu près 600 personnes par année travaillaient dans son usine de sept étages, équipée de monte-charge à vapeur et d’un réseau téléphonique interne. À cette époque, la S. Davis and Sons avait absorbé une autre société montréalaise, la D. Ritchie and Company. En 1895, à la fondation de l’American Tobacco Company, elle s’intégra à cette société, dont Davis devint un gros actionnaire et dont son fils Mortimer Barnett* devint président.
De toutes les industries montréalaises, l’industrie du cigare était l’une de celles qui payaient les salaires les plus bas et qui employaient le plus de femmes et d’enfants. À compter de 1888, grâce aux machines à cigares, les fabricants purent congédier une partie de leurs cigarières et cigariers qualifiés et les remplacer par des jeunes filles et des jeunes garçons qu’ils désignaient frauduleusement sous le nom d’« apprentis ». Les salaires, maigres au départ, étaient souvent réduits par un régime arbitraire d’amendes, et certains employeurs avaient sur place une police et un cachot pour punir les apprentis. Fortier était probablement celui qui abusait le plus du régime d’apprentissage. Dans l’espoir de mettre fin à cet état de fait, les ouvriers avaient formé plusieurs syndicats ; l’Union des cigariers, sections 58 et 226, était la plus militante. En 1888, seulement 6 % des employés de la S. Davis and Sons étaient syndiqués, contre près de 20 % dans l’ensemble de l’industrie. Contrairement à ses collègues, Davis n’apposait pas l’étiquette syndicale sur ses cigares, qui étaient donc boycottés dans les régions très favorables aux syndicats. Toutefois, il n’appliquait pas de régime d’amendes ni de punition. Selon le Montreal Daily Star, la S. Davis and Sons « eut toujours la réputation de traiter ses employés de la manière la plus équitable ». Pourtant, la Presse affirmait que « ses rapports avec [son personnel] n’[avaient] pas toujours été très amicaux » et qu’elle avait connu une vingtaine de grèves. De 1883 à 1895, on peut en relever au moins trois. En juin 1883, la section 58 de l’Union des cigariers déclencha une grève dans toute l’industrie pour obtenir une hausse des salaires ; le conflit commença à la S. Davis and Sons, et c’est elle qui, semble-t-il, résista le plus longtemps. De juin à septembre 1894, les sections 58 et 226 firent la grève à la S. Davis and Company afin d’empêcher une réduction de salaire de 20 %, et elles atteignirent leur but. Il leur fallut recommencer en juillet 1895, mais cette fois on ignore quelle fut l’issue du conflit.
Davis prit sa retraite à l’été de 1895. Il était juif et avait longtemps appartenu à la congrégation espagnole et portugaise de Montréal, Shearith Israel, et avait été président de ce groupe orthodoxe durant 17 ans. Il s’était pris d’intérêt pour le mouvement de réforme et participa en 1882 à la fondation du Temple Emanu-El. Après avoir versé des sommes importantes pour la construction de la synagogue, il fut neuf ans président de la congrégation. Davis mettait systématiquement de côté 10 % de son bénéfice pour des œuvres philanthropiques, et c’est pourquoi on le surnomma « le Montefiore et le Hirsch du Canada » (les deux plus célèbres philanthropes juifs européens du xixe siècle). En cette époque où la plupart des Juifs fortunés ne se préoccupaient pas du sort de leurs coreligionnaires pauvres et immigrants, il milita dans la principale œuvre de bienfaisance juive de Montréal, la Young Men’s Hebrew Benevolent Society, qui prit par la suite le nom d’Institut du Baron de Hirsch. Président du comité consultatif de la Ladies’ Hebrew Benevolent Society, il fut aussi président honoraire de la Hebrew Benevolent Loan Society. Il payait les permis de colporteurs juifs, et quand des Juifs affluèrent de Russie, dans les années 1880, il veilla personnellement à loger 80 familles. En outre, il paya les études universitaires de Juifs démunis et contribua à la dotation d’une chaire d’hébreu à la McGill University. Cependant, ses coreligionnaires n’étaient pas les seuls à bénéficier de sa générosité. Il œuvrait à l’hôpital protestant des aliénés, ou asile de Verdun, versait des dons à de nombreuses œuvres de bienfaisance de la ville et fut administrateur à vie de différents hôpitaux. Sa femme, Minnie Falk, était également bien connue dans les cercles juifs de Montréal pour son infatigable dévouement aux œuvres de bienfaisance.
Samuel Davis exerçait toutes ces activités en même temps qu’il administrait son entreprise. Il mourut à Montréal à l’âge de 61 ans, quelques mois après avoir pris sa retraite.
Gerald Joseph Jacob Tulchinsky en collaboration avec James H. Lambert
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Gerald Joseph Jacob Tulchinsky en collaboration avec James H. Lambert, « DAVIS, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/davis_samuel_12F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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