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DALTON, CHARLES, fermier, pharmacien, cofondateur de l’industrie de l’élevage du renard argenté à l’Île-du-Prince-Édouard, homme politique, philanthrope et fonctionnaire, né le 9 juin 1850 à Tignish, Île-du-Prince-Édouard, fils de Patrick Dalton et de Margaret McCarthy ; le 30 juin 1874, il épousa dans sa ville natale Annie Gavin, et ils eurent 12 enfants, dont 5 moururent en bas âge ; décédé le 9 décembre 1933 à Charlottetown.
Fils d’immigrants catholiques irlandais, Charles Dalton grandit dans la ferme familiale à Norway, à l’Île-du-Prince-Édouard, et fréquenta l’école de district dans la localité voisine de Christopher Cross. Amoureux du plein air depuis son tout jeune âge, Dalton devint réputé pour son habileté en tant que tireur et trappeur. Il exerça d’abord le métier d’agriculteur, mais y prit peu d’intérêt et n’y excella pas particulièrement. L’économie rurale de l’île se portait mal dans les années 1880 et Dalton vendit sa ferme de Norway en décembre 1884. Il s’installa avec sa femme et ses enfants dans le village voisin de Tignish, où il acheta une pharmacie. La chimie fascinait Dalton, mais le commerce fit faillite en l’espace d’une décennie.
Durant toute cette période, Dalton conserva sa passion quasi obsessive pour la chasse et le trappage. Il était surtout attiré par le renard noir ou argenté, espèce rare née de la mutation du renard roux. Au cours d’un dîner en son honneur en 1929, Dalton déclarerait : « À chaque occasion, je m’adonnais à ma passion pour la chasse, et je devins bientôt un excellent tireur et trappeur. Le renard était mon grand objectif, et le seul nom de “renard noir” exerçait sur moi un charme romantique bien plus fort que tout autre attrait de ce sport. »
Dalton avait commencé à essayer d’élever des renards argentés en captivité dans les années 1880. En 1894, il s’associa à Robert Trenholm Oulton*, compagnon de chasse et de pêche, dans le but de faire l’élevage des renards. À l’origine, leur projet était probablement davantage un moyen de pratiquer leur passe-temps que de fonder un commerce, mais il se transforma rapidement en une entreprise lucrative. Dalton et Oulton y assumaient des fonctions distinctes. Même s’ils avaient tous deux une grande expérience de la chasse et du trappage, c’était Oulton qui veillait au soin quotidien des animaux. Dalton, qui fournit les premières bêtes pour la reproduction, s’occupait pour sa part des finances et de la mise en marché.
D’autres personnes avaient déjà tenté d’élever des renards en captivité, mais l’entreprise de Dalton et d’Oulton fut la première à jouir d’une prospérité durable. Au moyen d’un grillage hexagonal qu’ils se procurèrent à Montréal, ils construisirent un enclos sur la ferme isolée d’Oulton, située sur l’île Cherry (Oultons), près d’Alberton. Ils en modifièrent la structure après que trois bêtes se furent échappées, puis ils accouplèrent des renards argentés en vue de produire une magnifique race de renards de cette couleur. La naissance de renardeaux argentés n’était pas garantie, mais à force de multiplier les essais de reproduction, les deux hommes obtinrent de plus en plus les résultats désirés. À partir des mêmes animaux, chacun constitua son propre troupeau aux qualités distinctes. Les renards de Dalton avaient un pelage épais et foncé et le bout de la queue blanc, alors que la fourrure des renards d’Oulton était plutôt d’un noir bleuté. Dalton mettrait sur pied sa propre ferme d’élevage à Tignish en 1897, tout en maintenant son partenariat avec Oulton.
Les deux hommes tenaient absolument à garder leur travail secret et à établir un monopole. Désireux de conserver leurs plus belles bêtes pour la reproduction, ils voulaient et devaient se départir de quelques-unes de leurs peaux de qualité inférieure. La vente annuelle de fourrures qui avait lieu en janvier à la C. M. Lampson and Company de Londres leur donnait accès au marché visé. Ils y expédiaient leur marchandise la nuit, à partir d’un petit port, pour demeurer discrets. En 1900, ils obtinrent 1 807 $ pour une seule peau.
Dalton et Oulton n’avaient pas réussi à cacher entièrement leurs activités et, dès la fin des années 1890, d’autres personnes s’intéressaient à ce commerce. En 1900, ils s’associèrent à leurs voisins Silas Rayner, Benjamin I. Rayner, Robert Tuplin et James Gordon pour former la Big Six Combine. Les partenaires avaient une entente non écrite selon laquelle ils ne devaient jamais vendre de renards vivants. Leur pacte leur permettait de limiter la croissance de l’industrie et assurait l’application des principes de qualité, de réinvestissement et de loyauté. Parmi les 20 fermes d’élevage de renards exploitées en Amérique du Nord en 1909, 12 se trouvaient dans la région de Tignish-Alberton. Le monopole de la Big Six Combine prit fin en 1910 lorsque le neveu de Robert Tuplin, Frank F. Tuplin, vendit deux couples de renards argentés vivants pour la somme de 10 000 $. Pendant le boom du renard de 1910 à 1914, les uns firent fortune et les autres se ruinèrent. En 1910, à Londres, Dalton vendit 25 peaux pour plus de 20 000 $ ; à l’époque, un ouvrier agricole de l’Île-du-Prince-Édouard pouvait gagner 320 $ au cours d’une année. Selon le rapport de 1914 du commissaire de l’Agriculture, la valeur des 3 130 renards répartis dans les 277 fermes de l’île l’année précédente s’élevait à 14 millions de dollars.
En 1911, Oulton alla s’installer à Little Shemogue, au Nouveau-Brunswick. Dalton et lui rompirent amicalement leur association l’année suivante. Dalton vendit sa ferme d’élevage à Tignish et en établit une autre à Southport, près de Charlottetown, en 1913. Ce changement coïncidait avec son engagement dans une société ouverte, la Charles Dalton Silver Black Fox Company Limited, pour laquelle il avait reçu 400 000 $ en argent et 100 000 $ en actions en 1912. La reproduction des renards argentés de grande qualité diminua considérablement dans la ferme de Dalton à Southport. L’industrie en général fut également perturbée par la déclaration de la guerre en 1914. Cette année-là, Dalton vendit tous ses biens liés au commerce du renard ; il affirmerait plus tard qu’il avait « prévu ce qui allait arriver ».
Lorsqu’il cessa ses activités d’élevage, Dalton accorda davantage de temps à sa carrière en politique provinciale. Il s’était présenté sans succès aux élections de 1908, mais il fut élu député conservateur à l’Assemblée législative en 1912 et en 1915. Il représentait le 1er district du comté de Prince, qui englobait Tignish, et à partir de 1915, il fut ministre sans portefeuille sous les premiers ministres John Alexander Mathieson* et Aubin-Edmond Arsenault*. Dalton se retira de la politique après l’élection de 1919, qu’il ne parvint pas à remporter.
La réussite de Dalton en affaires lui permit de se consacrer à des œuvres caritatives et philanthropiques aussi bien qu’à sa carrière politique. Il fut le plus grand bienfaiteur des établissements de santé et d’éducation de la province pendant les 20 dernières années de sa vie, qui s’achèverait en 1933. L’un de ses dons les plus généreux et les plus célèbres fut un sanatorium, qui lui coûta en tout au moins 60 000 $. En 1906, l’une de ses filles avait succombé à la tuberculose, cause majeure de mortalité au début du xxe siècle. Le sanatorium, qui était le premier de la province, ouvrit ses portes à l’été de 1916 à North Wiltshire, près de Charlottetown. Dalton acheta le terrain et fit construire l’édifice, qui était conçu pour contenir 24 lits et était entièrement équipé. Bien que cet établissement ait été grandement nécessaire, son financement devint source de différends. Selon la loi de 1913 qui avait régi la création du sanatorium, c’était le gouvernement provincial qui devait payer pour le maintenir en service. Toutefois, en 1916, cette responsabilité fut transmise à la Commission des hôpitaux militaires, organisme fédéral, qui agrandit le sanatorium et en fit une maison de convalescence pour les soldats, dont bon nombre étaient tuberculeux. En 1920, l’établissement retomba à la charge de la province. Cependant, le gouvernement libéral de John Howatt Bell* refusa de s’en occuper et le redonna à Dalton en 1922, bien que l’île ait eu le plus haut taux de mortalité par tuberculose au Canada. Un article de journal fit observer : « Il ne serait pas exagéré d’affirmer que dans tout le dominion du Canada, si ce n’est dans le monde entier, on [ne] pourrait trouver pareil cas d’ingratitude ou d’animosité politique. » Le gouvernement refusa à Dalton le droit d’entamer des poursuites pour récupérer son investissement. Dalton permit que l’équipement et le matériel du sanatorium servent à la reconstruction du Charlottetown Hospital. Le cadeau qu’il avait offert fut bientôt un bâtiment abandonné et délabré. L’Île-du-Prince-Édouard devint la seule province dépourvue de sanatorium dans les années 1920.
En plus de ses généreux dons à la cause de la santé publique, Dalton apporta des contributions remarquables au domaine de l’éducation. Il portait un intérêt personnel au St Dunstan’s College, école catholique qui obtint le statut d’université en 1917. Ses fils, Charles Howard et Joseph Gerald, y reçurent leur diplôme en 1896 et en 1920 respectivement. L’école avait constamment des problèmes financiers ; bon nombre des étudiants tardaient à payer leurs frais de scolarité, en partie parce que la majorité venait de l’île même, où l’argent était rare. En 1913, le père Francis Clement Kelley, insulaire fondateur et président de la Catholic Church Extension Society aux États-Unis, demanda 50 000 $ à Dalton pour la construction d’un séminaire au St Dunstan’s College. Il l’implora : « Si vous pouvez faire cela, ce serait la plus grande chose jamais faite par un homme au Canada sur le plan pratique, car elle concerne Dieu et la religion. » Dalton accepta de verser 5 000 $ par année pendant dix ans. Il entra au conseil d’administration du St Dunstan’s College en juillet 1914 et la construction du Dalton Hall, qui était une résidence plutôt qu’un séminaire, débuta en 1917. Il ouvrit ses portes en 1919, bien qu’il n’ait pas encore été terminé. En 1916, Dalton avait été nommé chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, honneur décerné par le pape pour ses « généreux bienfaits pour l’éducation et sa charité envers l’humanité souffrante ».
Dalton apporta de nombreuses autres contributions à sa province. En 1916, il fournit une ambulance de campagne pour les besoins de la guerre au coût de 2 100 $. Il fut administrateur de la succession d’Owen Connolly, un autre insulaire d’origine irlandaise devenu millionnaire par ses propres moyens, qui légua une somme destinée à l’instruction des enfants pauvres d’ascendance irlandaise. Dalton fit aussi un don de plusieurs milliers de dollars pour la reconstruction de la cathédrale St Dunstan, qui fut complétée en 1919. La Dalton School fut bâtie dans la paroisse de Tignish en 1930, grâce à un montant de 20 000 $ offert par Dalton.
Après la fin de la Première Guerre mondiale, Dalton et sa famille s’étaient établis à Brookline, au Massachusetts. Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard entretenaient des liens étroits avec la région de Boston, principale destination des milliers de personnes qui quittèrent la province entre les années 1870 et 1930. Dalton retourna souvent à l’île, surtout au havre de nature dont il était propriétaire à Nail Pond. Sa famille, par contre, demeura dans la région de Boston.
En 1930, à l’âge de 80 ans et malgré le fait qu’il résidait aux États-Unis, Charles Dalton fut nommé lieutenant-gouverneur de l’Île-du-Prince-Édouard. Il exerça pleinement les fonctions liées à ce poste jusqu’à sa mort, survenue en décembre 1933 à la suite d’une chute sur la glace et d’une pneumonie. Il eut droit à des funérailles d’État, célébrées à la basilique St Dunstan par Joseph Anthony O’Sullivan, évêque de Charlottetown. Il fut inhumé à Tignish.
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Heidi MacDonald, « DALTON, CHARLES (1850-1933) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dalton_charles_1850_1933_16F.html.
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Auteur de l'article: | Heidi MacDonald |
Titre de l'article: | DALTON, CHARLES (1850-1933) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |